Quatre écrivains dans la garrigue (2022)

Ceci n’est pas à proprement parler un travail artistique*, bien que je me considère avant tout comme un artiste visuel. Il se situe entre recherche historique, critique littéraire et création.

L’inspiration pour cette série d’images sur le territoire des écrivains me vient de la lecture d’un texte littéraire, Le Dépaysement. Voyages en France de Jean-Christophe Bailly.

Le chapitre sur Nîmes, « Castellum aquae », débute par la définition que Francis Ponge faisait de lui-même : poeta neamusensis. Or, pour un écrivain d’origine nîmoise, ayant passé toute sa vie ailleurs, cette affirmation ne peut tenir qu’à une très grande force symbolique de l’image de cette ville.
Il est évident qu’elle vient de l’héritage de la romanité, de son autorité historique, mais il y a peut-être autre chose. La langue latine, ses dérivations méridionales, l’occitan et le provençal, le fait de se considérer dépositaire et interprète de ce legs.

Jean Paulhan, descendant d’une famille cévenole, lié à Ponge par d’étroits rapports de parenté ainsi que par une forte relation intellectuelle, se voulait descendant d’un Paulianus, consul à Nemausus au début de l’ère chrétienne. Les lettres et les dessins envoyés à ses parents depuis le “masé” du grand-père sont les documents que j’ai voulu accompagner par l’image.

J’ai donc commencé à parcourir les lieux que ces écrivains avaient sans doute parcourus, à la recherche de vestiges à photographier.

Des dessins de Norah Borges, peintre et sœur de l’écrivain argentin Jorge Luis Borges, m’ont amené aux jardins de la Fontaine et à la relecture de Fictions. L’une des nouvelles de ce recueil, Pierre Menard, auteur du Quichotte, porte en exergue la date Nîmes 1939, alors que, certainement, l’auteur argentin se trouvait à Buenos Aires à ce moment-là. D’ailleurs, toute son œuvre, à l’instar de la nouvelle en question, est un tissu d’embûches dans des méandres historiques et littéraires. Ce qui est avéré, est qu’il avait séjourné dans le Midi et à Nîmes à plusieurs reprises.

J’ai justement utilisé sa technique pour mon propre travail, en plaçant des légendes sous des images de lieux qui ne leur correspondaient pas, ou en brouillant les reproductions de textes et les fonds visuels que je leur avais associés.

Une peinture d’Henry Gowa, La marche de Saint Nicolas, m’a amené sur l’ancienne route départementale entre Nîmes et Uzès. J’ai utilisé le journal de l’écrivain allemand Lion Feuchtwanger, l’auteur du Juif Süss, interné pendant l’été 1940 dans le Camp Saint Nicolas, pour accompagner mes photos de ce qui reste de ce camp et des traces de mémoire, dérisoires peut-être, que j’y ai laissées.
Enfin, les cartes d’état-major qui constituent l’arrière-plan de ces tableaux ne correspondent pas au Camp des garrigues, l’épisode ‘’vichyste’’ (avec son article 19 de l’armistice) n’étant pas unique en Europe. Elles décrivent ici des lieux situés dans les alentours de Rome, ville dont je suis originaire et dont je ne peux pas refuser l’héritage.

 

 Francis Ponge

 Pierre Menard

 Jean Paulhan

Lion Feuchtwanger

Ces séries sont ponctuées par d’autres images retravaillées, peut-être plus personnelles, de la garrigue gardoise :


Nella garriga 08, 2017, 45×60.
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Nella garriga 09, 2017, 45×60.
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Nella garriga 06, 2017, 45×60.
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From the Road 01 (Camp de César), 2018, 32×50.
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From the Road 02 (Nages), 2018, 32×50.
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Zoology 03 (Pont du Gard), 2019, 31×50.
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Garriga 14, 2017, 32×32.

 

*Parce-que, dans son résultat, l’intention est encore bien présente et elle n’amène pas vraiment à une perte de soi : à une partielle redécouverte de soi-même, peut-être.

 

Nuovi mostri (2023)

Nuove foto di siti costieri, le saline di Aigues Mortes o lo stagno di Thau, nel sud della Francia. Alcune riproduzioni dall’opera di Ulisse Aldrovandi (vedi il mio Histoires des monstres, 2021), neglette a una prima selezione. Trattasi ancora di mostri marini. Una quantità di “firme” al timbro inchiostrato di rosso, da me scavate nelle pietre saponarie riportate dalla Cina trent’anni fa. E, come quarant’anni fa, segni inintelligibili a matita o al pastello a cera, scritture improbabili. Il tutto ripassato col pennello intinto nel fondo di caffè e infine qualche schizzo d’inchiostro di china. Servire su un letto di alghe.


Nuovi mostri 01A, 2023, 30×42.
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Nuovi mostri 02, 2023, 30×42.
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Nuovi mostri 03A, 2023, 30×42.
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Nuovi mostri 04, 2023, 30×42.
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Nuovi mostri 05, 2023, 30×42.
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New photos of coastal sites, the salt pans of Aigues Mortes or the Thau Lagoon, in the south of France. Some reproductions from the work of Ulysses Aldrovandi (see my Histoires des monstres, 2021), not included in a previous selection. The subject is once again sea monsters. A number of red-inked stamp ‘signatures’ I excavated from soapstones brought back from China thirty years ago. And, as forty years ago, unintelligible marks in pencil or wax crayon, improbable writings. All brushed over with a brush dipped in coffee grounds and finally a few splashes of Indian ink. Serve on a bed of seaweed.
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Le monstre de Brignogan-Plage, 2023, 20×30.

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Le monstre de Mèze 02,
2023, 20×30.
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Le monstre du Gardon, 2023, 20×30.
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Les monstres de Mèze, 2023, 20×30.
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Nouvelles photos de sites côtiers, des salines d’Aigues Mortes ou de l’étang de Thau, dans le sud de la France. Quelques reproductions de l’œuvre d’Ulisse Aldrovandi (voir mes Histoires des monstres, 2021), négligées lors d’une première sélection. Ce sont toujours des monstres marins. J’ai réutilisé, en “signature”, des tampons creusés dans des pierres à savon ramenées de Chine il y a trente ans. Et, comme il y a quarante ans, des marques inintelligibles au crayon ou au crayon de cire, des écritures improbables. Éclabousser le tout avec un pinceau trempé dans du marc de café et enfin quelques garnitures à l’encre de Chine. Servir sur un lit d’algues.

 

 

 

Con il cuore fermo (2022)

Ce travail s’inspire d’un autre documentaire de Gianfranco Mingozzi, moins connu que La Taranta : Con il cuore fermo, Sicilia (1965). Il n’est pas moins magistral que celui sur Galatina. Ce film connut des vicissitudes difficiles : conçu comme un long-métrage autour du personnage de Danilo Dolci (La violenza), il fut interrompu en plein tournage à cause du retrait de la maison de production. Mingozzi, avec son propre argent et l’aide technique d’un producteur indépendant, en fit un moyen-métrage qui jouit de l’admirable commentaire de Leonardo Sciascia (voir : Sciascia per Con il cuore fermo).
“Le détroit de Messine n’est donc pas seulement la ligne de partage entre le continent et une île, mais la ligne qui coupe les espoirs et les désirs de l’absence, la soumission, la misère, tous les problèmes d’un monde qu’il faut regarder d’un œil clair et d’un cœur ferme, publiquement, avec le courage de les affronter et de les résoudre.” (Leonardo Sciascia, in La terra dell’uomo, Lecce 2008, p. 83).

Les deux premières minutes du documentaire :
Gianfranco Mingozzi Con il cuore fermo, Sicilia – Sequenza iniziale.mov

Je n’ai utilisé de ce film que quelques captures d’écran, issues de la première séquence, où une voix off énumère les statistiques sur l’émigration de la Sicile vers l’Europe du Nord et où l’on montre les adieux des familles sur le quai de la gare maritime de Messine.
J’ai creusé le titre, respectant la police et le format originaux, au Bic sur des cartes topographiques. À travers les mots du titre, le fond du tableau, en rouge fluorescent. Les trois images arrêtées sont transférées sur verre et constituent le premier plan de chaque pièce.
J’ai utilisé sans doute les séquences les plus anodines du film, mais c’étaient les seules où je pouvais me sentir autorisé à intervenir. D’autres, outre celles des meurtres mafieux dont le montage est impressionnant, sont trop fortes pour ne permettre autre chose que de regarder : les corps luisants de sueur des travailleurs dans les mines de soufre ; la fuite des enfants du cortile Cascino devant la caméra, dans la dernière séquence.

 


Capture d’écran : http://www.gianfranco-mingozzi.it/D.%20Documentari.html
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Ainsi, le détroit de Messine…


mais sépare l’espoir du désir sans confiance,

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Le DVD dont j’ai extrait les arrêts sur image est inclus dans le livre publié par les éditions Kurumuny de Lecce en 2008 : Gianfranco Mingozzi, La terra dell’uomo. Storie e immagini su Danilo Dolci e la Sicilia.

Les liens vers mes travaux précédents inspirés des documentaires de Mingozzi : Galatina remix, Galatina 1961.

Un extrait de Con il cuore fermo, Sicilia (5 minutes) :

 

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Feuchtwanger (2022)

“Les dimanches d’hiver, quand en général il n’y a pas d’entrainement dans le terrain militaire du Camp des garrigues, il y a une certaine tolérance, ou peu de surveillance, à l’égard des randonneurs, des chercheurs de champignons et des coureurs. Mais il a fallu attendre le mois de mars et la fin de la saison de chasse au sanglier pour pouvoir pénétrer, habillé comme un coureur et en courant, dans le terrain, pour y placer un carreau de céramique en guise de stèle commémorative.
J’ai trouvé, à l’intérieur même de l’ancien camp d’internement (dont il ne reste que des vestiges infimes) un endroit plat et assez visible à l’improbable visiteur, où la terre paraissait remuée de frais, et c’est là où, en mars 2018,  j’ai placé mon humble témoignage.”

Pour l’historique de ce geste,  un petit rappel :
“Comme on le sait, une stèle est la statue d’un lieu. Elle le constitue en point de repère de la mémoire historique, comme une épingle sur une carte d’état-major. […] Dans le terrain militaire des Garrigues (près du Mas de Massillan) existait déjà un camp, ouvert depuis janvier 1940 pour environ 200 « étrangers hostiles » (surtout allemands et autrichiens), et qui hébergeait déjà autant de républicains espagnols. Quelques kilomètres plus au nord, le long de la route départementale qui relie Nîmes à Uzès (dont le trajet a changé depuis) et à proximité d’une ferme désaffectée, existait un grand terrain plat. C’est là où arrivèrent, le 27 juin 1940, au bout de cinq jours d’un tragi-comique périple en train et après une marche à pieds de quinze kilomètres, environ 2000 détenus provenant du camp des Milles.”  (Camp Saint Nicolas, October 2016. Voir aussi : Une marche en garrigue, émission réalisée par D. Balay pour France Culture en septembre 2017).

En novembre 2022, le caractère exagérément confidentiel de cette intervention artistique, qui n’a connu qu’un seul acteur et témoin, me pousse à relire et réinterpréter les images que j’avais prises au moment de l’apposition de ma “stèle”.

Je vais imprimer sur film transparent et superposer ces photographies à des cartes d’état-majeur, des cartes de l’Istituto Geografico Militare italien dont je dispose grâce à la prévenance d’un ami fils de diplomate. On est bien là dans un terrain militaire, comme Feuchtwanger et les autres réfugiés allemands étaient en 1940. Par ailleurs, ces cartes italiennes remontent à la même époque. Je compte aussi imprimer sur papier calque des extraits du texte de l’écrivain allemand où il décrit sa marche dans la garrigue et son arrivée au Camp Saint Nicolas, et les superposer aux cartes IGM. Il me faudra encore un élément de couleur, propre à rehausser ou parfois à brouiller certaines parties des deux premières couches sémantiques. Je pense transférer, sur verre et en premier plan, les dates de la marche et de l’internement au Camp saint Nicolas, que je retrouve dans le journal de L.F. Comme un cachet de cire rouge et dans la langue originale, bien sûr.
En bon critique de moi-même, je me permets de rappeler que cette technique de travail par stratigraphie n’est pas sans faire écho à une pratique du “retour sur les lieux” : octobre 2016, septembre 2017, mars 2018, novembre 2022.

(Le livre de Feuchtwanger : Der Teufel in Frankreich. Erlebnisse, Berlin 2000 (1982). Traduction française : Le diable en France, Paris 1985 (Livre de Poche 2012). Première édition : Mexico 1942, sous le titre Unholdes Frankreich.

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Feuchtwanger 01, 2022, 30×40.
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Feuchtwanger 02, 2022, 30×40.
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Feuchtwanger 03, 2022, 30×40.
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Feuchtwanger 04, 2022, 30×40.
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Feuchtwanger 05, 2022, 30×40.
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Feuchtwanger 06, 2022, 30×40.

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Galatina giugno 1961 (2022-2023)

Questo è il grande giorno delle tarantate. Una volta l’anno esse scrollano il peso e il tormento del loro numero anonimo nella società e della privazione di diritti elementari, e possono recitare la loro disperazione davanti a una folla di spettatori.

I tarantati dicono di sentire la noia all’inizio del male, male che viene curato con le cadenze di una musica fortemente ritmata e continua, e con la danza della piccola taranta, la tarantella. Gli strumenti musicali di cura sono: violino, fisarmonica, tamburello. Il violinista fa il barbiere, il tamburellista è contadino, il suonatore di fisarmonica mette i morti sotto terra.

E il 28 giugno di ogni anno, sotto il sole, mentre i carri portano un suono cupo di solchi lacerati, di torrenti, pietra su pietra colore del fuoco, vanno le tarantate, e quelle che sono state liberate del male, nella cappella di San Paolo, con la speranza di ascoltare, dal forte labbro del Santo, una parola che annienti ogni forza malefica sulla croce di due pietre.


2022, Galatina 04, 20×30.

Giungono altre donne. La speranza di guarire si ripercuote sulla loro anima, ogni anno. Il morso, come il rimorso, è aspro da sottomettere.

Qui, il tarantismo comincia la sua morte. Interdetta dalla pietà cristiana, la musica la danza, disarticolata la disciplina del ritmo e della melodia, moltiplicate le possibilità di contagio di queste frane della psiche fra il formicolio delle ammalate, il tarantismo, nella cappella di San Paolo, è già nella sua parabola di crisi.

Quello che poteva sembrare oleografia o folklore entra ora nel campo della cura neurologica. Nell’evoluzione del mondo di oggi, quest’antica eredità del medioevo consuma ormai il suo ultimo tempo.

(Estratti dal commento di Salvatore Quasimodo per il documentario di Gianfranco Mingozzi, La Taranta (18′ 32”, 1962, musiche originali registrate da Diego Carpitella; fotografia di Ugo Piccone; consulenza di Ernesto de Martino).


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2022, Galatina 09, 20×30.
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La prima parte della scaletta presentata da Mingozzi, scrupolosamente rispettata da Quasimodo (da Gianfranco Mingozzi, La Taranta, Lecce 2009, p. 36).

* Per un’analisi del testo di Quasimodo vedi: Héloïse Moschetto, “Dall’esorcismo al trasumanar : le tarantolate di Salvatore Quasimodo”, Babel [web], 42, 2020.

** La scrittrice e fotografa Suzanne Doppelt si è ispirata al documentario di Mingozzi per il suo Meta donna (Paris, P.O.L, 2020).
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Il titolo di questi lavori è Galatina. Il formato è 20×30 cm. I quadretti sono numerati nell’ordine, da 01 a 09.
La tecnica: screenshot stampati in UV su celluloide, tasselli di puzzle dipinti all’acrilico, carta topografica ritagliata.
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Series completed June 28, 2022, at La Verrière, France.
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Work resumed in March 2023, with the addition of six new pieces:


2023, Galatina 10, 20×30.
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2023, Galatina 11, 20×30.
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2023, Galatina 12, 20×30.
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2023, Galatina 13, 20×30.
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2023, Galatina 14, 20×30.
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2023, Galatina 15, 20×30.

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Polyandrion (2022)

 

Je présente ici une réédition de la première d’une série d’estampes inspirées par le Songe de Poliphile (Francesco Colonna, Hypnerotomachia Poliphili, Venezia, Aldo Manuzio, 1499) : From Cythera series C, 2018. Dans cette œuvre romanesque, les protagonistes Poliphile et Polia se retrouvent parmi les ruines du Polyandrion qui, d’après les exégètes modernes, pourrait se traduire par “le cimetière des morts d’amour”.

Le mot Polyandrion vient du grec ancien ; il désigne les sépultures collectives, notamment de guerriers morts au combat :
article ancient world magazine
article wikipedia
Je m’y intéresse aussi parce que j’ai repris récemment un travail sur les Étrusques et leurs pratiques funéraires : sp nemoz

Voir aussi, parmi les nombreux articles sur les canopes :
article enciclopedia treccani
article camminare nella storia

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Pour les représentations du Polyandrion dans le Poliphile, voir :
article persee
article cairn
article utpictura

 

PS :
Une photographie prise dans les mêmes circonstances que celle utilisée en fond de ce From Cythera C 01, mais avec un cadrage  différent, a servi pour une couverture de la revue La cause du désir (numéro 104, mars 2020). Le lieu representé est le “Temple de Diane” des Jardins de la Fontaine à Nîmes.

 

 

 

Der Reichstagssturm (2022)

A thesis on contemporary history.

I vuoti lasciati da un T-Rex dipinto di rosso fluorescente.
Gli Hostile Hopi che resistevano all’imperialismo americano, all’inizio del ventesimo secolo.
Un puzzle le cui tessere sono andate disperse. Un esperimento sull’andatura dei gibboni.
La presa del Reichstag da parte dell’Armata Rossa, in un ciclo pittorico celebrativo del Karlshorst Museum di Potsdam.

Les vides laissés par un T-Rex peint en rouge fluo.
Les Hostile Hopi qui résistent à l’impérialisme américain au début du 20e siècle.
Un puzzle dont les pièces ont été dispersées. Une expérience sur la démarche des gibbons.
La prise du Reichstag par l’Armée rouge, dans un cycle de peintures commémoratives au Karlshorst Museum de Potsdam.

The gaps left by a T-Rex painted in fluorescent red.
The Hostile Hopi resisting American imperialism, early 20th century.
A puzzle whose pieces have been scattered. An experiment on the gait of gibbons.
The taking of the Reichstag by the Red Army, in a commemorative painting cycle at the Karlshorst Museum in Potsdam.


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Der Reichstagssturm 01, 2022, 22,5×30.
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Der Reichstagssturm 02, 2022, 22,5×30.

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Bello! Opere nuove? C’è spiegone?
SC

Ah no, òpiri d’arti sunnu!
Lo spiegone è che la Storia è complessa e confusa.
Comunque il tirannosauro a pezzi è l’impero sovietico, o forse anche il puzzle.
Il tentativo di rimettere insieme i pezzi si urta alla resistenza degli Hopi, oppure a quelle dei gibboni, che non vogliono stare al gioco.
E la visione della storia è imbrogliata da ogni elemento successivo, come un’archeologia all’incontrario.
E alla fine non ci si capisce niente ma forse c’è un bell’effetto pirotecnico.
SP

Ruins in the Forest. Series A (2016-2017)


RnF A 01, 2016, 30×40.
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RnF A 02, 2016, 30×40.
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RnF A 03, 2016, 30×40.
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RnF A 04, 2016, 30×40.
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RnF A 05, 2016, 30×40.
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RnF A 06, 2016, 30×40.
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RnF A 07, 2016, 30×40.
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RnF A 08, 2016, 30×40.
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RnF A 09, 2016, 30×40.
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RnF A 10, 2016, 30×40.
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Spuglia lettre 1

Spuglia lettre 2

 

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NEMOZ, livre d’artiste. (2022)


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NEMOZ est le nom, prélatin et même préceltique, * du site où surgit la ville de Nîmes, anciennement Nemausus. Étant romain de naissance, et ayant l’opportunité de séjourner régulièrement dans la “Rome française”, je m’y sens comme “chez moi”, et j’ai souhaité apporter mon humble contribution à une iconographie de la capitale du Gard.

Ainsi qu’un nom pré-romain, qui résonne bien à mes oreilles, ** j’ai choisi pour mes illustrations des sources pré-romaines : des productions plastiques des Étrusques, le peuple qui a tout appris aux Romains, sauf l’art de la guerre.

J’ai utilisé comme support un guide de Nîmes et du Gard de 1935, peut-être un objet de collection en soi. J’y ai apposé, à l’encre rouge Lumen 26, des “reprises” d’images qui me tiennent à cœur : des photographies de canopes (urnes funéraires grossièrement anthropomorphiques). Ces vases viennent surtout de la ville de Chiusi (Toscane méridionale), bien qu’on en trouve aussi un peu plus au nord (Arezzo). Ils datent du VIIe-VIe siècle av. J.-C. ***

Quelqu’un remarquera peut-être que mes citations de l’imagerie tuscanique présentent des profils pas très « philologiques », un peu trop proéminents, à l’instar d’un célèbre personnage littéraire, lui aussi issu des terres d’Étrurie. C’est une petite boutade que je me suis autorisé.

 

* Certains citent, toutefois, un mot celte nemoz (forêt), d’autres un nemeton, qui “désigne le temple utilisé par les Gaulois à l’époque de leur indépendance” (https://fr.wikipedia.org/wiki/Religion_gauloise).

** Le latin nemo (ne hemo, “pas-homme”) pourrait donner en français personne, si ce n’est que personne vient du latin persona, qui à son tour vient de l’étrusque phersu : masque.

*** Les canopes qui ont servis de modèle à mes fictions sont exposés actuellement au Musée de la Romanité de Nîmes (Étrusques, une civilisation de la Méditerranée, du 15 avril au 23 octobre 2022).
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Dimensions des images : 24×34 cm.
Travail achevé le 17 mai 2022.
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Documents annexes :


SP, Phersu, 1986, 60x25x30, égaré (exposé à Masques d’artistes, La Malmaison, Cannes 1987).
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Le personnage de Phersu, tombe des Augures, nécropole de Monterozzi, Tarquinia, VIe siècle av. J.-C.

 

 

 

Oiseaux de Carême (Birds of Lent) 2022


Au moment où je peins ces poissons en prise de bec avec eux-mêmes, ces grotesques ichtyologiques sur fond de planches ornithologiques allemandes, on est en pleine période de Carême (la période liturgique qui débute quarante jours avant la Résurrection).

Je reprends, deux ans après, des dessins de Carême  exécutés  pendant le printemps 2020, période où, comme on le sait, on était dans la pénitence  et l’on ne pouvait consommer de viande (mais du poisson, ça oui).

Oiseaux de Carême : le juste titre me vient d’un vers de Thomas Lago (“envoie tes oiseaux de malheur…”) pour une chanson des Kat Onoma de l’année 1987 je crois (Cupid). En italien cela donnerait : uccelli di malaugurio, uccelli di Quaresima, qui résonne avec Quarantena.

Des oiseaux de proie (Raubvögel), ainsi que des oiseaux aquatiques, issus d’un recueil zoologique déniché par mon amie Margaret dans un marché aux puces du Starnbergersee, dans les années 90, et réduit par moi à l’état d’arête à force d’en arracher les pages.

Un dessin à la main libre et à la mémoire courte, à l’acrylique rouge, en une maladroite imitation du peintre oriental, ivre de jeûne et d’abstinence.

 


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Birds of Lent 01, 2022, 33×42.
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Birds of Lent 02, 2022, 33×42.
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Birds of Lent 03, 2022, 33×42.
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Birds of Lent 04, 2022, 33×42.

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Birds of Lent 05, 2022, 33×42.

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Birds of Lent 06, 2022, 33×42.

 

 

Paulhan

“Jusqu’à l’âge de douze ans, Jean Paulhan vit heureux dans la région nîmoise ou cévenole : il va passer le dimanche au mazet, herboriser dans le bois des Espeisses, explorer la garrigue, regarder les parties de boule, se promener au jardin de la Fontaine, écouter les ‘sornettes’ de son grand-père…”, Claire Paulhan, Introduction à Jean Paulhan, La vie est pleine de choses redoutables. Textes autobiographiques, Paris 1989, p. 9.

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Paulhan 01, “passer le dimanche au mazet”.
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Paulhan 02, “herboriser dans le bois des Espeisses”.
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Paulhan 03, “explorer la garrigue”.
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Paulhan 04, “regarder les parties de boule”.
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Paulhan 05, “se promener au jardin de la Fontaine”.
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Paulhan 06, “écouter les ‘sornettes’ de son grand-père”.

Le format de chaque pièce de la série, achevée à la fin de février 2022, est 24×36.
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Voir aussi:

Christian Liger, Histoire d’une famille nîmoise : les Paulhan, Paris 1984 (d’où j’ai tiré les dessins et manuscrits de J. P. utilisés en trame de mes images).

Jean Paulhan-Francis Ponge, Correspondance 1923-1968, vol. I et II, Paris 1986.

Frédéric Badré, Paulhan le juste, Paris 1996.
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Quant à la méthode employée pour ce travail, je me suis inspiré de celle de Pierre Menard *, illustrée dans ce même site. Aucune des images utilisées pour accompagner les écrits de jeunesse de Paulhan n’est “originale” : ces photographies légendées proviennent toutes de mes archives personnelles et ont été prises dans différents lieux du Gard au cours des dix dernières années. Elles pourraient facilement être interchangeables.
Dessins autographes, images d’aujourd’hui : il manquait un élément textuel à relier et rehausser ces deux couches. Je l’ai trouvé, je crois, dans le poncif de l’épigraphie nîmoise, la dédicace augustéenne de la Maison carrée. Par ailleurs, Paulhan ne se considérait-il pas le descendant d’un “certain consul romain Paulianus qui est resté célèbre”? **

* “la technique de l’anachronisme délibéré et des attributions erronées” (Jorge Luis Borges, “Pierre Menard, auteur du Quichotte”, Fictions (1939).
** Jean Paulhan, Entretiens à la radio avec Robert Mallet, Paris 2002 (enregistrés en 1952).

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(D’après : http://www.nemausensis.com/Nimes/MaisonCarree.htm)
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Un supplément : Paulhan 00, 2023, 24×36.

 

 

 

Menard

« Pierre Menard, autor del Quijote », le premier récit « fantastique » de Jorge Luis Borges, publié en mai 1939 dans la revue argentine Sur, porte en bas la date fictive « Nîmes 1939 ». À cette date Borges résidait à Buenos Aires. Il avait pourtant séjourné dans la ville occitane à l’été 1918, à l’âge de dix-neuf ans, et en avril 1919 (peut-être aussi en 1923, mais je ne suis ni bibliophile ni biographe et je n’ai pas cherché à en savoir plus). Dans l’œuvre de Borges les références à Nîmes sont plutôt elliptiques (voir le poème « Por los viales de Nîmes », antérieur à 1925) mais dans cette nouvelle l’auteur montre une connaissance plus que touristique de la ville ; en témoignent les noms mêmes qu’il mentionne : Menard (ou Ménard), Reboul, tant du côté protestant que catholique.  Par ailleurs sa sœur Norah, artiste peintre, à laquelle il était très lié et avec qui il voyageait, était à ce que l’on dit très impressionnée par la beauté de la “Rome française” et  en avait représentés quelques lieux remarquables (voir le dessin  Jardin à Nîmes, ici reproduit en bas de page (AA. VV. Federico Garcia Lorca (1898-1938) Museo Nacional de Arte Reina Sofia, Madrid 1998, p. 186).

Quant à ma séquence de lieux notables, j’ai apposé à chaque image une des six lettres du nom MENARD, en Bodoni 72 .
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Voir  aussi:
Eamon McCarthy, Norah Borges: A Smaller, More Perfect World, University of Wales Press, 2020.

Eamon McCarthy, “El jardín de los Borges que se bifurcan: The Image of the Garden in the Early Work of Jorge Luis and Norah Borges”, Romance Studies, vol. 27, 2009.

Michel Lafon, Une vie de Pierre Ménard, Paris 2008.

René Ventura, La vrai vie de Pierre Ménard ami de Borges, Nîmes 2009.

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Menard 01, “… y entre los cipresos infaustos…”, 28×42, 2022.
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Menard 02, “… las ninfas de los rios…”,
28×42, 2022.
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Menard 03, “… un simbolista de Nîmes…”, 28×42, 2022.
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Menard 04, “Ah, bear in mind this garden was enchanted!”, 28×42, 2022.
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Menard 05, “… Le Jardín du Centaure de Madame Henri Bachelier...”, 28×42, 2022.
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Menard 06, “Nîmes, 1939”, 28×42, 2022.
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* Remerciements à Eric Decrette de la bibliothèque du Carré d’art et Jean-Louis Meunier de l’Académie de Nîmes.

 

 

 

Ponge

“Je puis me plaire à considérer Rome, ou Nîmes, comme le squelette épars, ici le tibia, là le crâne d’une ancienne ville vivante, d’un ancien vivant…”,
Francis Ponge, Le parti pris des choses, Paris 1942, p. 75.

2 janvier 2022. En ce début d’année, je débute aussi un nouveau travail. Avant-hier, 30 décembre, j’ai achevé la série Histoire des monstres,  d’après les gravures de Ulisse Aldrovandi et hier, dernier jour de l’année 2021, profitant d’une lumière de brume assez exceptionnelle dans cette partie de la France, je suis monté à bicyclette au Cimetière Protestant et j’en ai photographié les pourtours, sans y pénétrer.

Au retour à la maison j’ai repris le livre de Jean-Christophe Bailly sur ses voyages en France (Le dépaysement, Paris 2011) et je l’ai ouvert au chapitre 23. Castellum acquae : ” Nemausensis poeta, c’est ainsi que Francis Ponge aimait à s’annoncer…”

Depuis longtemps, depuis que je sais que Francis Ponge est enterré dans ce cimetière d’une insoutenable beauté, à quelques centaines de mètres de chez moi, que je pense aller visiter sa tombe, mais je ne l’ai jamais vraiment fait. Son patronyme ne figure pas parmi ceux des personnalités illustres, sur la carte accrochée à l’entre monumentale, et en flânant dans les allées mousseuses, en compagnie d’un chat errant ou de l’autre, je n’ai jamais posé les yeux sur son nom, ni ai-je voulu interroger les gardiens à son sujet.

Hier aussi, au lieu que rentrer, maintenant que je connaissais le sujet de mon travail nouveau, je suis resté aux abords des deux secteurs du cimetière, séparés par un cadereau canalisé et bétonné pour éviter les inondations. J’ai pris quelques photos de l’intérieur par les bouches d’évacuation des eaux, ayant la tête à la hauteur du terrain et des tombes.

PS : les scans utilisés en fond à mes photographies viennent de l’édition de 1979 de Francis Ponge, Le parti pris des choses, Paris 1942.
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Ponge 01, 24×42, 2022.
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Ponge 02, 24×42, 2022.
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Ponge 03, 24×42, 2022.
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Ponge 04, 24×42, 2022.
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Ponge 05, 24×42, 2022.
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Ponge 06, 24×42, 2022.
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2 January 2022. At the beginning of this year, I embarked upon a new project. The day before yesterday, 30 December, I completed the series Histoire des monstres, based on engravings by Ulisse Aldrovandi, and yesterday, the last day of 2021, taking advantage of foggy conditions that are quite unusual in this part of France, I cycled to the Protestant Cemetery located a few hundred meters from my home and photographed its perimeter, without entering it.

Upon returning home, I picked up Jean-Christophe Bailly’s book on his travels in France (Le dépaysement, Paris 2011) and turned to chapter 23, entitled Castellum acquae: “Nemausensis poeta, as Francis Ponge liked to refer to himself…”

For a long time, ever since I learned that Francis Ponge was buried in this unbearably beautiful cemetery, I had been thinking of visiting his grave, but somehow I never managed to do so. His name does not appear among the illustrious figures on the map posted at the monumental entrance, and while strolling through the mossy paths, in the company of a stray cat, I never found his name, nor did I want to ask the cemetery’s caretaker.

Yesterday, having decided on the subject of my new project, I returned but rather than entering the cemetery, I remained at the edge of its two divisions, separated by a concrete-paved ditch dug below the street level to avoid flooding. Looking through the ditch’s drainage holes situated at the ground level, I took some pictures of the cemetery’s interior and the tombs from this unusual viewpoint.

 

Notes :

Mais je ne suis pas loin de Nîmes. N’y puis-je rien y faire à ta place ? Au splendide jardin de la route d’Alès (1) (qui m’est si cher), n’aurez-vous pas à venir ? Ne puis-je rien préparer ?
Francis Ponge, Lettre à Jean Paulhan, 22 mars 1944, in  Correspondance 1923-1946, Paris 1986, p. 309.
La note (1) de l’éditeur récite : Il s’agît du cimetière protestant de Nîmes, où se trouve le monument funéraire de la famille Ponge-Fabre.

 

 

 

 

 

Predators (2021)

Superb 19th-century German zoological prints that I disfigured by superimposing fluorescent acrylic silhouettes, some of which refer to features depicted in the prints, while others are totally unrelated. The source of this inspiration was my vague recollection of the never-reread  17th-century French literary classic, La Fontaine’s Fables or of various French or German animal tales, which I attribute to the Age of Enlightenment.

Des planches zoologiques allemandes du XIXe siècle, superbes, que je me suis autorisé à abimer en leur superposant des silhouettes à l’acrylique fluorescent, prenant appui sur des éléments de l’image, ou les ignorant. Dans la tête, le vague souvenir des jamais relues Fables de la Fontaine ou de certains contes animaliers, français ou allemands, que je situe à l’âge des Lumières.

 


Predators 01 (Raubtiere bis 01), 33×42 (sold).
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Predators 02 (Raubtiere bis 02), 33×42.
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Predators 03 (Raubtiere bis 03), 33×42.
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Predators 04 (Raubtiere bis 04), 33×42.
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Predators 05 (Raubtiere bis 05), 33×42.
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Predators 06 (Raubtiere bis 06), 33×42.
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Predators 07 (Raubtiere bis 07), 33×42.
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Predators 08 (Raubtiere bis 08), 33×42.
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The first presentation of this series here.

 

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Jacques Derrida, To Save the Phenomena.

In 1989 the French philosopher, Jacques Derrida, wrote an essay on my early artwork entitled “Sauver les phénomènes (Pour Salvatore Puglia)”. The essay was originally published in the French journal Contretemps in 1995.

I am pleased to announce that the Chicago University Press has recently published an English translation of this essay along with several other writings by Derrida in the collection Thinking Out of Sight, Writings on the Arts of the Visible.

For a preview of “To Save the Phenomena” click here.

Below are the nine works referred to in Derrida’s text (only Vie d’H.B. is reprinted in the translated text):


1987 Ashbox
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1986 Intus ubique
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1987 Als Schrift
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1985 Hors d’attente
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1984 Présages
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1986 Croce e delizia
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1983 Vie d’H.B.
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1985 Aurora
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1988 Orto petroso

Keams Canyon, May 1896 (2021)

Un recente impegno, in risposta alla sollecitazione di un mio amico che lavora nel campo dell’educazione e mi chiedeva un lavoro sulla scolarizzazione nel secolo XIX.

Eccoti la mia idea. Penso a una serie di sei-otto lavori (formati 30×40 e 30×30) sui bambini Hopi alla scuola industriale di Keams Canyon nel 1896.
Come avrai visto dal mio testo sul sito (Hostile Hopi, italiano) la scolarizzazione era una tappa importante per l’assimilazione degli indiani d’America. Andando a scuola, non potevano più parlare la loro lingua, dovevano cambiare nome, vestirsi all’occidentale e naturalmente seguire il catechismo. La scuola era lontana dai villaggi quindi tornavano raramente a casa.
Gli Hopi finirono per dividersi in due fazioni, gli Hostile, che volevano rimanere sulla Mesa e continuare le pratiche tradizionali e che rifiutavano di mandare i figli a scuola; e i Friendlies, che accettavano la scuola e anche di andare ad abitare nelle casette nuove in pianura.
Nella primavera del 1894 quasi tutti resistettero all’attribuzione di lotti individuali e chiesero ai “Washington Chiefs” di continuare a coltivare in modo comunitario. La loro petizione non ebbe mai risposta ma la lottizzazione non funzionò.
Nel novembre di quell’anno intervenne l’esercito degli US per mettere i bambini a scuola in modo forzato, e diciannove padri di famiglia renitenti vennero imprigionati e deportati ad Alcatraz per un anno.
Alla fine la scissione ci fu davvero, nel 1906, quando il villaggio di Oraibi si divise fisicamente in due. I Friendlies rimasero a Oraibi e gli Hostile fondarono un nuovo villaggio, Hotevilla.
Nella primavera del 1896 lo storico dell’arte tedesco Aby Warburg visitò il villaggio di Oraibi, oltre alla scuola industriale di Keam’s Canyon. A Oraibi assistette a una danza rituale, la Hemis Kachina, che non era quella che fu poi il soggetto della sua famosa conferenza di Kreuzlingen (“Il rituale del serpente”, pubblicato in italiano in aut aut del Gennaio-aprile 1984).
Durante i suoi soggiorni presso gli Hopi Warburg non pare avere avuto conoscenza degli avvenimenti degli anni precedenti; in ogni modo non li menziona e sulla questione dell’educazione occidentale ha una posizione ambigua, come si può evincere dagli ultimi paragrafi della sua conferenza. Altri hanno già interpretato e preso posizione al riguardo. Ma è evidente che la sua superficiale adesione alla luminosità dell’insegnamento occidentale contraddice il suo pessimismo “leopardiano” rispetto alle conseguenze del progresso importato dalla modernità.
Per questa mia nuova serie, lavoro a strati.
Un primo strato è trasparente ed è la riproduzione di una foto fatta da Aby Warburg al Keams Canyon. Un secondo strato è la riproduzione della petizione comunitaria del marzo 1894, rivolta ai “Washington Chiefs” e firmata da ognuno con il disegno del suo totem, e la relativa spiegazione. Il terzo strato è la mia ripresa, grossolana e profana, di alcune di queste “firme-totem”, a mo’ di tatuaggio rosso fluorescente.
Esistono due altre foto di Warburg, fatte nella stessa occasione. Una rappresenta Thomas Keam davanti casa, l’altra il Canyon dove si trovava la scuola. Keam era un ex militare irlandese stabilitosi in Arizona, dove aveva aperto un emporio e fungeva da mediatore fra gli Hopi e il governo americano. Ma non penso di intervenire su queste ultime immagini, che mi paiono « fuori tema ».
Apporrò al disotto dei miei lavori le didascalie del libro da cui ho tratto le foto di Warburg (B. Cestelli Guidi, N. Mann, Photographs at the Frontier.  Aby Warburg in America, 1895-1896, London 1998).
La questione che pone questa serie di lavori è certo speciale e non comparabile con quelle che voi educatori affrontate oggi. Dovevano i bambini Hopi essere mandati a scuola o dovevano essere lasciati alla loro comunità e alla loro cultura? Oppure era possibile una strada intermedia?
Apparentemente nell’America fra i due secoli questo non era possibile.

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KC 01. Alunne Hopi con il loro insegnante, Mr. Neel, di fronte alla Moki (Hopi) Industrial School al Keam’s Canyon, Arizona, nel maggio 1896. Queste foto vennero scattate da Warburg al termine del suo soggiorno nel territorio Hopi.
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KC 02. Alunne Hopi e alunne occidentali nel Keam’s Canyon, Arizona, maggio 1896.
 Le alunne della Scuola industriale Moki (Hopi) stazionano su una roccia; il gruppo è composto da bambine indiane, ad eccezione di una bambina occidentale (facilmente riconoscibile dall’abito bianco).
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KC 03. Genitori Hopi che riportano i figli da scuola, Keam’s Canyon, Arizona, maggio 1896.
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KC 04. Allievi Hopi della Industrial School di Keam’s Canyon, Arizona, maggio 1896.
I bambini indiani venivano vestiti in abiti occidentali. Warburg aveva chiesto loro di illustrare una storia per vedere se il pensiero simbolico continuava a vivere in popoli che non erano pienamente « civilizzati » dal punto di vista della civiltà occidentale. Questi ritratti erano intesi come documentazione del suo esperimento, il che potrebbe spiegare la posa «antropometrica» di queste fotografie.
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K5 05. Allievo della Moki (Hopi) Industrial School a Keam’s Canyon, Arizona, maggio 1896. Per gli studenti della Industrial School, cappelli e vestiti erano parte dell’uniforme quotidiana: la scuola era in internato e si trovava a miglia di distanza dai loro villaggi.
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KC 06. Allievi della Moki (Hopi) Industrial School. In questo doppio ritratto, il più grande dei due sembra estremamente consapevole. La mano appoggiata ai fianchi e lo sguardo puntato sul fotografo rivelano una fierezza non intaccata dagli abiti che gli sono stati imposti.
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Below is my response to a request from my friend M., who asked to elaborate an art project on the subject of education in the 19th century. 

This is my proposal. Six works (30×40 cm and 30×30 cm) on Hopi children at the Keams Canyon Industrial School in 1896.
As you have noted in my recent text (Hostile Hopi, English), schooling was an important stage in the assimilation of Native Americans. On their way to school, they could no longer speak their language, they had to change their names, dress Western and of course follow the catechism. The school was far from the villages so they rarely returned home.
The Hopi ended up splitting into two factions, the “Hostiles, who wanted to remain on the Mesa and continue traditional practices and refused to send their children to school; and the “Friendlies », who accepted the school and even went to live in new houses on the plains.
In the spring of 1894 almost everyone resisted the attribution of individual plots and asked the “Washington Chiefs” to be allowed to cultivate them communally. Their petition was never answered, but for several reasons the government’s land allotment program did not work out.
In November of that year, the US army intervened to force the children into school, and nineteen defying fathers were imprisoned and deported to Alcatraz for one year.
In 1906, the split was exacerbated , when the village of Oraibi was divided into two. The “Friendlies”, remained in Oraibi while the “Hostiles” founded a new village, Hotevilla.
In the spring of 1896, German art historian Aby Warburg visited the village of Oraibi, as well as the industrial school at Keams Canyon. In Oraibi he attended a ritual dance, the Hemis Kachina, which was not the subject of his famous lecture in Kreuzlingen (“The Snake Dance”, published in Italian in aut aut, January-April 1984).
During his stays with the Hopi, Warburg does not appear to have been aware of the events of previous years; in any case he does not mention them, and on the question of Western education his position is ambiguous, as reflected in the final paragraphs of his conference. Others have examined this matter and taken position. But it is evident that his superficial adherence to the enlightened nature of Western teaching values contradicts his “Leopardian” pessimism regarding the consequences of any sort of progress resulting from modernity.
In my new series, I work in layers. A first layer is transparent and reproduces a photo taken by Aby Warburg at Keams Canyon. A second layer is a reproduction of the community petition of March 1894, addressed to the “Washington Chiefs” and signed by each member of the community with the design of his totem, and its explanation. The third layer is my crude imitation of some of these “totem-signatures”, resembling red fluorescent tattoos.

There are two other photos taken  by Warburg on the same occasion: one of Thomas Keam in front of his house, the other of the canyon where the school was located. Born in England, Keam served in the US army eventually settling in Arizona, where he operated a trading post and acted as a mediator between the Hopi and the US government. But I do not expect  to use these last two images, which I consider to be insufficiently relevant.
However, I will place underneath my artworks the captions published in the book containing Warburg’s photos (B. Cestelli Guidi, N. Mann, Photographs at the Frontier.  Aby Warburg in America, 1895-1896, London 1998).
The question posed by this series of works is quite particular and unlike those that educators, like yourself, face today. Should the Hopi children have be forced  to attend faraway schools or should they have to be left in their community in contact with their culture? Or was an intermediate solution possible?

Apparently in late-nineteenth century America, this was not an option.

 

See also: https://slate.com/human-interest/2013/07/hopi-petition-asks-government-to-allow-communal-land-owning-to-continue.html

https://books.google.fr/books?id=EHrML-IMEfIC&pg=PA114&dq=hopi+moqui+allotments&hl=en&sa=X&ei=xkHfUbbkIcazyQHFvoHoDQ&redir_esc=y#v=onepage&q=hopi%20moqui%20allotments&f=false

 

 

 

 

Hostile Hopi (English, 2021)

The following text is the premise of an art project I recently completed (May 2021; see Keams Canyon, May 1896) involving various photographs taken by Aby Warburg during the spring of 1896 in the northeastern sector of present-day Arizona (USA).

The Hopi are a Native American tribe established between the 8th and the 13th centuries in the desert territories bordering present-day New Mexico, Colorado, Utah and Arizona. Since 1934, the Hopi constitute a self-governing tribe occupying a reduced area within the larger Navajo reservation.

The Hopi’s first contact with Westerners dates back to 1540, when the conquistador Francisco Vásquez de Coronado learned of their existence and carried out an initial census. Subsequently the Spanish conquerors attempted to convert them to Catholicism. In 1629, thirty Franciscan friars arrived in their territory.
The year 1680 saw the great revolt of the united Pueblo and Hopi, which took the Spanish twenty years to quell. At the end of the 17th century, the only village that the missionaries had succeeded in converting was Awatowi. In the winter of 1700-1701, groups from other Hopi villages attacked Awatowi. All the men were killed, while the women and children moved to other villages, and their houses were burned to the ground. The Spanish eventually gave up their attempts to colonize the Hopi, and their presence on Hopi land became sporadic.

The first contact with the new occupants, the United States of America, occurred in 1850 (two years after the end of the war in which the US incorporated 55% of Mexican territory).
In 1875 Loololma (also known as Lololomai), the head of the village of Oraibi (considered the most traditional of the Hopi settlements) was taken to Washington to meet with the President of the United States. He returned convinced of the need to build schools in order to provide access to American “civilization” and to produce larger quantities of maize, the Hopi’s staple food.

In 1887 the first school was built at Keams Canyon. This initiative represented a genuine attempt to convert the Hopi and, as a result of the passive resistance on the part of many members of the tribe, the few pupils attended the school (1). Eventually in 1890 US federal troops forced children to attend by threatening to arrest non-compliant parents.
In 1893 a new school opened in Oraibi. The following year, a group of parents refused to send their children there. The US army intervened, arresting nineteen fathers and eventually deporting them to Alcatraz prison, where they remained detained for several months (November 1894-September 1895) (2).
Finally, in 1906, as a result of inter-community conflicts related to education as well as land ownership issues, the village split into two factions: those who collaborated (the “Friendlies”) remained in Oraibi; while those who resisted (the “Hostiles”), under the leadership of Lomahongyoma, head of the Spider clan, established a new settlement, Hotevilla.

In the winter of 1895-1896,  after a stay in Washington where he conferred with ethnographers at the Smithsonian Institute, Aby Warburg visited several Native American villages in New Mexico and attended certain ceremonies (but not the Snake Dance). From Albuquerque he travelled to Laguna, then to Acoma; in San Ildefonso he observed a performance of the  Antelopes Dance. In late April 1896, after a stay in California, he returned to the Hopi territories. After a two-day trip in a buggy across the desert, he arrived at Keams Canyon and proceeded to Walpi and Oraibi, where he witnessed the humiskatcina dance.

Therefore, Warburg was in Oraibi some seven months after the release of the nineteen “Hostile” fathers from Alcatraz prison. Although in the account of his journey (as recounted in his well-known Kreuzlingen lecture of 25 April 1923) (3), Warburg does not mention this episode, it is highly unlikely that he was unaware of it. And, while his entire lecture revolves around the question of the conflict between the “Hopi soul” and Western culture and the subject of education is repeatedly referred to, Warburg does not seem to be familiar with the methods of forced education practiced by the US government. He only mentions difficulties that the head of the village of Acoma encountered in convincing reluctant Indianers to enter the church.

Figure 27 of the Kreuzlingen lecture shows a small group of school children “gracefully dressed and in aprons”, who no longer believe in to the “pagan demons”. But this observation, apparently ironic, is followed by a striking affirmation: “Children standing in front of a cave. Leading them to light, is the task not only of the American school, but of humanity in general”.

The first four photos that follow illustrate the different phases of the arrest and internment of the nineteen Hopi parents (among them, at the center, the head of the “Hostile” faction, Lomahongyoma). The next two photos were taken with Warburg’s Kodak camera: they show Neel, the teacher, with two Hopi girls and a group of children in front of a cave .

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(1) “The Keams Canyon School was organized to teach the Hopi youth the ways of European-American civilization. It forced them to use English and give up their traditional ways. The children were made to abandon their tribal identity and completely take on European-American culture. They received haircuts, new clothes, took on Anglo names, and learned English. The boys learned farming and carpentry skills, while the girls were taught ironing, sewing and “civilized” dining. The school also reinforced European-American religions.”
This quote, as well as the information above and most of the following, is taken from the wikipedia article “en.wikipedia.org/wiki/Hopi”.

(2) For additional information on this deportation  and the four related photographs, see the website of the Alcatraz National Park: www.nps.gov/alca/learn/historyculture/hopi-prisoners-on-the-rock.htm.
See also: S. Rushfort, S. Upham, A Hopi social History, Austin, Texas, 1992; M. S. Gilbert, Education beyond the Mesas: Hopi Students at Sherman Institute, 1902-1929, Lincoln, Nebraska, 2010; H. C. James, Pages from Hopi History, Tucson, Arizona, 1974; Peter M. Whiteley, Deliberate Acts, Changing Hopi Culture Through the Oraibi Split, The University of Arizona Press, Tucson, 1988.

(3) A. Warburg, “Il rituale del serpente”, aut aut, 199-200, January-April 1984, pp. 17-39; see also the fundamental B. Cestelli Guidi, N. Mann, Photographs at the Frontier. Aby Warburg in America, 1895-1896, London 1998. And without overlooking Aby M. Warburg, Images from the region of the Pueblo Indians of North America, Translated with an interpretive essay by Michael P. Steinberg, Ithaca and London, 1995, and David Freedberg, “Pathos at Oraibi: What Warburg did not see”, in Lo sguardo di Giano: Aby Warburg fra tempo e memoria, ed. C. Cieri Via e P. Montani, Torino 2004), pp. 569-611.

Note: this is a revised automatic translation from the Italian (see my Hostile Hopi 2017-2021).
(The images disappeared from this page. Please refer to the Italian version of this article.)
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The nineteen “Hostile” in Alcatraz.

Hopi and Western children at Keams Canyon, photo by Aby Warburg (1896). From B. Cestelli Guidi, N. Mann, Photographs at the Frontier. Aby Warburg in America, 1895-1896, London 1998.
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A page from the Hopi petition, March 1894.

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The religious chiefs symbols.

 

2021, Keams Canyon 00, 40×30.

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The final pages of the Kreuzlingen (1923) lecture, in “Il rituale del serpente”,  aut aut, Gennaio-aprile 1984.

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Anabasis. Mario Rigoni Stern landscapes. (2015-2021)

Mario Rigoni Stern (1921-2008) had two ‘anabasis experiences’ in his lifetime. The first one involved the retreat of the Italian Expeditionary Corps in Russia, in January 1943. Rigoni was one of the 60,000 ‘Alpini’ elite military corps that Mussolini sent to occupy the Soviet Union, and among the fortunate 20,000 that returned home safely. His second “anabasis” experience occurred two years later, during his escape from a German military concentration camp in April 1945. For ten days, Rigoni wandered through the Styria and Carinthia forests in Austria surviving on berries, bird eggs and snails before encountering an outpost of Italian partisans at an Alpine pass.

I regard Mario Rigoni Stern as one of my spiritual fathers along with Nuto Revelli (1919-2004) and Vittorio Foa (1910-2008). Among the three, it is Rigoni Stern who explored in greatest depth the relationship between humans and their natural environment. The theme of the forest, as a locus of nature, is central to Rigoni’s oeuvre. The pre-Alpine forest, which was completely destroyed by Austrian and Italian bombs between 1915 and 1918 and subsequently replanted, is an example of the blending of the artificial with the natural. By the time Stern’s work Uomini, boschi e api (Men, Woods and Bees,) was published in 1980, the Asiago plateau forest had reverted to a nature state.

The forest is a mirror of the world “as it should be”, a world where “siamo tutti compaesani”, (we all belong to the same village). In this ecosystem, we can all live together, humans and various animal species, once the carrying capacity of the environment is under control. But according to the writer, the ‘good’ forest is not the one that grows freely and spontaneously. Rather it is the one tamed by human labor, where humankind plays the role of the caring gardener.

At the beginning of his book Forests. The Shadows of Civilization, (Stanford 1992), Robert Pogue Harrison quotes the Italian philosopher Giambattista Vico: “This was the order of human institutions: first the forests, after that the huts, then the villages, next the cities, and finally the academies…” (The New science, 1725). But Vico’s text continues as follows: “it is the nature of peoples to be first crude, afterward severe, then benign, later on delicate, eventually dissipate”.

Rigoni Stern considers Vico’s reflection, and assumes that the city (the last stage of human progress before academies, according to Vico) has become a place of “spiritual solitude”, where “barbarity dwells in the very heart of the humans” and states that the woods have become a “place of salvation” (Introduction to Boschi d’Italia, Rome 1993).

As I wandered around Rigoni’s homeland, I recorded some images of forests, which, upon closer inspection, reveal traces of the war: the collapsed trenches and the craters left by bombs. There I encountered a theme related to my Rupestrian series: these sites have also been reclaimed by nature, even if here the traces left behind are the result of humankind’s diabolical engineering rather than its creativity.

The works that bears the title Anabasis come from the superposition of these images and archive images: the Alpini retreating in the Russian snow, the trenches and the woodland of the Asiago plateau after an artillery battle.

 


Anabasis 03, 40×60, 2015.
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Anabasis 06 A and B, 30×30 each, 2015.
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Anabasis 09 B, 40×60, 2018.
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Anabasis 08 B, 40×60, 2020.
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Anabasis 05 B, 40×60, 2021 (2015).

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Rigoni Stern connut deux anabases, une grande et une petite. La première fut la retraite de Russie, en janvier 1943 ; Rigoni était l’un des 60.000 chasseurs alpins italiens partis pour occuper l’Union Soviétique, aux côtés des allemands, et il fut l’un des 20.000 qui en revinrent. La deuxième fut sa fuite solitaire du Stalag, en avril 1945 ; pendant une dizaine de jours il erra dans les forêts de Carinthie et de Styrie, se nourrissant de baies, d’œufs d’oiseaux et d’escargots, jusqu’au moment où il rencontra, sur la route des Alpes, un poste avancé de partisans italiens.

Mario Rigoni Stern (1921-2008), avec Nuto Revelli (1919-2004) et Vittorio Foa (1910-2008) est l’un de mes pères. Et, parmi mes pères, c’est celui qui a le plus investi la thématique du rapport de l’homme à la nature.

Le haut-plateau d’Asiago est le lieu des origines et des retours de Rigoni ; la forêt qui le couvre, cette même forêt annihilée par les bombes autrichiennes et italiennes entre 1915 et 1918 et ensuite « reconstruite » (exemple du naturel qui devient artificiel, pour redevenir naturel) est un sujet central dans son œuvre littéraire.

Le bois est, d’après Rigoni, « lieu de salut » (introduction à Boschi d’Italia, Rome 1993), tandis que la ville est devenue le lieu de la « solitude spirituelle », où « la barbarie se cache jusque dans le cœur des hommes ». L’écrivain de l’Altopiano reprend ici les arguments de Giambattista Vico (Principi di scienza nuova, 1725), tout en leur donnant une inflexion plus humaniste et, somme toute, réconciliante. Si l’homme veut survivre « avec » la nature, il doit être capable d’en prélever sa part, sans en entacher le capital.

Comme on le sait, Rigoni était un chasseur passionné ; on se demande si, finalement, ses raisonnements ne couvraient pas son désir de s’adonner à la chasse au coq de bruyère. Cela dit, le coq de bruyère n’est aucunement en danger et la forêt se porte bien en Europe, vu sa progression aux dépens des pâturages et des terres cultivables.

Aussi éloigné d’un sentiment de domination inspiré de la civilisation des Lumières que d’une approche nostalgique à la Sturm und Drang (1), Rigoni exprime plutôt un sobre panthéisme humaniste ; la « bonne » forêt n’est pas, d’après lui, celle qui pousse de manière spontanée et sauvage ; c’est celle qui est administrée et ordonnée par l’homme, en sage jardinier.

En errant, en touriste, sur l’Altopiano, j’ai enregistré quelques images de sites naturels où restent visibles les traces de la guerre : les tranchées écroulées, les cratères ouverts par les obus. Je retrouve, dans ces images, le motif de mon travail sur le rupestre : peut-on parler de sites « rupestres » même si ce n’est pas la créativité de l’homme qui a laissé ses empreintes, mais plutôt sa diabolique ingénierie ?

Les travaux qui ont pour titre Anabasis naissent de la superposition de ces photographies et d’images d’archives : la retraite des Alpini dans la neige de Russie et leur lutte pour s’ouvrir un passage ; les abris des fantassins et les bois de l’Altopiano éventrés par les batailles d’artillerie.

 

(1) Sur la confrontation-opposition entre ces deux courants de pensée voir Robert Pogue Harrison, Forêts : Essai sur l’imaginaire occidental, Paris 1994.

Hostile Hopi (2017-2021)

Spuglia Hostile Hopi 02

Il testo che segue, se può interessare qualcuno, è la premessa a un lavoro che sto compiendo, l’intervento cioè su alcune fotografie scattate da Aby Warburg nella primavera del 1896, nel Nord-Est dell’Arizona (USA).*

Gli Hopi sono una tribù amerindiana stabilitasi all’incirca mille anni fa (chi dice nell’ottavo secolo, chi dice nel tredicesimo) nei territori desertici situati fra il Nuovo Messico, il Colorado e l’Arizona. Attualmente autogovernano una ridotta riserva all’interno della più vasta riserva Navajo. Abitano (abitavano) villaggi di case trogloditiche raggruppate su altipiani rocciosi, le mesa.
Il primo contatto degli Hopi con gli Occidentali risale al 1540, quando il conquistador Francisco Vàzquez de Coronado venne a sapere della loro esistenza e ne fece un primo censo. In seguito i conquistatori spagnoli intrapresero la loro conversione al cattolicesimo. Nel 1629 trenta frati francescani approdarono nel loro territorio.
Nel 1680 ebbe luogo la grande rivolta dei Pueblo e degli Hopi uniti, che gli spagnoli misero vent’anni a domare.
Alla fine di quel secolo l’unico villaggio che i missionari erano riusciti a convertire era quello di Awatowi. Nell’inverno 1700-1701 squadre scelte provenienti dagli altri villaggi Hopi attaccarono Awatowi. Tutti gli uomini furono uccisi, le donne e i bambini trasferiti negli altri villaggi, le case bruciate sino alle fondamenta. Gli spagnoli rinunciarono alla colonizzazione degli Hopi e la loro presenza divenne sporadica.
Il primo contatto con i nuovi occupanti, gli Stati Uniti d’America, avvenne nel 1850 (due anni dopo la conclusione della guerra in cui gli USA incorporarono il 55% del territorio messicano).
Nel 1875 Loololma (o Lololomai secondo altre dizioni), capo del villaggio di Oraibi (considerato il più tradizionale fra gli insediamenti Hopi) fu condotto a Washington per incontrarvi il presidente degli Stati Uniti. Ne rientrò convinto della necessità di far costruire scuole, per poter accedere al livello di civiltà degli americani ed essere capaci di produrre grandi quantità di granturco, l’alimento base degli Hopi.
Nel 1887 fu edificata una prima scuola al Keams Canyon. Rappresentava una vera impresa di conversione e, in seguito a una forma di resistenza passiva, accolse pochi alunni (1); finché nel 1890 truppe federali, sotto la minaccia dell’arresto dei loro genitori, non vi condussero a forza i bambini.
Nel 1893 fu aperta una nuova scuola a Oraibi. L’anno successivo un gruppo di genitori rifiutò di mandarvi i figli. L’esercito americano intervenne, arrestò diciannove padri e li deportò nella prigione di Alcatraz, dove rimasero detenuti per diversi mesi (novembre 1894-settembre 1895) (2).
Nel 1906 infine, in conseguenza di conflitti intercomunitari che si focalizzavano sulla questione dell’educazione oltre che su quella del possesso delle terre, il villaggio si scisse: i “collaboratori” (“friendlies”) rimasero a Oraibi; mentre i “resistenti (“hostiles”), sotto la guida di Lomahongyoma, capo del clan del Ragno, fondarono un nuovo insediamento, Hotevilla.

Nell’inverno 1895-1896 Aby Warburg, dopo un soggiorno allo Smithsonian Institute di Washington, visita diversi villaggi amerindiani del Nuovo Messico e assiste ad alcune cerimonie (ma non alla danza dei Serpenti). Da Albuquerque va a Laguna, poi ad Acoma; a San Ildefonso vede la danza delle Antilopi. A fine aprile 1896, dopo un soggiorno in California, è di ritorno nei territori Hopi dell’Arizona. Dopo due giorni di viaggio in calesse nel deserto, arriva al Keams Canyon e di lì raggiunge Walpi e Oraibi. In quest’ultimo luogo assiste alla danza humiskatcina.
Quindi Warburg si trova a Oraibi al più tardi sette mesi dopo il rilascio dei diciannove “hostile” dall’isola di Alcatraz. Se nel resoconto del suo viaggio (la famosa conferenza del 25 aprile 1923 a Kreuzlingen) (3) non fa menzione di questo episodio, sembra difficile che non ne sia venuto a conoscenza. E, se tutto il suo testo gira intorno alla questione del conflitto fra “l’anima” Hopi e la cultura occidentale e l’aspetto dell’educazione vi è più volte toccato, egli non pare essere stato al corrente dei metodi di educazione forzata praticati dal governo federale statunitense. Egli cita solo la difficoltà con cui il capo del villaggio di Acoma riesce a far entrare in chiesa i riluttanti Indianer.
Infine, la figura 27 del “PowerPoint” di Kreuzlingen mostra un piccolo gruppo di scolari “graziosamente abbigliati e coi grembiulini”, che non credono più ai “demoni pagani”. Ma a quest’osservazione, apparentemente ironica, segue un’affermazione lapidaria: “I bambini stanno dinnanzi a una caverna. Condurli alla luce, è il compito non solo della scuola americana, bensì dell’umanità in generale”.
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Le prime quattro foto che seguono illustrano le differenti fasi dell’arresto e dell’internamento dei diciannove genitori Hopi (fra cui si riconosce, in posizione centrale, il capo della fazione “resistente”, Lomahongyoma). Le due successive sono state scattate con l’apparecchio Kodak di Warburg: vi si può riconoscere il maestro Neel con due alunne e i bambini di fronte alla grotta da cui la civiltà occidentale si adopera ad estrarli.

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Nota gennaio 2023: questa piccola ricerca ha dato luogo a una serie di lavori, in cui sovrapponevo le foto fatte da Warburg a Oraibi, le pagine di una petizione dei capi Hopi per la terra in comune e i disegni da me imitati delle loro firme: Keams Canyon 1896.
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(1) “The Keams Canyon School was organized to teach the Hopi youth the ways of European-American civilization. It forced them to use English and give up their traditional ways. The children were made to abandon their tribal identity and completely take on European-American culture. They received haircuts, new clothes, took on Anglo names, and learned English. The boys learned farming and carpentry skills, while the girls were taught ironing, sewing and “civilized” dining. The school also reinforced European-American religions.”
Questa citazione, così come le informazioni che precedono e buona parte di quelle che seguono, è tratta dall’articolo di wikipedia “en.wikipedia.org/wiki/Hopi”.

(2) Su questa vicenda e per le relative quattro fotografie da me riprodotte vedi il sito web del parco nazionale di Alcatraz: www.nps.gov/alca/learn/historyculture/hopi-prisoners-on-the-rock.htm.
Vedi anche: S. Rushfort, S. Upham, A Hopi social History, Austin, Texas, 1992; M. S. Gilbert, Education beyond the Mesas: Hopi Students at Sherman Institute, 1902-1929, Lincoln, Nebraska, 2010; H. C. James, Pages from Hopi History, Tucson, Arizona, 1974; Peter M. Whiteley, Deliberate Acts, Changing Hopi Culture Through the Oraibi Split, The University of Arizona Press, Tucson, 1988.

(3) A. Warburg, “Il rituale del serpente”, aut aut, 199-200, gennaio-aprile 1984, pp. 17-39; vedi anche il fondamentale B. Cestelli Guidi, N. Mann, Photographs at the Frontier. Aby Warburg in America, 1895-1896, London 1998. E senza dimenticare Aby M. Warburg, Images from the region of the Pueblo Indians of North America, Translated with an interpretive essay by Michael P. Steinberg, Ithaca and London, 1995. Non male il David Freedberg, “Pathos at Oraibi: What Warburg did not see“, in Lo sguardo di Giano: Aby Warburg fra tempo e memoria, ed. C. Cieri Via e P. Montani, Torino 2004), pp. 569-611.

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I diciannove “renitenti” ad Alcatraz.

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warburg 01

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Bambini scolarizzati, con il maestro e davanti alla grotta di cui alla Fig. 27 del Rituale del serpente. Foto di Warburg (1896). Da B. Cestelli Guidi, N. Mann, Photographs at the Frontier. Aby Warburg in America, 1895-1896, London 1998.
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Petizione per la terra comune, marzo 1894.

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I simboli dei capi religiosi.

 


2021, Keams Canyon 00, 40×30. Dove utilizzo le due immagini precedenti.

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Le pagine finali della conferenza di Kreuzlingen (1923), in “Il rituale del serpente”,  aut aut, Gennaio-aprile 1984.

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E due foto più tardive (1905):


(Southwest Museum Collection, Los Angeles, CA, USA)

 

 

 

 

Nouvelle iconographie (2020)

Les travaux que je montre ici sont à prendre comme une interprétation et transformation de la tentative positiviste de définir, non seulement des “types” humains, mais de cerner les identités grâce aux différentes caractéristiques d’un visage. J’ai notamment utilisé les illustrations de La nouvelle iconographie de la Salpêtrière, revue publiée entre 1888 et 1916 à Paris par le professeur Charcot et le photographe Albert Londe.


(2000, Maastricht)
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1992

Je m’intéressais, au début des années ’90, à l’iconographie médicale et anthropologique de la fin du XIXème siècle ; je suivais les traces de l’obsession scientiste qui visait à définir des «types», qu’ils soient raciaux, sociaux, psychiatriques ou criminels.
En travaillant sur les collections photographiques de l’époque, je m’étais borné à utiliser les images des aliénés telles qu’elles avaient été présentées par leurs docteurs, c’est à dire, anonymes et hors contexte. En les soumettant à une transformation, je me proposais de re-présenter une individualité que la prise photographique leur avait soustraite.  Je travaillais, il y a trente ans, par abandons successifs d’originalité, par reproductions répétées qui auraient amené, voulais-je, à l’icône, au «monogramme» du sujet en question: partant de la photographie, passant par la photocopie, brouillant l’image sous des couches d’écriture différentes, multipliant l’image par des projections, mettant l’image en mouvement par le biais de cadres mobiles, qu’on pouvait toucher ad libitum. Ce fut la série Über die Schädelnerven (1993), dont le titre -en une sorte de parodie d’un autre regard scientifique- répète celui de la dissertation de Georg Büchner sur les nerfs du crâne des poissons. 
Je n’avais pas considéré la possibilité de sauver ces figures-là de leur anonymat; je pensais qu’à travers leur manque d’identité même je serais parvenu à les toucher. Je pensais aussi qu’en traversant et en transperçant leur image, j’aurais pu trouver la face sacrifiée de ces personnes. Ne pas respecter les versions données par les interprètes (les fondateurs de la neurologie, les inventeurs de l’identification judiciaire), était une tâche qui me rapprochait des méthodes –tant méprisées par moi- des historiens, que je voyais presque toujours enfermés dans de rassurantes entreprises de «reconstruction».  Toutefois, aux soucis d’objectivité et de démonstration j’opposais une pratique performative que l’historiographie peut rarement se permettre.


(2002, Rome)
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2002

Dix ans après, je me dis qu’accepter le caractère anonyme de mes sujets signifie ne pas assumer sa propre responsabilité d’individu qui fait face à d’autres individus. Je décide, en juin 2002, de partir à la recherche de ces gens. Et il s’agit là, à proprement parler, de «types». Non seulement ils avaient étés privés de leur propre figure pour servir de dépotoir de signes propres à définir des ensembles, des «groupes» de cas, mais il sont doublement aliénés : ils ont étés sauvés de l’oubli pour revenir à nous simplement en tant que sujets d’un certain regard posé sur eux. En fin des comptes ils ont été déjà «typographiés». Mes reproductions à moi représentent leur troisième mort.

Pour une raison quelconque, de format ou de circonstance, six photographies étaient restées en marge de celles que j’avais recueillies dans mes recherches iconographiques des années 90. Je les avais retrouvées en défaisant mes cartons, l’été 1999, à l’arrivée à Dalsåsen, dans la province de Sogn og Fjordane, en Norvège, où j’étais censé passer trois mois dans une résidence d’artiste.
 Après pas moins de trois semaines d’inactivité et de désorientation, un jour, feuilletant paresseusement mes papiers, j’ai eu l’idée de reproduire ces photographies sur bois et en faire des xylographies. Ne m’étais-je pas toujours intéressé aux formes de divulgation des images, dans leur rapport avec l’art populaire d’un côté et avec le kitsch de l’autre ? La gravure sur bois n‘étais-t-elle pas la première forme de reproduction mécanique de l’image ? N’étais-je pas entouré de bois feuillu de toutes sortes, à perte de vue et sans pitié ? Ne devais-je, enfin, faire avec ce que j’avais sous les mains et sous les yeux ? Et cette énième, première, technique artistique, juste un bout de fer appliqué sur un bout de bois, n’aurait-t-elle pas permis d’extraire le «monogramme» de l’image que j’avais vainement recherché en la torturant avec des transparences, des projections et des radiographies? 
Je remis la main sur ces anonymes «administrés» de la division des maladies mentales de la Salpêtrière. Reprendre le portrait photographié, l’agrandir à la photocopieuse, transférer l’image sur la plaque de bois de peuplier avec du tri-chlore éthylène, graver la plaque, encrer, poser la feuille de papier japonais, presser et frotter. En voici le résultat.
 Revenu «en Europe» je n’ai pas eu, pendant trois ans, l’occasion de revoir et encore moins celle de montrer ces gravures. Plusieurs déménagements, fuites, prises et reprises, installations et désinstallations ont fait que mes travaux et mes archives ont été dispersés entre plusieurs caves, greniers, granges, garages, cabinets et, finalement, ateliers, dans plus d’un pays. Je me souviens d’avoir offert à mon ami Rodolphe les matrices de ces six types. Cela se passait en Alsace, où il m’avait invité à un festival, en 2001 ; je lui en étais reconnaissant et je voulais le signifier.

Quelques mois plus tard, je revis ces plaques dans son studio parisien. Ce fut comme une découverte, ces types m’étaient vraiment inconnus. Je fis en toute hâte des nouvelles gravures -puisque je ne savais plus où se trouvaient les norvégiennes- en utilisant du papier kraft et des couleurs acryliques achetés au magasin d’à côté.
 Et voilà que, rentré de Lisbonne, en aménageant rue Hégésippe Moreau à Paris, je redécouvre, en récupérant des affaires chez mon amie Ariane, les xylographies de 1999, que je vous présente ici.
 L’histoire peut alors redémarrer. Voyons.
 Je décide de retrouver ces noms, ces histoires. Je vais boucler la boucle et unifier, vingt ans après mon départ d’Italie, ma méthode d’historien et ma pratique d’artiste.
 18 juin. Je retourne à la bibliothèque de l’École de Médecine, où j’avais trouvé ces images, il y a dix ans. Je déclare que je suis un chercheur universitaire, il serait trop compliqué d’expliquer tout ça. Je feuillète la collection de la Revue Photographique des Hôpitaux de Paris (parue entre 1869 et 1872) ; j’y trouve une belle «Étude photographique sur la rétine des sujets assassinés», avec description de l’énucléation de l’œil de son orbite et du traitement en laboratoire de la rétine, afin d’y trouver l’image impressionné de l’assassin, mais je n’y trouve pas mes images.
 20 juin. On m’a conseillé d’aller directement à la Salpêtrière. Là il y aurait, m’a-t-on dit, les archives du professeur Charcot. Mais je n’y trouve que la collection de l’Iconographie photographique de la Salpêtrière (1877-1880) ; il y a beaucoup de représentations de toutes sortes de maladies, là-dedans, mais pas les miennes.
 21 juin. Je retourne à la bibliothèque de Médecine. Je me fais apporter toute la Nouvelle iconographie de la Salpêtrière (1888-1918) et je repère, assez éparpillées, les photographies que j’ai utilisées à l’époque pour Über die Schädelnerven (c’est curieux, je n’ai aucun souvenir de toutes ces recherches, je ne sais même pas si c’est moi qui ai vécu tout cela). Il y a là des cas cliniques de toutes sortes, des hémiplégies hystériques, des ataxies statiques, des acromégalies et des scléroses en série, mais pas mes six anonymes. Et bien que j’examine tous ces visages et que je commence à avoir de l’expérience, je n’arrive pas à déterminer de quelle affection peuvent être atteints mes inconnus.
 24 juin. On m’a conseillé d’aller aux Archives historiques de l’Assistance publique, rue des Minimes. J’y passe toute la journée, secondé par un employé passablement jovial et désœuvré. On sort tous les registres des entrées des aliénés, toutes les observations médicales déposés chez eux. Aucune trace de «mes» six.
 25 juin. On ne peut se rendre que sur rendez-vous à la photothèque de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, rue des Fossés Saint Marcel. J’ai pris rendez-vous; une employée passablement catatonique me remet plusieurs documents versés par les services du feu docteur Charcot. Rien à faire. Je ne sais plus où aller. Les anonymes sont destinés à rester tels. Mais elles me viennent d’où, ces six images ?
 29 juin. J’ai décidé de montrer ces visages gravés, sans noms et hors contexte. Je les accompagnerai de mon nom et de ma petite histoire. Cela devrait passer.

2010

En démontant un vieux travail j’ai l’idée de reproduire ces images sur miroir. Ainsi, on ne pourra s’empêcher de se voir soi-même, tout en contemplant le sujet de Charcot. Des coulées de peinture rouge fluorescente auront la fonction de mettre en relief, au hasard, certains traits du visage montré.


(2010, Nîmes)
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2020

Un ami proche, Nicola, me reparle de la Salpêtrière et des changements intervenus dans ce lieu depuis les années 90 du siècle passé. En même temps ma galeriste, Françoise Bornstein, me propose de reprendre, pour un salon à Paris, des travaux d’il y a dix ans autour des identifications criminelles et judiciaires, ce que je fais. Mais je garde un œil sur celui qui était mon leitmotiv artistique en ce moment-là : la question de la pose, du regard, et de leur interprétation. Je reprends quelques-uns des « sujets »  de Londe. Cela donne un nouveau travail, fusion à l’aide de miroir des photographies de la police romaine des années 70 et de celles des pathologistes parisiens du début XXe siècle ; cela donne ma dernière série : La Buoncostume-Salpêtrière.

 

La Buoncostume-Salpêtrière (2020)

La Buoncostume-Salpêtrière
2020
34×34, technique mixte.

Le sujet des Inconnus de la Salpêtrière me suit maintenant depuis plus de vingt ans. Dans les années 90 du siècle dernier, je fréquentais beaucoup les archives et les bibliothèques des Écoles de médecine ou des Hôpitaux de Paris, à la recherche de sujets de traitement psychiatrique aussi bien que de regard photographique. Dans le fonds Charcot de la Salpêtrière j’avais trouvé six images d’aliénés, probablement prises par Albert Londe au début du XX siècle, sur lesquelles j’ai travaillé en les reproduisant en xylographie, en 1999, au cours d’un séjour en Norvège.

Á mon retour en France, je n’ai pas été capable de retrouver ces sources de travail, auxquelles je voulais donner un nom. Depuis, fasciné peut-être par les regards de ces « sujets », je n’ai pas cessé de reprendre ces six petites photocopies qui m’étaient restées (voir l’article de mon site Nouvelle iconographie).

Il y a dix ans, dans des circonstances hasardeuses, je suis tombé sur des photographies d’identification de la police italienne, issues probablement de la section des moeurs (La Buoncostume) de la Préfecture de Rome. Ces images, à en juger par les vêtements et l’appareil de ces sujets, datent de la fin des années 60 du XX siècle. Elles aussi m’ont suivi longtemps, comme un défilé statuaire dont le caractère anonyme même me captivait. Et, étant donné que ce qui me captivait était peut-être le trait noir qui leur censurait les yeux,  j’ai voulu placer derrière, comme une ombre, d’autres images qui ne sont que du regard.

En cette fin 2020, j’ai l’idée soudaine de reprendre les deux séries d’images et de les reproduire en miroir et avec un miroir. Le troisième élément de ce jeu est ma propre image devant ces images.

Puis-je, insistant tellement sur ces pauvres photographies, creuser là-dedans, un peu plus, la question de la pose et du portrait ?

 

 

 

 

 

Gedicht 1990


Potsdamerplatz 1990. Photo: Thomas Grenz.

 

Raubtiere (2020)


As a follow-up to Zoology (2019), this new series, entitled Raubtiere (Predators), features red fluorescent paper markings applied to original 19th-century animal prints. These prints initially appeared in Naturgeschichte der Vögel für Schule und Haus (1887), a renowned study on ornithology published by G. H. von Schubert in 1887. I did somehow “respect” these magnificent images, not daring to paint directly over them; instead I superimposed  paper cut-outs painted in fluorescent red. These two layers are set under a glass plate on which I have printed reproductions of old engravings depicting real or imaginary islands such as Balnibarbi, Laputa or Cythera.
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Raubtiere 10, 30×40.

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Raubtiere 11, 32×42.

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Raubtiere 12, 32×42 (sold).

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Raubtiere 13, 32×42.

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Raubtiere 14, 32×42.

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Raubtiere 17, 32×42.

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Raubtiere 18, 32×42.

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Bordeaux, Troisième oeil gallery, March-April 2021.

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Nouveaux dessins pour assiettes à sushi, printemps 2020.

Une nouvelle commande d’assiettes à sushi (ou à sardines) pour l’usine Scotto de Vietri sul Mare, qui reprend la production.
Si intérêt, on peut choisir son dessin en ouvrant les PDF de cette page; ils sont numérotés.

Il y a ici aussi les images des assiettes 2019 toujours disponibles. Le prix en est toujours de 30 euros pièce, frais de port exclus.

 

 

Disegni per sushi 51-60

 

Disegni per sushi 61-70

 

Disegni per sushi 71-80

 

 

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Dessins de Carême, printemps-été 2020.

Pendant les premières semaines du confinement, j’ai dessiné sur chaque attestation dérogatoire utilisée. L’usine de Vietri sul Mare (Italie) où je produis mes céramiques a repris la production en juin dernier. J’ai envoyé ces dessins au décorateur. Cela a donné une série de plats “onde” (diamètre 30 cm) que je mettrai en vente au prix habituel de 50 euros, frais de port exclus.
A la suite, une simulation sur Photoshop, deux premier plat réalisés (n. 11 et 13) et mes dessins, parmi lesquels qui voudra pourra choisir.
Merci pour l’attention,
amitiés,
SP
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Disegni per vassoi da sardine, primavera 2020

Un nuovo ordine per la ditta Scotto di Vietri sul Mare, che ha ripreso la produzione, per vassoietti da sushi (o da sardine), formato 13×26. Il prezzo è quello abituale: 30 euro.

Di seguito, i PDF dei nuovi disegni e le foto dei pezzi già disponibili.

 

Disegni per sushi 51-60

 

Disegni per sushi 61-70

 

Disegni per sushi 71-80

 

 

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Disegni di Quaresima, aprile 2020

Nelle prime settimane della quarantena (marzo-aprile 2020) ho disegnato ogni giorno sull’autocertificazione utilizzata per uscire di casa (dopo mi sono scocciato). Cio’ darà una serie di piatti a onda (diametro 30 cm) decorati, che metto in vendita a chi fosse interessato. Come di consueto, il prezzo sarà 50 euro escluse spese di spedizione (circa 10 euro a pezzo).

Di seguito metto  una simulazione Photoshop, un piatto realizzato (il numero 13) e, nell’ordine, i disegni disponibili.

Grazie per la cortese attenzione,

SP

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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TR 24063 (2019)

Una fermata più lunga del previsto, alla stazione di Otricoli o di Civita Castellana, non so più, sul treno regionale che mi riportava all’aeroporto di Fiumicino dopo un infruttuoso viaggio in Tuscia alla ricerca di immagini nuove. La bruma di un gennaio particolarmente freddo, le sgraffiature sul vetro del finestrino, la vibrazione sonora dei cavi elettrici, una fattoria disabitata laggiù.

 


TR 24063 01, 2019, 20×30.

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TR 24063 02, 2019, 20×30.
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TR 24063 01, 2019, 20×30.

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Images trouvées, images adoptées (2019)

1990 Potsdamerplatz_1990 thomas grenz

            Les touristes et les voyageurs qui auraient flâné dans Berlin, après la chute du mur (novembre 1989) auraient pu tomber sur un gigantesque marché aux puces, dans le quartier de Potsdamerplatz devenu un immense terrain vague après les bombardements de la deuxième guerre mondiale. On aurait dit que tous les habitants de l’Allemagne de l’Est s’y retrouvaient pour brader leurs quelques biens et surtout leur propre histoire. On pouvait acheter pour presque rien des enseignes soviétiques, des vieilles machines à coudre et des vieux vélos, mais surtout beaucoup de documents en papier et de photos de famille. C’est là que le cours de mon travail artistique a changé : j’ai commencé à travailler directement sur les images et les documents trouvés.

Illustration 1, Über die Schädelnerven, 1993, détail
01 1993 Über die Schädelnerven détail
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(1990-1993, Aschenglorie, Vanitas, Über die Schädelnerven)

            Ma première grande installation, Aschenglorie, est composée de pièces rassemblées sur la Potsdamerplatz, tandis que les suivantes (Über die Schädelnerven, Vanitas) utilisaient plus intentionnellement des images d’archives de psychiatres ou, tout simplement, de médecins. J’ai utilisé des plaques de rayons X au cours de ces années. La radiographie était pour moi à la fois une forme d’écriture du corps et un écran négatif translucide à travers lequel deviner et éventuellement déchiffrer l’image.

            À cette époque, la question de la traduction entre texte et image m’intéressait beaucoup. J’ai toujours été marqué par de petites phrases, des citations découvertes au fil des lectures. Une nouvelle de l’écrivain romantique Adelbert von Chamisso, m’a suivi pendant de nombreuses années: l’histoire de Peter Schlemihl, qui vend son ombre au diable en échange de tout ce qu’il peut désirer, mais ne peut finalement pas exister sans cette chose immatérielle. Et aussi une note de Sören Kierkegaard sur une «mélancolie réflexive » : “C’est ce chagrin réfléchi que j’ai l’intention d’évoquer et, autant que possible, d’illustrer par quelques exemples. Je les appelle des tracés d’ombres, pour rappeler par ce nom que je les emprunte au coté sombre de la vie et parce que, comme des tracés d’ombres, ils ne sont pas spontanément visibles”.

1992 Aschenglorie
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(1999, Laralia)

            Les dictionnaires latins nous disent que, chez les Romains, les Lares étaient les esprits des ancêtres, dont les simulacres, faits de bois peint ou de cire moulée, étaient rassemblés et vénérés dans une partie spéciale de la maison, appelée Laralia.

Ces images étaient montrées en procession avant d’être brûlées. Pline l’ancien en parle dans la section de son Histoire naturelle consacrée à la peinture (Book, XXXV, 6-7): en critiquant l’art moderne en vogue en son temps, il souligne la valeur morale de ces portraits, qui servaient non seulement à commémorer les morts, mais aussi à accompagner les vivants.

            Au cours d’un séjour en Norvège, il y a vingt ans, j’ai choisi, un peu au hasard, dix images parmi les nombreuses photos de famille recueillies, à l’appel de la commune de Dale, dans les archives de la Fjaler Folkbibliotek.

            Je leur ai fait subir un processus de transformation : elles ont été d’abord déformées, pour esquisser leur anamorphose ; ensuite agrandies à une taille plus ou moins naturelle ; finalement, reproduites dans des étroites planches de bois. Les silhouettes ainsi obtenues ont été découpées, peintes en noir et brûlées, en une brève et parodique cérémonie, sur le sommet de la colline de Dalsåsen.

            Par ailleurs, les « négatifs » des silhouettes, les planches de pin de trois mètres ont été dressés sur le plateau de Øvstestølen, dans les hauteurs de Dale. Peintes en rouge à l’oxyde de fer, ces stèles ont le dos tourné à l’ouest, de manière à ce que, à un moment donné, à la fin du jour, leur ombre touche sa photographie originale, placée sous une pierre.

            Il s’agit d’un monument mobile (ce qui est évidemment une contradiction en soi, le monument étant la statue d’un lieu). Durant la journée, à la lumière du soleil, les ombres au sol changent de forme, se chevauchent et, par moments, retrouvent l’apparence de l’image originale.

            La saisie instantanée de l’image photographique documente un état « unique » d’un sujet et sert à sa reconnaissance par les proches, les descendants et la mémoire collective. Dans l’installation Laralia le sujet est soumis à des reproductions multiples, qui le distancient progressivement de son point de départ.

            L’étape finale de ce processus – la gravure sur bois – se place à l’opposé de la prise de vue photographique, en termes de temps et d’énergie nécessaires à son exécution : la lenteur même peut être considérée comme une manière moins tyrannique et plus « solidaire » d’enregistrer l’image.

            Il faut dire enfin que ces stèles en bois local, soustraites par l’action de la nature et du temps à leur fonction commémorative, devraient à l’heure actuelle former le sous-bois de leur forêt originaire.

Illustration 2, Laralia, installation, 1999
02 Laralia installation

Illustration 3, Laralia, atelier, 1999
03 Laralia atelier
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(1999-2002, La nouvelle iconographie)

            En 2002, au cours de flâneries sans but à travers l’Europe, j’eu l’idée de reprendre un travail vieux de dix ans, quand j’allais dans les bibliothèques parisiennes à la recherche de sujets de l’imagerie positiviste. Je m’intéressais, en effet, en ce début des années ’90, à l’iconographie médicale et anthropologique de la fin du XIXème siècle; je suivais les traces de l’obsession scientiste qui visait à définir des «types», qu’ils soient raciaux, sociaux, psychiatriques ou criminels.

            En travaillant sur les collections photographiques de l’époque, je m’étais borné à utiliser les images des aliénés telles qu’elles avaient été présentées par leurs médecins, c’est à dire, anonymes et hors contexte. En les soumettant à une transformation, je me proposais de re-présenter une individualité que la prise photographique leur avait soustraite. Je travaillais, dix ans auparavant, par abandons successifs de l’original, par reproductions répétées afin de conduire à l’icône, au «monogramme» du sujet en question: partant de la photographie, je passais par la photocopie, brouillais l’image sous des couches d’écriture différentes, la multipliais par des projections, et la mettais en mouvement par le biais de cadres mobiles, qu’on pouvait toucher ad libitum. Ce fut la série Über die Schädelnerven (1993).

            Je n’avais pas considéré alors la possibilité de sauver ces figures-là de leur anonymat; je pensais qu’à travers leur perte d’identité même je parviendrai à les toucher. Je pensais aussi qu’en traversant et en transperçant leur image, je pourrais restituer leur face sacrifiée. Ne pas respecter les versions données par les interprètes (les fondateurs de la neurologie, les inventeurs de l’identification judiciaire), était une tâche qui me rapprochait des méthodes – par moi-même abandonnées – des historiens, que je voyais presque toujours enfermés dans de rassurantes entreprises de «reconstruction».             Aux soucis d’objectivité et de démonstration j’opposais une pratique performative que l’historiographie peut rarement se permettre.

            Dix ans après, je me disais qu’accepter le caractère anonyme de mes sujets c’était ne pas assumer ma propre responsabilité d’individu qui fait face à d’autres individus. Je décidais de partir à la recherche de ces personnes réduites à des « types ». Non seulement elles avaient étés privées de leur propre figure pour devenir amas de signes servant à définir des ensembles, des « groupes » de cas, mais elles étaient doublement aliénées : elles n’avaient été sauvées de l’oubli que pour revenir à nous en tant que sujets d’un certain regard posé sur elles.

            Pour une raison quelconque, de format ou de circonstance, six photographies étaient restées en marge de celles que j’avais recueillies dans mes recherches iconographiques du début des années 1990. Je les avais retrouvées en défaisant mes cartons, l’été 1999, à l’arrivée à Dalsåsen en Norvège.

            Après pas moins de trois semaines d’inactivité et de désorientation, un jour, feuilletant paresseusement mes papiers, j’eus l’idée de reproduire ces photographies sur bois et d’en faire des xylographies. Ne m’étais-je pas toujours intéressé aux formes de divulgation des images, dans leur rapport avec l’art populaire d’un côté et avec le kitsch de l’autre? La gravure sur bois n‘était-elle pas la première forme de reproduction mécanique de l’image? N’étais-je pas entouré de bois de toutes sortes, à perte de vue implacablement? Ne devais-je, enfin, faire avec ce que j’avais sous la main et sous les yeux? Et cette énième, première, technique artistique – juste un bout de fer appliqué sur un bout de bois – ne pourrait-elle pas permettre d’extraire le «monogramme» de l’image que j’avais vainement recherché en la torturant avec des transparences, des projections et des radiographies?

            Je remis la main sur ces anonymes «administrés» de la division des maladies mentales de la Salpetrière. Reprendre le portrait photographié, l’agrandir à la photocopieuse, transférer l’image sur la plaque de bois de peuplier avec du trichloréthylène, graver la plaque, encrer, poser la feuille de papier japonais, presser et frotter.

            De retour à Paris, je suis retourné dans tous les lieux où j’avais cherché et trouvé des images de signalisation et d’identification : le fond Charcot à la Salpetrière, la bibliothèque de l’Ecole de médecine, les Archives historiques de l’Assistance publique, la photothèque de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris.

            Mais, malgré toutes mes recherches, je n’ai pas retrouvé les clichés originaux de ces portraits. Ces sujets resteront anonymes à jamais.

2002 Nouvelle iconographie 02
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(2003, Le souci du père de famille)

            Le titre de cette série vient, comme vous l’avez deviné, du récit de Kafka Die Sorge des Hausvaters, où le personnage est une créature changeante et mobile, faite de rebuts et de poussière, un ensemble « dépourvu de signification » demeurant dans les recoins les plus obscurs de la maison. Il se peut que j’identifie inconsciemment Odradek avec la bête qui vit chez nous, la bête de l’identification et du jugement, la même qui, de nos jours, s’exprime avec des slogans comme : “ici on est chez nous!”.

            Les sources de ce travail, opposées, sont choisies seulement pour leur concomitance chronologique : d’un coté les portraits « d’hommes du siècle » de August Sander. De l’autre coté, les clichés anthropométriques de l’université d’Uppsala en Suède, de Georges Montandon en France, de Giuseppe Genna en Italie, tous datant des années 30.

            Vous savez surement que, vers la fin des années 30, Sander fît clandestinement de nombreux portraits, auxquels il donna le titre Victime de persécution, et prit aussi des photographies de prisonniers politiques, parmi lesquels son propre fils aîné. J’ai repris, entre autres, quelques uns de ces clichés.

            Mais pourquoi ai-je mis côte à côte, pour ce travail, les images de Sander avec d’autres qui viennent plutôt du côté « bestial » de l’histoire de la photographie ?

            Dans ces mêmes années où Sander complétait son atlas Antilitzt der Zeit, véritable « anatomie sociale » de son temps, de nombreux scientifiques réalisaient des corpus photographiques monumentaux, fondés sur les archétypes et les mythes de l’intégrité et de la pureté. C’est l’époque où le professeur Montandon quittait la France pour aller, sur l’île d’Hokkaido au Nord du Japon, étudier une minorité caucasienne  avant de publier La civilisation Aïnou en 1937.

            Cet homme de science, une fois rentré dans le Paris occupé par les nazis, fit paraître en 1940 une utile brochure de divulgation : Comment reconnaître et expliquer le Juif ? Puis, à l’automne 1941, il monta l’exposition « grand public » Le Juif et la France.

            De l’autre coté des Alpes, le professeur Genna, directeur de l’Institut d’anthropologie de l’université de Rome, se rendit en Palestine, où vivait celle que l’on considérait comme la seule communauté Sémite qui ne se serait pas mélangée à d’autres depuis les temps bibliques : les Samaritains. Outre les usuelles mensurations du corps, il prit en photo les visages (de face, de profil et de trois-quarts) des trois cents habitants du village qu’il étudiait. En 1938, avec 180 scientifiques, il signa le Manifesto per la Razza qui ouvrit la voie à la législation antisémite italienne.

            Je ne connais pas le mythe particulier qui guida les scientifiques suédois de l’université de Uppsala dans leur quête d’une identité Nordique, Baltique ou Laponne, mais en 1936 le très germanophile chef de l’Institut pour la biologie raciale, Herman Lundborg, fut remplacé (il était allé peut-être trop loin dans sa vision de l’anthropologie physique).

            C’est peut-être en contradiction avec la lourdeur de ce sujet, que j’ai choisi de reproduire tous ces documents, bien étirés comme des ombres du soir, sur un support léger comme l’est la soie, qui se soulève à la moindre brise. J’en ai fait une série d’étendards à montrer en plein air, si possible à la lumière artificielle. Je souhaite que cette installation fragile rappelle l’immanence du passé et notre responsabilité face à celui-ci : hic est historia.
2003 The cares a
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(2009, Identifications)

            En janvier 2008 un éboueur qui travaillait à proximité du commissariat central de Police, à Rome, trouva deux gros sacs poubelle pleins de photographies : ils contenaient huit-mille images (d’identification, de filature, de pièces à conviction) qui, n’étant plus utiles aux fins des enquêtes en cours, avaient été jetées pour faire de la place, alors qu’elles auraient du être déposées aux archives nationales.

            Les images retrouvées furent achetées par une librairie-galerie antiquaire, Il Museo del Louvre, qui en prépara une exposition et communiqua l’information aux journaux. Mais le jour même de l’inauguration les Carabinieri, mandatés par la Surintendance au patrimoine culturel et accompagnés de deux archivistes, vinrent à la galerie saisir tout le matériel accroché, ainsi que les catalogues de l’exposition. Un assistant du galeriste en empocha un et c’est d’après cet unique exemplaire sauvé que j’ai tiré – et “repris” – six images : elles viennent probablement de la Police des Moeurs et peuvent dater, à en juger par l’allure et les vêtements des sujets, de la fin des années 60.

            En intervenant sur ces images, j’ai voulu reprendre l’idée de défilé, mettant l’une à la suite de l’autre ces représentations qui ont une certaine élégance plastique. Avec des moyens chimiques j’y ai superposé des textes, extraits d’un syllabaire pour les écoles populaires. Il n’y a aucune relation entre les différents éléments de ce travail, si ce n’est celle que j’ai imposé et si ce n’est, peut-être, le fait que ces textes dictent des règles linguistiques.

2009 03 La Buoncostume suite b
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(2009, La Buoncostume suite et La Buoncostume/Wallflowers)

            J’ai l’habitude de travailler par séries, pour présenter beaucoup de variantes à la solution d’un problème formel que j’ai posé moi-même.

Dans la série La Buoncostume j’ai affronté la question de la pose et de la frontalité, qui concernent toujours ce type d’images (je voudrais pointer ici une différence : si l’identité est une qualité ou, mieux, l’ensemble des qualités et des relations qui définissent un individu, l’identification est un processus, c’est à dire l’ensemble des actes qui servent à reconnaître un individu parmi d’autres).

            On peut percevoir, dans quelques unes de ces photographies, la grille métrique servant d’arrière-plan aux portraits ; cela m’a fait penser aux demoiselles qui, dans les fêtes de village, “font tapisserie”, dans l’attente d’être invitées à danser. En anglais on les appelle Wallflowers, fleurs murales, terme que l’on emploie aussi pour désigner une personne timide.

            Dans cette série, comme dans d’autres, l’arrière-plan, le passage de couleur, les incisions à la surface de l’image ont pour fonction de la rendre perméable à d’autres possibilités de lecture.

2009 04 La Buoncostume:Wallflowers
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(2010, Leçons d’anthropométrie)

            Cette série est née d’une recherche dans les archives départementales du Gard (Sud de France). Chaque personne sans domicile fixe, notamment les nomades et les ambulants, devait porter sur soi un carnet anthropométrique, rédigé suivant les normes dictées par Alphonse Bertillon (l’inventeur du portrait robot), et qui devait être tamponné à chaque entrée et sortie d’une commune. Ce carnet, dont le but évident était celui de contrôler la population gitane, a été en vigueur de 1912 à 1969 : il contenait, outre les données personnelles, les photos de face et de profil du porteur, ainsi que les empreintes de ses dix doigts.

            J’ai reproduit six photos de membres d’une même famille (photos prises au début des années 20) sur des verres que j’ai superposés aux articles du règlement des Carnets ; ces articles sont transcrits avec un feutre noir sur des cartons d’emballage découpés, comme ceux qu’utilisent les nomades pour faire la quête.

            Il y a aussi des couleurs, du rouge fluo et du blanc, en aplat sur les cartons : ils donnent des formes géométriques qui pourraient faire penser au constructivisme russe ou au Bauhaus, dans tous les cas à une époque qui est celle où les photos étaient prises.

Pour confondre ce processus d’identification, j’ai superposé la photo frontale d’une personne à celle d’un parent, ou bien à la photo de profil de la même personne.

2010 Leçons d'anthropométrie c
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(2011, Phantombilder)

            Cet exemple de la difficile relation avec la charge de vérité d’une image est le plus paradoxal. Je pense aux Portraits robots de la police allemande (et, peut-être, d’autres polices) que l’on peut trouver facilement sur Internet et sur lesquels j’ai opéré un léger déplacement.

            Du point de vue technique ces images sont des photographies, c’est à dire des reproductions photographiques. Et, en même temps, elles ne reproduisent rien. Elles ne sont que de la mémoire reconstituée artificiellement. Ce qu’elles représentent n’existe pas ; pourtant on est en présence d’une image aussi “crédible” que celle d’une « vraie » photographie.

            Il s’agit de montages photographiques : qu’ils soient numériques ou pas ne change rien à mon propos. Plusieurs morceaux de réalité ne constituent pas nécessairement une autre réalité. Ils créent, toutefois, une sorte d’icône d’un visage, qui apparaît étrangement lisse à notre regard, et duquel se dégage quelque chose de doublement inquiétant : à l’activité mortifère, fixatrice du passé, qui est celle de la photographie, s’ajoute une sorte de cadavérisation de l’image. Cela nous vient exactement de l’effet plastique, de masque mortuaire, dont faisait déjà mention Alfred Döblin en introduisant, en 1929, le livre de August Sander Antlitz der Zeit, Le visage du temps (pour être précis, Döblin compare le nivellement imposé par la mort à celui créé par les conventions sociales, mais il est intéressant de voir que, en se penchant sur le travail de Sander, il ait pensé au célèbre masque en cire, très reproduit en ces années-là, de L’inconnue de la Seine).

            On ne saurait ne pas évoquer un autre portrait que Sander fit de son fils, mort en prison en 1944, en cire cette fois-ci. Ce portrait photographique et ce portrait sculptural sont finalement la même chose. Seul la technique de reproduction change.

            Pour en revenir aux Phantombilder allemands d’aujourd’hui, ce qui manque à leurs sujets est l’asymétrie qui est le propre de chaque individu, et qui reflète tous les accidents et les irrégularités d’une “vraie” vie : en un mot, son histoire. Il en reste, de ces images, un logo, une icône, qu’aucun ne pourra vraiment reconnaître mais qui servira à décrire un individu donné.

            Il s’agit effectivement d’images-fantômes. Cet effet est accentué par le noir et blanc, qui fonctionne comme un « filtre », suivant Jean-Christophe Bailly : « puisque avec le filtre du noir et blanc vient toujours dans l’image un glissement plus ou moins erratique vers le fantomal ».

            Comment ai-je “traité” ces images documentaires? En les reproduisant sur verre je les ai rendues transparentes ; leur caractère fantomatique en a été ainsi accentué, par l’effet d’ombre portée. Ensuite je les ai placées dans des simples cadres en bois, pour leur donner la familiarité d’un portrait de famille ; dans le même but je les ai superposées à des échantillons de papiers peints des plus communs. En ce sens, j’ai essayé de traduire l’idée d’inquiétante familiarité chez Freud.

2011 Phantombilder 08
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(2019, Installation Millenovecento)

            Trente ans après ma découverte de Potsdamerplatz et le début de mon travail à partir d’images trouvées, j’historise moi-même, en tant qu’homme du siècle passé, et travaille sur mes propres archives et ma propre biographie.

            Il s’agit de la reprise d’un travail semblable à celui de mes Ex voto de 2004-2006. Cette fois-ci il y a toujours un élément photographique (que ce soit une photo trouvée ou bien prise par moi-même). Parfois l’image est reproduite sur verre et superposée à des documents en papier, parfois c’est la photo papier qui est en arrière-plan. Parfois ce sont de bons tirages argentiques, parfois des photocopies, parfois des journaux découpés. À chaque fois, il y a ce passage de rouge fluo qui crée un déplacement dans la vision et qui représente jusqu’à aujourd’hui ma signature. Cela donnera l’installation à base photographique Millenovecento, que je devrais pouvoir montrer au début de l’année prochaine, dans des funérailles que j’espère festives. Il s’agira vraiment d’une historisation, puisque l’usine UCIC d’Asti a fait faillite récemment, les vingt-quatre de ses vingt-six ouvriers qui n’ont pas accepté d’être délocalisés en Vénétie sont au chômage, et ni moi ni mes amis arrivons à trouver, dans un fond de magasin, ce Lumen Rosso 26 qui est irremplaçable pour moi.

Illustration 4, Millenovecento, installation, 2019
04 Millenovecento installation
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2019 Z Lumen

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RT und RV (2019)

Raubtiere und Raubvögel.
A Twentieth century German manual of Zoology, from which some plates are excerpted and reproduced on glass, and the real illustrations of an animal anatomy book for artists (Leipzig 1898).

2019 RV 01 bis 20x30
RV 01, 2019, 20×30 (private collection).

 


RV 02, 2019, 20×30.

 


RT 01, 2019, 20×30.

 


RT 02, 2019, 20×30.

 

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