Ceramic writings (2003-2024)

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NEWS September 2024: producing 50 tiles 10×15 inspired by the Pulcianelli sketches.

Spuglia ceramics are produced in friendly collaboration with Vietriscotto, a traditional ceramic workshop operating on Italy’s Amalfi Coast (at Vietri sul Mare) since 1952.
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2024, Canopiocchi su ceramica, 15×10 cm.
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2024, Ur-scritture, 10×20 cm.
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“Bestiaire” 21 cm, without border.
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“Bestiaire” 21 cm with border.
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Ceramic writings 26 cm.
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See also the relatively recent: Dessins de Carême 2020 (for “wave” plates).

Please send inquiries and order to contact[at]salvatorepuglia.info.

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Ceramic 2003-2023:

 


Voi ch’ascoltate…, 2003 (the very first one).
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Spuglia Philosophie 01
La philosophie dans le boudoir
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Spuglia Vedo rosso a

Spuglia Vedo rosso b
Vedo rosso (collection Lo Giudice-Mitrofanoff)
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Spuglia-tavolo-croceverde
Tavolino croce verde
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tavolo-martini
Tavolino Martini
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tavolo-rossonero
Table Rouge et Noir
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cher-papa-et

bagno-ercadi
Bagno Ercadi
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Spuglia-bagno-Donnini-Occhiuzzi1
Bagno Occhiuzzi-Donnini
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assiettes-de-trimardeur
Assiettes trimardeurs
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zoccoli-trimardeur1
Carreaux trimardeurs

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Piatti Inuit 2015Plates drum songs
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Table-dressée-2016
Assiettes Heidsieck
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Carreaux à plinthe

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spuglia-zoccoli-scrittiZoccoli verderamino
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Spuglia piatto onda Ginestra
Piatto “onda” La ginestra

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Plat de Carême

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Sushi 13×26
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Mattonelle per Aula magna Università per stranieri di Siena.
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La philosophie dans le boudoir

Vietri sul Mare est une petite ville de cinq ou six-mille habitants, perchée à l’extrémité du golfe de Salerne, à cinquante kilomètres au sud de Naples.
Depuis l’antiquité, grâce à un courant longeant les côtes du nord au sud, qui amenait naturellement ses bateaux vers la Sicile, les entrepreneurs de Vietri ont pu exporter la vaisselle faite avec la glaise des inépuisables carrières qui se trouvent à l’intérieur de ses terres.
Aujourd’hui encore la fabrication artisanale de la céramique est son activité principale. Dans les rues et les places de cette ville tout ce qui est signe est fait de ce matériau: façades, enseignes, pancartes, vases et animaux en faïence donnent à Vietri un aspect d’entrepôt de pacotille peinte à ciel ouvert.
Si on a des amis là-bas, on peut être introduit dans l’un de ces laboratoires artisanaux, pour y faire ses propres carrelages. On vous donne un tabouret au milieu des ouvriers, on vous confie un pot de la couleur que vous aurez choisi, un bleu de Delft par exemple, et on place à coté de vous une palette de carreaux prêts à être émaillés.
Sous le regard des ouvriers, curieux de voir ce que vous savez faire, vous aurez à décider comment couvrir de signes ces dalles. Vous avez décidé de jouer une parodie de l’art populaire, avec ses desseins «bien faits», ses dictons écrits en belle calligraphie. Vous avez décidé de mettre un texte philosophique sur ces surfaces, bien que ce ne soit pas la surface naturelle pour un tel travail de transcription. Vous sortez un livre de votre poche, un livre en langue étrangère, parce que vous n’avez pas envie que soit lisible ce que vous écrivez. Vous vous mettez à l’œuvre, d’une main maladroite qui ne vous obéit pas. Le pinceau va là où il veut, vous le laissez faire, cela peut vous convenir que de rédiger en mauvaise écriture un beau texte. On s’approche de vous et on vous fait gentiment remarquer que vous n’utilisez pas le bon pinceau. Mais, même avec le bon, vous en mettez partout. Au bout de quelques heures, les gens sont fatigués de se laisser amuser par vous et comprennent qu’il n’y a rien à faire, ils vous laissent tranquille. Vous en êtes à la troisième page de la philosophie dans le boudoir et au cinquantième carreau, vous n’en pouvez plus, maintenant votre main est libre vraiment et elle écrit ce qu’elle veut, et la journée de travail est bientôt finie.

La filosofia nel boudoir

Vietri sul Mare è una cittadina di quattro o cinquemila abitanti, incastonata su un promontorio erto, all’imbocco della costiera amalfitana.

Fin dai tempi preistorici, grazie a una corrente che scende lungo la costa tirrenica, da nord a sud, e che porta le imbarcazioni verso la Sicilia, i commercianti vietresi potevano esportare il vasellame prodotto con l’argilla scavata a Ogliara, una frazione di Salerno.

Ancora oggi la fabbricazione artigianale e semi-industriale di terraglie e di maioliche è l’attività principale di questa amena località campana. E Vietri ha sempre attirato artisti vagabondi, cui ha offerto possibilità di lavoro e ospitalità. Lo stile stesso della ceramica vietrese, il segno un po’ naif un po’ sincretico che la fa riconoscere immediatamente, è il risultato dell’incontro, negli anni ’20, fra pittori tedeschi di ispirazione modernista e artigiani locali dalle provate capacità.

Tutto ciò che è segno, nelle strade e nelle piazze di Vietri, è in ceramica dipinta: i rivestimenti delle facciate, le insegne dei negozi, i cartelli stradali. I balconi riempiti di vasi, di statuette e di varia animalia, così come le cupole delle chiese coperte di piastrelle verdi e gialle, contribuiscono a fare di questa località un gaio trionfo dell’horror vacui fittile.

Se si ha la fortuna di avere amici che vivono nella cittadina, si può essere accompagnati in un laboratorio ed essere presentati al mastro. Si cerca di spiegare cosa si intende fare. Ma è un amico che vi ha portato, non c’è bisogno di grandi discorsi: vi si prepara il vostro posto, vi si sistema uno sgabello davanti a un tornio, vi si procura una ciotola del colore che avrete scelto, un blu di Delft, per esempio, a imitazione degli azulejos, che a loro volta imitavano la porcellana importata dalla Cina. A lato del vostro sgabello viene sistemato un carrello di piastrelle smaltate, pronte per essere dipinte.

Sotto lo sguardo curioso degli operai, che si chiedono di quali abilità darete prova, vi troverete nella situazione di decidere rapidamente in che maniera coprire di segni queste mattonelle. Avrete deciso di eseguire una parodia di arte popolare, con le sue figurazioni precise e ripetitive, con i suoi proverbi scritti in bella calligrafia. Avrete deciso di apporre a queste superfici un testo filosofico, pur sapendo che quella non è la superficie destinata a ricevere una tale fatica di amanuense. Tirate un libro fuori della tasca, un testo misto di metafisica e di oscenità, un libro scritto in una lingua straniera: non avete voglia che ciò che trascrivete sia leggibile.

Vi mettete all’opra, con una mano malabile che non vi obbedisce. Il pennello va lì dove vuole; lo lasciate fare; in fondo vi conviene, questa redazione in brutta copia di un bel testo. Infine i vostri vicini non ne possono più di vedervi soffrire; ce n’è uno che si alza dal suo posto e viene a dirvi – gentilmente – che non state usando il buon pennello, che quello lì è il pennello sbagliato. Cambiate strumento, ma anche quello buono va lì dove vuole lui. Dopo qualche ora si sono finalmente stancati di divertirsi alle vostre spalle e capiscono che non c’è niente da fare; vi lasciano tranquillo. Siete arrivati alla terza pagina della filosofia nel boudoir, avete calligrafato cinquanta mattonelle e non ne potete più, è adesso che la vostra mano è libera davvero e scrive ciò che vuole, è presto finita la giornata lavorativa, e il bello è là da venire.

Vietri sul Mare, 2003

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Histoire des monstres (2021-2024).

C’est dans l’attente d’un endormissement qui ne venait pas, en feuilletant un livre illustré sur les Océans qui appartient à l’un de mes enfants, que je suis tombé, ou plutôt retombé, sur certaines gravures anciennes reproduisant des monstres de la mer.

Mon cerveau devait être dans une recherche subliminale d’images cauchemardesques, puisque les deux autres livres près du lit étaient Monstros du philosophe portugais José Gil (Lisboa 1994) et les Métamorphoses d’Emanuele Coccia (Paris 2020) .

J’ai donc recherché et repris en main les bestiaires de Ulisse Aldrovandi, médecin et philosophe bolognais (1522-1605), l’un des inventeurs de l’histoire naturelle. La source d’un nouveau travail était trouvée.

Pour reproduire les planches de la Monstrorum Historia j’ai utilisé un exemplaire qui, publié à Bologne en 1642, portait déjà en 1643 le cachet de la Chartreuse de Villeneuve lès Avignon. Cet exemplaire, sans doute à la suite des réquisitions révolutionnaires, se trouve aujourd’hui à la bibliothèque du Carré d’art de Nîmes.

Parmi toutes les créatures monstrueuses répertoriées par Aldrovandi (rarement par observation directe), j’ai choisi les animaux marins. Ils me paraissent plus appropriés à s’adapter aux habitats que je leur ai imposés de manière tyrannique.

Cette nouvelle série présentera par conséquent en toile de fond la reproduction d’une gravure d’Aldrovandi, sur laquelle une photographie de paysage sera posée en transparence. Il y aura un élément textuel aussi qui, sans avoir de relation directe avec l’une ou l’autre image, sera comme la couture qui reliera les deux autres couches : comme des marginalia adjoints dans le courant de la lecture. Il s’agira de citations des auteurs que j’ai lus en m’attablant à ce travail : je les transcrirai à l’encre de Chine.
(13 décembre 2021)

Histoire des monstres 00, Poggio Rota, 30×30, completed December 13.
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Histoire des monstres 01, Fiora, 24×42, completed December 15.
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Histoire des monstres 02, Lagos, 24×42, completed December 16.
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Histoire des monstres 03, Rofalco, 24×42, completed December 17.
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Histoire des monstres 04, Morgantina, 24×42, completed Decembre 19.
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Histoire des monstres 05, Castro, 24×42, completed December 20.
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Histoire des monstres 06, Brignogan-Plage, 24×42, completed December 22.
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Histoire des monstres 07, Fratenuti, 24×42, completed December 24.
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Histoire des monstres 08, Batz, 24×42, completed December 25.
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Histoire des monstres 09, Fosso bianco, 24×42, completed December 26.
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Histoire des monstres 10, Balena bianca, 24×42, completed December 27.
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Histoire des monstres 11, Camp de César, 24×42, completed December 28.
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Histoire des monstres 12, Ponte san Pietro, 24×42, completed December 29.
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History of the monsters

Waiting unsuccessfully to fall asleep one evening, I was leafing through an illustrated book on the oceans that belongs to my eldest son, when I encountered, or rather re-encountered, some old engravings depicting sea monsters.

My brain must have been engaged in a subliminal search for nightmarish images, since the two other books that were lying near the bed were Monstros by the Portuguese philosopher, José Gil (Lisbon, 1994) and Metamorphoses by Emanuele Coccia (Paris, 2020).

So I searched for and consulted the bestiaries of Ulisse Aldrovandi, a noted physician and philosopher from Bologna (1522-1605), who is considered one of the fathers of natural history studies. This became the source of a new artistic project.

To reproduce the plates of the Monstrorum Historia, I used a version that was published in Bologna in 1642, and bore the stamp of the Charterhouse of Villeneuve lès Avignon in 1643. This publication is now preserved in the library of the Carré d’art in Nîmes, probably as a result of requisitions undertaken during the French Revolution.

Among all the monstrous creatures listed by Aldrovandi (he rarely observed them directly), I chose marine animals because they seem to me best adapted to the habitats that I tyrannically imposed on them.

This new series will therefore feature a reproduction of an Aldrovandi engraving as a backdrop, on which a transparent landscape photograph will be placed. I will also add some texts which, without being directly related to either image, will serve as the thread connecting the other two layers: like marginal notes added while reading a text. They will be quotations, transcribed in Chinese ink, from the authors who have read while approaching this latest work.

(December 13 2021)

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I have used also:

J. Baltrusaitis, Le moyen âge fantastique, Paris 1955
G. Lascault, Le Monstre Dans l’Art Occidental, Paris 1973
C. Kappler, Monstres, démons et merveilles à la fin du Moyen Age, Paris 1980
M. Guédron, Les monstres, Paris 2018

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Palestine Broadcasting Service, 2024.

Le premier volet d’une trilogie, Palestine Broadcasting Service, qui reprend des images d’archives de la radio de la Palestine sous mandat britannique (1936-1948). L’instantané d’une société entrevue en un de ces moments d’interrègne où le possible reste ouvert, entre deux catastrophes historiques. La source de ce premier travail est l’image reproduite dans l’ouvrage capital d’Elias Sanbar Les Palestiniens : La photographie d’une terre et de son peuple de 1839 à nos jours (Paris 2004, p. 272), qui porte la légende ‘’L’orchestre de la radio palestinienne (anonyme, vers 1940)’’.

À la photographie extraite du livre de Sanbar j’ai associé trois autres éléments : une écriture automatique au crayon gras, à même la photo imprimée de l’orchestre, qui pourrait être de l’hébreu ou de l’arabe ou du grec et qui ne répète qu’un seul mot ; ensuite, la reproduction de la une du Palestine Post du 31 mars 1936, relatant l’inauguration de la nouvelle radio d’état et sa grille de programmation proportionnelle à la démographie du territoire ; enfin, l’estampe, repeinte à l’acrylique rouge fluorescent, d’un des monstres d’Ulisse Aldrovandi (Historia monstrorum, Bononia 1642, le ”Monstrum marinum Daemoniforme”.

J’ai utilisé, pour les quatre autres versions que je montre dans cet article, les gravures d’Aldrovandi qui portent les titres ”Monstrum Marinum humana facie”, ”Andura piscis aspectu suillo”, ”Monstrua Niliaca Parei”, et ”Equus marinus monstrosus”. Les deux dernières présentent aussi deux illustrations reprises du Combat d’amour en songe de Francesco Colonna (Hypnerotomachia Poliphili, Venetiis : in ædibus Aldi Manutii, accuratissime, mense decembri 1499).

PBS 01 A, 26×42, 2024.
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PBS 01 B, 26×42, 2024.
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PBS 01 C, 26×42, 2024.
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PBS 01 E, 26×42, 2024.
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PBS 01 F, 26×42, 2024.
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Voir aussi :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Palestine_Broadcasting_Service
https://www.rfi.fr/en/middle-east/20190329-power-radio-during-british-mandated-palestine (d’où j’ai repris les autres photos).
https://www.palestine-studies.org/en/node/78483 (Andrea L. Stanton, This is Jerusalem Calling: State Radio in Mandate Palestine, University of Texas Press, 2012).
Jerusalem interrupted: modernity and colonial transformation 1917-present, ed. Lena Jayyusi, Northampton, MA: Olive Branch Press, 2010.

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Et, pour le concert d’Arturo Toscanini à Tel Aviv, devant le pavillon italien de la Foire du Levant, le 26 décembre 1936 :

Source : https://www.youtube.com/watch?v=aa1glU9ms40&t=3s (un court extrait de la symphonie n° 8 de Schubert, “l’inachevée”). Aussi, sur ce séjour du chef d’orchestre italien : Toscanini en Palestine (mais celle-ci est une autre histoire, bien sûr).

 

Fenomeni morbosi ter 02, 24×42, 2023.

 


Ce dernier travail de la série Fenomeni morbosi svariati en est une synthèse. J’ai condensé en un tableau tous les éléments qui constituaient  le triptyque, à l’exception des grillons de Baltrusaitis qui étaient ici superflus.
La série comprenait trois reproductions de scènes du Miracle de l’hostie consacrée de Paolo Uccello (Galerie nationale des Marches d’Urbino), sur les six qui composent la prédelle, en transparence sur des fonds provenant d’archives historiques italiennes, en particulier le Casellario Politico Centrale conservé à l’Archivio Centrale dello Stato à Rome.
Les fonds étaient : la transcription manuelle d’une lettre saisie à un détenu des prisons fascistes en 1929, que j’ai transcrite en 1979, quand je fréquentais quotidiennement les Archives pour mes recherches sur le mouvement ouvrier romain ; la photo signalétique d’Antonio Gramsci de janvier 1935, que j’ai transformée sur Photoshop en un logo à la Che Guevara ; la reproduction de la première page de l’index informatisé du Casellario, sous l’intitulé “Prisonniers politiques” ; un autre élément d’arrière-plan était la reproduction d’un panneau du Moyen Âge fantastique de Jurgis Baltrusaitis, ouvrage que j’ai acquis en 1979 comme documentation pour mon étude du panneau de Paolo Uccello, étude que je n’ai finalement jamais achevée.
En ce qui concerne le premier plan de mon triptyque : je suis bien conscient d’avoir parasité la beauté de la peinture d’Urbino, c’est d’ailleurs ce qui à l’époque m’avait poussé à l’étudier et à y entrer ainsi d’une manière moins intrusive qu’aujourd’hui.

La prédelle de Paolo Uccello, exécutée en 1467-1469 sur la commande de la confrérie du Corpus Domini, s’inscrivait dans un programme de création des Monts de Piété, ainsi que d’affirmation du récent dogme de la transsubstantiation, qui nécessitait des représentations fortement antisémites (voir, entre autres, les essais de Marilyn Aronberg Lavin (1967) et de Jean-Louis Schefer (2007).

Dans ce travail de synthèse j’ai reproduit sans la modifier la photo signalétique de Gramsci et j’ai transcrit au pastel gras le message de l’antifasciste romain, respectant ses fautes de grammaire : ‘’Nous autres les camarades nous sommes tous isolés nous attendons le moment qu’un peu de lumière nous soit éclairée que maintenant nous vivons dans les ténèbres’’.

Dans l’imagerie des ténèbres et de la lumière, je ne peux ne pas penser aux persécutions religieuses. Aussi, je suis touché par l’expression, pourtant banale, ”noialtri” employée par le camarade Candido de Manziana. Curieusement, les traducteurs automatiques donnent, en français, ” le reste d’entre nous”. Peut-être, par un aléa informatique, y retrouve-t-on quelque vérité : ‘’ce qui reste de nous’’ dans un temps de ténèbres. Mais je me plais à le traduire, en forçant un peu bien sûr : ”nous les autres”, les autres en nous.

Je dis ailleurs (‘’I mostri di Gramsci’’) comment, plutôt que dans un ‘’entre nous’’, je pourrais peut-être envisager de me reconnaître dans une ‘’humanité commune’’, à laquelle font appel La Cimade et Edwy Plenel, au lendemain de l’adoption par l’assemblée nationale d’une loi contre l’immigration qui sera une date historique (19 décembre 2023).

La scène de Paolo Uccello ici reproduite est la deuxième, celle où l’usurier juif, qui s’acharne sur le corps du Christ, est découvert et arrêté par les milices de la ville.

Fenomeni morbosi ter 02, 24×42, 2023.

L’espace entre ténèbres et lumière de l’Histoire, ce n’est malheureusement pas l’interrègne entre vieux et nouveau monde dont parle Gramsci (le ‘’clair-obscur’’ d’une anonyme traduction française). Et les ‘’phénomènes morbides’’ n’ont pas à surgir puisqu’ils sont déjà entre nous et en nous. Mais on ne peut pas s’abstenir d’en appeler à ‘’un peu de lumière’’, un peu de raison. Juste un peu.

Note. La phrase originale de Candido : ‘’Noialtri compagni semo tutti isolati aspettiamo il momento che ci venga rischiarata un pò di luce che ora vivemo nelle tenebre’’.

Les réflexions qui ont amené à ce travail :
I mostri di Gramsci
et le triptyque qui en est dérivé :
Fenomeni morbosi svariati

 

I mostri di Gramsci, 2023.

Ogni volta che ho cercato me stesso, ho trovato gli altri.
Ogni volta che li ho cercati, in loro non ho trovato
che me stesso straniero.
Che io sia il singolo-moltitudine?

Da: Mahmud Darwish, Murale, Milano 2005, traduzione dall’arabo di Fawzi al-Delmi.
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La frase di Gramsci, scritta nel carcere di Turi nel 1930 (fra il crack di Wall Street dell’ottobre del ’29 e l’affermazione del nazismo e dello stalinismo), ‘’La crisi consiste appunto nel fatto che il vecchio muore e il nuovo non può nascere: in questo interregno si verificano i fenomeni morbosi più svariati’’ diviene “Il vecchio mondo sta morendo. Quello nuovo tarda a comparire. E in questo chiaroscuro nascono i mostri”, sui manifesti verdi e rossi comparsi per le vie di Roma nel dicembre 2018.

Il cambiamento lessicale è stato operato dall’artista cileno Alfredo Jaar, il quale, per una sua installazione sui pannelli di affissione pubblica del Comune di Roma, ha utilizzato una traduzione italiana della traduzione francese di Gramsci, la quale recita: ’Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres’’ (vedi la sua intervista a Artribune :
https://www.artribune.com/arti-visive/street-urban-art/2018/12/cosa-significano-quei-manifesti-su-gramsci-che-hanno-invaso-roma/).
”La dichiarazione che ho usato per il mio intervento pubblico a Roma è una riflessione perfetta su quello che penso stia accadendo oggi in Italia”, dichiara ad Artribune l’artista Alfredo Jaar. “La frase originale di Gramsci era la seguente: La crisi consiste appunto nel fatto che il vecchio muore e il nuovo non può nascere: in questo interregno si verificano i fenomeni morbosi più svariati. Questa dichiarazione è stata tradotta in molte lingue e la mia versione preferita era in francese: Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. Poi per caso, ho scoperto una versione italiana, traduzione di quella francese, che mi è piaciuta moltissimo perché al posto della parola interregno usa chiaroscuro, e al posto di i fenomeni morbosi più svariati usa mostri. Ho usato questa traduzione perché la trovo potente e poetica allo stesso tempo”. E così l’artista cileno ha realizzato manifesti verdi e rossi con caratteri in bianco che recitano: Il vecchio mondo sta morendo. Quello nuovo tarda a comparire. E in questo chiaroscuro nascono i mostri, una citazione della prima metà del Novecento, ma purtroppo sempre attuale. “A certi studiosi di Gramsci potrebbe non piacere, ma come artista mi sono preso la licenza poetica di usarla” afferma Jaar. “In un certo senso, si è trattato di un pretesto per portare la voce e le idee di Gramsci nell’Italia di oggi, perché sento che è necessario più che mai.” (…)

Questa stessa traduzione francese che ha ispirato la versione di Jaar era stata ripresa da Edwy Plenel nel suo Dire non (Don Quichotte éditions, Paris 2014, pp. 17-18). Plenel è ben consapevole di avere scelto una versione poetica, che non tradisce però il senso originario della citazione gramsciana: ‘Il est des alarmes que leur pertinence transforme en sentences proverbiales, bien loin de leur contexte historique. Au risque, parfois, d’une perte d’intensité, où s’affadit l’inquiétude première. Ainsi de cette réflexion d’Antonio Gramsci dans ses Cahiers de prison sur la crise comme conflit entre un vieux monde en train de mourir et un nouveau monde pas encore né. ‘’La crise consiste justement dans le fait que l’ancien meurt et que le nouveau ne peut pas naître’’, écrit précisément, en 1930, le communiste italien, emprisonné par le fascisme jusqu’à sa mort en 1937. Or on occulte trop souvent la phrase qui suit, où gît l’essentiel : « Pendant cet interrègne, on observe les phénomènes morbides les plus variés ». Essentiel sur lequel, en revanche, insiste, non sans bonheur, une variante poétique, souvent citée bien que littéralement infidèle au texte original italien : « Le vieux monde se meurt, le nouveau tarde à apparaître et, dans ce clair-obscur, surgissent les monstres ».
Nous vivons ce surgissement des monstres, ces phénomènes morbides des temps de transition et d’incertitude qu’à tort, l’on s’est habitué à nommer crises, comme s’il s’agissait de fatalités, alors qu’ils mettent à l’épreuve notre capacité à échapper aux pesanteurs du présent et à réinventer les espérances du futur. Ils sont bien là, ces monstres, devant nous, défilant dans nos rues, envahissant nos médias, imposant leurs imaginaires de violence et de haine (…)’’

Vedi, per la dizione originaria italiana, il rimarchevole lavoro di trascrizione e messa a disposizione del pubblico intrapreso da Alberto Soave in

Passato e presente

Qui la citazione, ripresa dal sito di Soave, ricollocata nel suo contesto:
‘’L’aspetto della crisi moderna che viene lamentato come «ondata di materialismo» è collegato con ciò che si chiama «crisi di autorità». Se la classe dominante ha perduto il consenso, cioè non è più «dirigente», ma unicamente «dominante», detentrice della pura forza coercitiva, ciò appunto significa che le grandi masse si sono staccate dalle ideologie tradizionali, non credono più a ciò in cui prima credevano ecc. La crisi consiste appunto nel fatto che il vecchio muore e il nuovo non può nascere: in questo interregno si verificano i fenomeni morbosi più svariati.’’
(Quaderno 3 (XX), § 24. Antonio Gramsci, Quaderni del carcere. A cura di Valentino Gerratana. Torino, Einaudi, 1975, volume I, p. 311. Ringrazio Eugenio Testa, compagno di strade romane, di manifestazioni e di frequentazioni dell’Istituto Gramsci di Paolo Spriano negli anni Settanta.)
‘’Morboso’’, in italiano, è, mi pare, semanticamente assai vicino al concetto di mostruosità, nel senso di un fenomeno patologico, o anormale, forse più esplicitamente che il ‘’morbide’’ francese. Con ‘’morbo’’ in italiano si designa volentieri una malattia infettiva o degenerativa.

Comunque sia, è evidente che tanto il tuttora anonimo traduttore francese, quanto l’artista Jaar e il pubblicista Plenel abbiano fatto riecheggiare nei mostri di Gramsci quelli del pittore Goya: ‘’il sonno della ragione genera mostri’’, ‘’El sueño de la razón produce monstruos’’, acquaforte del 1797 della serie Los caprichos, per la quale Francisco avrebbe lasciato questo commento: ‘’La fantasía abandonada de la razón produce monstruos imposibles: unida con ella es madre de las artes y origen de las maravillas’’, in una sorta di autocritica artistica o, come altri vedono, di apologia dell’Illuminismo. ‘’I fenomeni morbosi più svariati’’, per Goya, non implicano necessariamente un’alienità dei mostri da noi.

Già nella ripresa di Plenel (inizio 2014) i ‘’mostri’’ cui si fa riferimento sono quelli dell’estrema destra risorgente, con il suo corollario di odio e intollerenza nei confronti de ‘’l’altro’’. Jaar ha gli stessi riferimenti per l’Italia del 2018, così come molteplici citazioni inglesi dell’espressione gramsciana avevano accompagnato l’elezione di Trump nel dicembre 2016 (“The old world is dying, and the new world struggles to be born: now is the time of monsters”). Sempre però il mostro è alieno, anche se originario dello stesso corpo sociale. Cioè: ‘’noi’’ siamo normali e ‘’quelli’’ sono strani, o stranieri.

La difficoltà per me è già quella di dire ‘’noi’’, anche se, pur non volendolo, dentro a un ‘’noi’’ sono incluso: perché altrimenti, se sento ‘’quello è mussulmano’’ o ‘’quello è israeliano’’ o ‘’quello vota Le Pen’’, il mio primo moto non è di andare ad abbracciare la sua alterità, ma ho bisogno di un attimo di riflessione prima di includerlo nel mio panorama mentale e affettivo? (il mio ”noi”, eventualmente sarebbe quello di uno studente del Liceo classico statale Virgilio di Roma, figlio di repubblichini, che nell’anno 1972 era allo stesso tempo cattolico e comunista extraparlamentare; non mi pare che ce ne fossero due).

Il peso del mondo, 18×42, 2019 (elemento dell’installazione Millenovecento 2018-2021).

Il mio ‘’noi’’, all’altro estremo, sarebbe quello di un’umanità comune, quella cui fanno appello l’ONG La Cimade e Edwy Plenel all’indomani dell’adozione al parlamento francese (con i voti della destra e dell’estrema destra) di una legge contro l’immigrazione che avrà valore storico (19 dicembre 2023).
Mi piace ridire il “noialtri” del compagno di Manziana, che è un modo di dire “noi” che non conosco in altre lingue (neanche nel nosotros spagnolo e portoghese). Lo voglio leggere in altro modo che non l’identitario e caciarone ‘’noantri’’ (”fra di noi”): noi, altri.

Rivengo alla traduzione francese: « La crise consiste justement dans le fait que l’ancien meurt et que le nouveau ne peut pas naître : pendant cet interrègne on observe les phénomènes morbides les plus variés » (Cahiers de prison, traduction sous la responsabilité de Robert Paris, Gallimard, 1996 : Cahier 3, §34, p. 283).
Quanto a quella inglese, è certo che ‘’ now is the time of monsters’’ è ben più seducente che ‘’in this interregnum, a wide variety of morbid phenomena occur’’ (per una recente analisi anglofona della frase gramsciana rimando al saggio di Gilbert Achcar, ‘’Morbid Symptoms: What Did Gramsci Really Mean?’’, in: Notebooks: The Journal for Studies on Power, pubblicato Online nel febbraio 2022).
E Achcar, nel rimarcare l’imprecisione storica della diffusissima citazione (così come Plenel aveva sottolineato quella linguistica), riconosce la sua pertinenza nei tempi attuali: ‘’It is hence on the far right of the political spectrum that we are witnessing at present the most spectacular ‘morbid symptoms’ produced by the degeneration of capitalist politics. Applying Gramsci’s sentence to this reality is therefore legitimate, even if it is historically inaccurate.’’

Nell’aprile del 1979 acquisii il volume di Jurgis Baltrusaitis Il Medioevo fantastico, Milano, Adelphi, 1973 e Oscar Studio Mondadori 1977, che rimane a tutt’oggi una fonte d’ispirazione importante per il mio lavoro. Non so se ci troviamo in un nuovo Medioevo, ma la visione di quello dello storico dell’arte lituano, in cui mondi apparentemente separati e sconosciuti l’uno all’altro si rivelano teatri di scambio culturale, è una visione cui tengo tuttora.

Suppongo che il Baltrusaitis mi occorresse come appoggio iconografico per una ricerca in corso sulla predella dell’Ostia profanata di Paolo Uccello, ricerca che avrebbe dovuto divenire un Diplôme d’Études Approfondies à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, ciò che mai non divenne, essendo stato il 1980 non solo l’anno del mio primo soggiorno a Parigi ma anche quello dei miei primi tentativi artistici.

Ripensando al Paolo Uccello che in quella fine degli anni Settanta mi occupava insieme con i prodigi mostruosi di Baltrusaitis, mi è chiaro ora che cercavo dalle parti della normalità e dell’alterità, del ‘’noi’’ e del ‘’loro’’.

Gli storici dell’arte, in particolare Marilyn Aronberg Lavin (1967) et Jean-Louis Schefer (2007) hanno mostrato come la predella di Urbino, che narra la storia di una donna ‘’gentile’’ che procura un’ostia consacrata a un usuraio ebreo, il quale tenta di distruggerla col fuoco e col ferro e infine viene scoperto e suppliziato insieme con la sua famiglia, mentre l’anima della donna, dopo una lotta fra angeli e demoni, viene malgrado tutto salvata dall’inferno, si inscrive in un programma degli ordini mendicanti di edificazione dei Monti di Pietà, in alternativa al monopolio dei prestiti su pegno da parte degli usurai, maggioritariamente ebrei. Si trattava inoltre di affermare il recente dogma della transustantazione (Decreto sull’Eucaristia, 1551). La stigmatizzazione dell’altro era necessaria a questo programma.

L’essere di ‘’noi’’ o di ‘’loro’’ lo vivevo costantemente in quegli anni. Essendo buona parte dei miei amici e mentori di origine ebraica, ed essendo quello in Italia il momento di un rinnovamento dell’identità ebraica, anche nella critica al governo israeliano, mi capitava di trovarmi fuori posto e imbarazzante per gli altri, in una cena o un pranzo fra amici, in cui evidentemente ‘’non c’entravo’’. Ricordo come, nel giugno del 1982, al momento dell’invasione del Libano e del massacro di Sabra e Shatila, mi trovai a sentirmi dire: ‘’ma allora sono gli ebrei!’’ (vedi, al soggetto: Andrea Maori, Marta Brachini, Ebraismo: ricostruire dalle macerie L’associazionismo ebraico e di amicizia verso Israele nelle informative di polizia, Nuovi equilibri, Viterbo 2013, in particolare l’analisi del dibattito, nel luglio 1982 sulle pagine de Il Manifesto, fra Giorgio Agamben e Rossana Rossanda e il successivo intervento su l’Unità di Natalia Ginzburg).

Venti anni dopo, il 1° maggio 2002 – mi trovavo a vivere in Francia – partecipai a una Tribune publique, nella sala della Laiterie di Strasburgo, in occasione del secondo turno delle elezioni presidenziali francesi e dell’appello a votare Chirac per impedire l’elezione di Le Pen. Si era numerosi sulla scena a intervenire, uno dopo l’altro con i mezzi d’espressione di cui ognuno disponeva. Un collega artista portò una marionetta fatta di pezzi di scarto, che faceva parlare come fosse un ventriloquo. Io fui tra gli ultimi a parlare, in un’aula che si stava svuotando. Un’amica ha conservato gli atti di quella giornata:
Salvatore Puglia – plasticien italien.
Je vous prends quelques secondes, puisque je crois que ce qui compte ici, plus que de convaincre les convaincus, c’est de faire un geste symbolique et exprimer un témoignage. La parole, plus qu’ici entre nous, devrait être portée à celui qui a voté Front national.
Je vous prends quelques secondes, qu’on m’a demandé d’intervenir ici en tant qu’‘’italien’’. Or, être italien ne m’a jamais particulièrement intéressé. Être français ne m’a jamais particulièrement intéressé non plus.
Plus généralement, c’est le ‘’nous’’, le ‘’être entre nous’’ qui ne m’a jamais intéressé. (Qui avvertii una palpabile freddezza, fra il pubblico, riunitosi proprio per affermare una prima persona plurale). Il y a des situations exceptionnelles, et celle-ci en est une, où le ‘’nous’’ compte pour quelque chose. J’aimerais que cette fois-ci le ‘’nous’’ soit le plus large possible.
Je ne voudrais pas, le 6 mai prochain, devoir revenir chez vous en disant ‘’oh vous les Français, alors que nous les Italiens… ‘’

Torno al Medioevo fantastico. L’interesse di quest’opera è che, alla luce della sua conoscenza dell’arte orientale, Baltrusaitis dimostra come mondi che non sapevano neanche di conoscersi erano influenzati reciprocamente, almeno sul piano delle immagini: nei mostri e nelle bizzarrie medievali erano onnipresenti i motivi dell’arte islamica, buddista, cinese, oltre evidentemente all’eredità dell’antichità greco-romana, fino al soggetto dell’incontro fra I tre vivi e i tre morti, il quale ci sarebbe venuto dal Tibet.

Melfi, chiesa rupestre di santa Margherita. Taluni vedono nelle tre figure di sinistra Federico II di Svevia e suoi familiari in abiti da falconiere (vedi il sito Visioni dell’aldilà).

Trascrivo dal primo capitolo, ‘’Grilli gotici’’: “L’Antichità greco-romana possiede due volti: da una parte, un mondo di dèi e di uomini dove tutto è eroico e nobile nello schiudersi di una vita possente e organica, e, dall’altra, un mondo di esseri fantastici dalle origini complesse, venuti spesso da molto lontano, e che presentano mescolanze di corpi e di nature eterogenee. Eppure si tratta della medesima visione di un’epopea fatta di elementi e aspetti molteplici, che costituiscono un universo completo e unico.
Non così è nella storia delle sue sopravvivenze. Il Medioevo, che non ha mai perso contatto con l’antico sostrato, si volge ora verso l’uno, ora verso l’altro di questi aspetti.’’ (p. 39 dell’edizione 1979, traduzione di massimo Oldoni).

Mi chiedo se questa citazione non possa in qualche modo richiamare l’idea dell’interregno gramsciano.
Mi dico anche che nell’anno 2023 non abbiamo perso il contatto con il nostro sostrato, i mostri in noi. Ma, nell’opera di Baltrusaitis, trovo e trovavo l’idea che il mostro – recondito o acquisito che sia, preesistente o accolto – non è necessariamente ‘’morboso’’ e, anche, che una parte di mostruosità sia necessaria per poter comprendere quella degli altri.

(Fermo immagine dal film di Dino Risi I mostri, 1963, unanimemente considerato una critica corrosiva delle certezze dell’Italia del boom economico.)

Ancora, alla fine di tutte queste divagazioni, non ho risolto il problema iniziale: quando e come i ”fenomeni morbosi” sono divenuti ”mostri” e ”l’interregno” un ”chiaroscuro”?
Ho trovato su Internet qualche vecchia cartolina, una francese non datata (ma dalla grafica piuttosto ”anni Settanta”, un’americana del 1982.

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Ho trovato anche una maglietta disponibile in nove colori diversi:

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Circolo Arci ”Il cosmonauta”, Viterbo, maggio 2022
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Infine, una nota positiva: la citazione di Gramsci, nella sua versione ”poetica”, è ancora e sempre d’attualità. I mostri, a forza di essere evocati, non fanno più tanta paura e possono ritrovarsi in un annuncio commerciale postato su Linkedin, a fine 2022:

‘’Créer des Mondes meilleurs avec et pour nos clients!”

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Concludo riproducendo la foto segnaletica di Antonio Gramsci eseguita il 29 gennaio 1935 e consultabile presso l’Archivio Centrale di Stato (Casellario Politico Centrale). Non è la stessa delle magliette alla ”Che Guevara” ma è lo stesso una bella foto.

Antonio Sebastiano Francesco Gramsci (Ales, 22 gennaio 1891 – Roma, 27 aprile 1937).

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Nota. Mi permetto di rimandare ad alcuni lavori personali su questa tematica:

Bestiaire, 2023

Histoire des monstres bis, 2023

Nuovi mostri, 2023

Birds of Lent, 2022

Histoire des monstres, 2021-2022

Disegni di quaresima, 2020

Le jardin des monstres, 2014

Infine, il risultato di questo lavoro di preparazione sarà un trittico, il quinto di una recente serie sugli anni Settanta:

Fenomeni morbosi svariati

 

Polytechnio (Anni Settanta, quattro).

Polytechnio, 2023 (Anni Settanta trittico quattro).
Three pieces 26×42 cm lead framed. Print on paper, digital print on glass.

The main inspiration for this little project is the film secretly made by  Nicolas Vernicos in November 16 and 17 1973, in front of the National Technical University of Athens:

Aylon Film Archives

The following text was taken from the Aylon Film Archives website:

The Athens Polytechnic uprising occurred in November 1973 as a massive student demonstration of popular rejection of the Greek military junta of 1967–1974, which had imposed a dictatorship in Greece on April 21, 1967.
The uprising began on November 14 with the occupation by students of The National (Metsovian) Technical University of Athens, which escalated into an anti-dictatorship protest, as thousands of citizens gathered there. The occupation ended in the early hours of November 17 when a tank invaded the university’s main entrance followed by the police and the army. The uprising triggered a series of events that caused the injury and the death of many civilians and led many others to imprisonment and torture. The filmmaker Nicolas A. Vernicos is in a room of the “Acropol” hotel, across the university. He records the events secretly.

I superimposed threes still from Nicolas Vernicos movie with three plates from Francesco Colonna Hypnerotomachia Poliphili (The Dream of Poliphilus, Aldo Manuzio, Venezia 1499), colored in red. No relation between them, apart from the confrontation of two – or three, with Ritsos poem – possible ‘’greeknesses’’ (Please refer to my website article: From Cythera series C).

The reproduced plates: Tryumph of Semele, Poliphilus encounters the Woolf, Dream of Poliphilus.

Yannis Ritsos poem ‘’Transparency’’, which appears in the second piece, is translated into Italian by Nicola Crocetti and into French by Nassia Linardou.

 

Polytechnio 01 (Tryumph of Semele), 26×42, 2023.
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Polytechnio 02 (Poliphilus encounters the Woolf), 26×42, 2023.
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Polytechnio 03 (Dream of Poliphilus), 26×42, 2023.
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La Taranta remix, 2023.

Grand auditorium – Carré d’art, Nîmes.
Vendredi 10 novembre 2023  à
18h30 

Rencontre Poésie/Cinéma 

Projection et lecture suivies d’une rencontre avec Salvatore Puglia et Suzanne Doppelt

 

(La Taranta, Gianfranco Mingozzi, 1962, 18,12 min.)

A l’époque des moissons, les paysans des Pouilles qui travaillent pieds nus sont parfois piqués par la tarentule. Dans la croyance populaire, ces victimes sont possédées par la maladie, par le Mal, par le Diable. Pour se libérer, les tarantati s’abandonnent à des mouvements convulsifs, évoquant ceux de l’araignée, sur une musique obsédante au rythme de plus en plus rapide. En été 1961, Gianfranco Mingozzi en fait un film à partir de La Terre du remords, une étude ethnographique pluridisciplinaire, avec la participation de l’ethnomusicologue Diego Carpitella, dont les enregistrements figurent dans le montage de La Taranta. Pour le commentaire, Mingozzi s’adressa au poète Salvatore Quasimodo, Prix Nobel de littérature en 1959.

« Si je me suis intéressé au sujet de la Taranta – qui en Italie est loin d’être seulement un sujet d’études ethno-démo-musicologiques mais est devenu un phénomène de culture populaire, en même temps savante et de masse – c’est que j’aurais pu moi-même être l’un de ces garçons qui guettent la tarantolata par la fenêtre de sa masure. » SP

Projection/performance de Salvatore Puglia. Il dira en direct le texte de Salvatore Quasimodo qu’il a traduit en français.  

Le lien au travail Galatina remix et aux sources documentaires de la performance.

 

Rencontre avec les artistes suivie de la signature des ouvrages de Suzanne Doppelt et de la présentation des œuvres de Salvatore Puglia.

En écho… 

Galatina remix, travail plastique conçu par Salvatore Puglia à partir du film de Gianfranco Mingozzi

Exposition sur le plateau Adulte (entresol) mur Etudes côté Arts, du 7 novembre au 9 décembre 2023 

« Il y aura douze tableaux de 30×40 utilisant des arrêts sur images d’intérêt plus autobiographique. Chacun portera une ou deux lettres de la phrase Et in Arcadia Ego, écrites sur une carte topographique d’Italie du Sud. Chaque tableau sera décoré de pièces de puzzle vierges, peintes en rouge fluo (acrylique La Pajarita Fluor F-3, qui remplace efficacement mon Lumen rosso 26) et appliquées selon la suite de Fibonacci, de 0 pour le premier à 89 pour le douzième (comme on le sait, la progression de Fibonacci née pour calculer le taux de reproduction des lapins, considère chaque numéro comme l’addition des deux qui le précèdent). » SP

 

 

Le monument enfoui (2023)


(Un mémorial pour Bernard Lazare)

Érigée par souscription publique et inaugurée à la présence du vice-président du Sénat Frédéric Desmons en octobre 1908, mutilée après la première Guerre mondiale, défigurée par un ‘’Mort aux juifs’’ à la peinture noire dans les années 40, entreposée dans un square municipal et finalement utilisée comme matériel de remblai pour le monument à la Résistance érigé en 1946 sur un lieu d’exécution nazie, la statue de Bernard Lazare à Nîmes, qui figurait en bonne place à l’entrée des jardins de la Fontaine, à proximité des monuments à Antoine Bigot, écrivain occitan, protestant et républicain et à Jean Reboul, boulanger-poète catholique et royaliste, n’a toujours pas retrouvé sa place, que ça soit une réplique à l’identique, comme geste de rétablissement symbolique face aux assauts de la droite extrême, ou un nouveau signe, qui voit dans l’œuvre de mémoire une transformation créative de l’héritage historique.
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Le monument aux Martyrs de la Résistance, boulevard Jean Jaurès à Nîmes (Photo Stéphane Mahot, 2016).
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PS : Ce qui suit est un compte-rendu de ma visite aux archives municipales de Nîmes, 28/03/2023, sur sollicitation du Collectif Mémoire et histoire (Dossiers 4H57 sur l’édification du monument aux martyrs de la Résistance, 92W22 et 2070 W 113 sur le rétablissement du monument à Bernard Lazare).

La question du rétablissement d’un monument à Bernard Lazare s’est posée à plusieurs reprises, après la destruction de la stèle inaugurée en 1908 aux Jardins de la fontaine, notamment en 1984-1986 et 2000-2001.

En 1984, un échange entre le maire de Nîmes, Jean Bousquet et le ministre de la culture, Jack Lang, aboutit en 1986 à un financement de la part de l’État pour 150.000 francs (la moitié de la somme envisagée) apparemment jamais utilisés. Aujourd’hui 300.000 francs correspondraient à 86.000 euros. La somme, considérée dérisoire par tous les acteurs à l’époque, fut finalement retenue aussi par les artistes qui répondirent à l’appel de la Mairie.

Plusieurs artistes ayant été envisagés, finalement c’est le projet de Christian Boltanski, personnellement présenté par Bob Calle (directeur du Carré d’art) qui fut le plus proche d’être adopté. N’ayant finalement pas eu de réponse de la part de l’administration nîmoise, Boltanski se retira du projet, trois ans après l’avoir présenté. Surement son projet était encore précoce et trop difficile à réaliser.

En 1990-1992 la discussion se rouvre, le maire n’ayant pas approuvé le projet de Dani Karavan (dont, contrairement à celui de Boltanski, je n’ai pas retrouvé de traces aux archives). Finalement Bob Calle se dessaisit de l’affaire et Christian Liger, adjoint au maire délégué à la culture, semble faire de même.

En 2000-2001 une requête de Carole Sandrel (Les amis de Bernard Lazare), en préparation du centenaire de la mort de l’écrivain, semble remuer un peu les choses, mais apparemment sans suite.

Le projet de Boltanski, prévoyait, au lieu qu’une réalisation monumentale, une installation de pierres, accompagnées de petites plaques, sur une falaise surplombant un bassin, à la hauteur de “l’avant dernière terrasse du jardin de la Fontaine”.  Ces pierres auraient dû venir de chaque lieu d’où une différente communauté serait venue à Nîmes, pour un minimum de douze et jusqu’à trente, comme un mémorial qui se construirait au fur et à mesure.

Ce que Boltanski ne savait surement, puisque cela l’aurait intrigué, est que la statue existait toujours : démontée pendant la seconde guerre mondiale et après un séjour dans le jardin du musée du vieux Nîmes, elle avait fini par être intégrée comme matière première du monument aux martyrs de la Résistance, édifié à partir de 1946 sur l’avenue Jean Jaurès.

La stèle elle-même était bien endommagée et défigurée, comme le montre une image tirée d’un article de Georges Mathon publié en 2003 sur son site www.nemausensis.com (bien évidents le visage de Lazare barbouillé et le « tag » mort aux juifs).

Avril 2023
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(D’après le site www.nemausensis.com)

À la suite, un choix de documents issus des archives municipales de Nîmes (92W22 et 2070 W 113) :

 

 

(Le Collectif Histoire et Mémoire s’est engagé dans la perspective de rétablir le monument à Bernard Lazare sur l’emplacement et dans les formes d’origine, impliquant les différents acteurs administratifs et associatifs, à l’occasion de l’anniversaire de sa naissance, en 2025).

Galatina remix, 2022-2023.

Préface

Si je me suis intéressé au sujet de la Taranta – qui en Italie est loin d’être seulement un sujet d’études ethno-démo-musicologiques – mais est devenu un phénomène de culture populaire, en même temps savante et de masse – c’est que, vu mon âge et mes origines géographiques, j’aurais pu moi-même être l’un de ces garçons qui guettent la tarantolata par la fenêtre de sa masure.
J’ai entrepris la traduction en français du texte de Salvatore Quasimodo, Prix Nobel de littérature en 1959, auquel Gianfranco Mingozzi s’adressa, sans doute par le biais de son mentor, Cesare Zavattini.
Le texte, qui fait bien référence aux écrits de l’ethnologue Ernesto De Martino (Sud e Magia, Milano 1959 et probablement La terra del rimorso, Milano 1961), fut rédigé en moins de vingt jours, Mingozzi souhaitant présenter son film au très proche Festival dei popoli de Florence (janvier 1962, où effectivement il gagna le prix Marzocco d’oro).

Je vais reprendre cette série récente de neuf petits formats (Galatina 1961) en utilisant d’autres arrêts sur images, d’intérêt plus “autobiographique”. Il y aura douze 30×40, dont chacun portera une ou deux lettres de la phrase Et in Arcadia Ego, écrites sur une carte topographique d’Italie du Sud. Chaque tableau sera décoré de pièces de puzzle vierges, peintes en rouge fluo (acrylique La Pajarita Fluor F-3, qui remplace efficacement mon Lumen rosso 26) et appliquées selon la suite de Fibonacci, de 0 pour le premier à 89 pour le douzième (comme on le sait, la progression de Fibonacci née pour calculer le taux de reproduction des lapins, considère chaque numéro comme l’addition des deux qui le précèdent).
Au dernier tableau de la série, le puzzle, qui ne montre rien mais cache plutôt l’image au fur et à mesure qu’il avance, sera presque entièrement rempli.
J’avoue que j’ai choisi cette formule tout en pensant à Mario Merz (Crocodilus Fibonacci, 1972, entre autres) et à des formes en spirale dont je me suis servi pour des travaux récents (Going round and round).

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Le texte de Quasimodo (Gianfranco Mingozzi, La Taranta, Kurumuny, Lecce 2009).
Et ma tentative de traduction française : Quasimodo La terre du remords

 

Ici un court extrait (1:20) de La Taranta remix :

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Galatina remix, 2022.

01, 30×40.
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02, 30×40.
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03, 30×40.
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04, 30×40.
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05, 30×40.
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06, 30×40.
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07, 30×40.
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08, 30×40.
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09, 30×40.
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10, 30×40.
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11, 30×40.
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12, 30×40.
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Les bêtes de Batz

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J’ai beaucoup séjourné à l’île de Batz et ce n’est qu’à ma cinquième ou sixième visite que j’ai eu l’idée d’y consacrer un travail. Je le voyais comme la suite d’une série, parachevée entre 2021 et 2023, où des gravures anciennes de monstres marins étaient superposées à mes photographies de littoraux européens.
Pour ce dernier travail, j’ai utilisé six extraits du livre Histoires extraordinaires de l’île de Batz, publié en 2016 par Guy Boucher. Le dernier chapitre du livre est un récit d’anticipation qui relie le mythe fondateur de l’île aux problématiques du réchauffement climatique et imagine le territoire de l’île peuplé de reptiles gigantesques, issus d’expérimentations scientifiques hasardeuses. Ces bêtes font écho à ‘’mes’’ monstres tirés de l’Historia Monstrorum d’Ulisse Aldrovandi, le grand naturaliste bolognais du XVIe siècle.
J’ai reproduit ces monstres à l’acrylique rouge fluo, afin de leur donner un caractère encore plus irréel, confronté à l’aspect documentaire de mes photographies. J’ai utilisé la technique de la peinture sous verre, en transparence.
J’ai imprimé les extraits de Guy Boucher à même ma photographie, en police Courier et en une couleur pâle, qui s’estompe parfois dans l’image et n’est lisible que par bribes.

Voir aussi l’article critique de Nathalie Gallon dans 9live.com, janvier 2024 et quelques images de l’exposition à la salle Ty Enez Vaz.

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Les bêtes de Batz, 2023
Six travaux 24×42, tirage UVgel sur plexiglas, acrylique sur verre, cadre en plomb.

Les bêtes de Batz 01 Equus marinus (sold).
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Les bêtes de Batz 02 Aper Marinus
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Les bêtes de Batz 03 Humana facie
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Les bêtes de Batz 04 Niliaca Parei
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Les bêtes de Batz 05 Sus marinus
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Les bêtes de Batz 06 Andura Piscis
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Un camp d’internement dans la garrigue. Saint Nicolas, été 1940.

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Le Camp Saint Nicolas.

Comme on le sait, une stèle est la statue d’un lieu. Elle le constitue en point de repère de la mémoire historique, comme une épingle sur une carte d’état major.

Un lieu en manque, et l’on ne devrait pas tarder à l’en pourvoir : le camp d’internement de Saint Nicolas, situé dans les limites administratives de la commune de Sainte Anastasie du Gard et de celles de Nîmes, à l’intérieur du terrain militaire des Garrigues (actuellement géré par le 2e Régiment étranger d’infanterie), à proximité du croisement des routes qui relient Nîmes, Uzès et Poulx (départementales 979 et 135).

Dans le terrain militaire des Garrigues (près du Mas de Massillan) existait déjà un camp, ouvert depuis janvier 1940 pour environ 200 « étrangers hostiles » (surtout allemands et autrichiens), et qui hébergeait déjà autant de républicains espagnols (1). Quelques kilomètres plus au nord, le long de la route départementale qui relie Nîmes à Uzès (dont le trajet a changé depuis) et à proximité d’une ferme désaffectée, existait un grand terrain plat. C’est là où arrivèrent, le 27 juin 1940, après cinq jours d’un tragi-comique périple en train et d’une marche à pieds de quinze kilomètres, environ 2000 détenus provenant du camp des Milles. (2)

Les conditions de vie y étaient rudes. Les internés, logés dans une centaine de tentes « marabout » pourvues d’un sol en paille, souffraient du mistral, de la chaleur, des insectes, de la dysenterie et de l’angoisse d’être livrés aux nazis (la commission Kundt, chargée du recensement et de la sélection des internés de guerre, fut active peu après la signature de l’armistice et se présenta effectivement début août).

Le commandement du site siégeait dans les bâtiments du Mas Saint Nicolas, qui était peut-être un ancien relais de poste, et dont aujourd’hui ne subsistent que quelques murs en ruine. Le camp fut fermé à l’automne 1940.

Certains s’enfuirent (l’écrivain Lion Feuchtwanger, le peintre Max Ernst) ; d’autres en furent libérés (Franz et Ulrich Hessel, le père et le frère de Stéphane) ; au moins un fut reconduit en Allemagne (3) (naturellement, la plupart de ces prisonniers étaient des Krieghetzer, soit des opposants et/ou des juifs).

Deux tableaux du peintre Henry Gowa, lui aussi interné, La marche de Saint Nicolas et Les naufragés, témoignent de cette expérience. Lion Feuchtwanger et Max Ernst la décrivent dans deux livres. Le galeriste Alain Paire et l’historien André Fontaine ont publié des travaux de recherche. Des informations fragmentaires se trouvent dans les biographies des personnes ayant séjourné dans ce camp de la garrigue (4), ainsi que dans les sites web consacrés à la déportation.

Mon propos est de parler de ce lieu, pour qu’on en connaisse mieux l’histoire, et pour que – éventuellement – un signe de mémoire y soit apposé.

(juin 2016)

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(1)
“CAMP DES GARRIGUES
II est situé dans le vaste terrain de manoeuvres militaires du même nom à 10 km au nord de Nîmes et jusqu’au bord du Gardon. Ouvert en janvier 1940 pour 200 détenus millois, il est contigu à un autre camp réservé aux deux cents réfugiés espagnols qui ont eux mêmes monté leurs baraquements en parpaings après avoir souffert du fort mistral tout le temps qu’ils ont vécu sous la tente. Ils cèdent une maisonnette aux Allemands qui, en attendant, en sont réduits à s’entasser et à en construire une deuxième le plus rapidement possible.”
André Fontaine, « Quelques camps du sud-ouest (1939-1940) », Recherches régionales n.104, 1988.

(2) Le 22 juin 1940, une semaine après l’entrée de l’armée allemande à Paris et le jour même de la signature de l’armistice, les internés antinazis du camp de Milles obtinrent d’être déplacés en train à Bayonne, dans l’espoir d’y trouver un navire pour s’échapper. Ils en furent refoulés, sur un malentendu quant au mot « allemand » et probablement on trouva en toute hâte la solution provisoire du camp des garrigues.

(3) Anne Grynberg, « Les camps du sud de la France : de l’internement à la déportation », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, N. 3, 1993, p. 562.

(4) Entre autres : Max Ernst, Franz Hessel, Ulrich Hessel, Lion Feuchtwanger, Wols (le peintre et photographe Alfred Otto Wolfgang Schulz), Henry Gowa, Adolf Lekisch, Golo Mann, Alfred Frisch, les peintres Max Lingner et Eric Isenburger. D’autres et nombreux noms sont répértoriés dans le journal de Lion Feuchtwanger et dans les notes à l’édition allemande du Diable en France (Der Teufel in Frankreich, Berlin 2000), ainsi que dans les liasses des archives départementales du Gard, et plus précisément dans les rapports de police qui documentaient les évasions du Camp Saint Nicolas (voir images en fin d’article).
Voir aussi Sophie D’agostino, Les Juifs dans le Gard durant la seconde guerre mondiale, Mémoire de maîtrise d’histoire contemporaine, Université Paul Valéry de Montpellier, octobre 1993, où une large place est donné au témoignage de l’interné (par la suite résistant) Alfred Frisch.

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02 Entre Nimes et le Gardon

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Henry Gowa :
03 Gowa La marche

Henry Gowa, Les naufragés :
04 Gowa Les naufragés

La tente “marabout” :
Camp Massillan 02

Relâche de Ulrich Hessel :
06 Entlassung Ulrich Hessel
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Probable emplacement du camp, quelques dizaines de mètres à l’ouest du Mas Saint Nicolas :

A environ 1 km, le croisement des D979 et D135 :12-Croisement-D-979_135

Deux articles d’Alain Paire :
Paire sur Gowa
Paire sur Ernst

Deux liens sur ce sujet:
Ce même article de mon site, paru dans Médiapart en juin 2016 dans une version plus ancienne et moins détaillée.
Une émission radiophonique réalisée par Dominique Balay pour France Culture en 2017.

La suite de mes démarches:

Retour sur les lieux, mars 2018

Feuchtwanger, 2022

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Et encore :

Un article de Jean-Jacques Salgon paru dans La nouvelle cigale uzégeoise en 2018.

Et, dans la même revue, un article de François-Guy Abauzit (mai 2010).

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Un texte de Marie-Paule Hervieu sur Feuchtwanger (extraits)

Lion Feuchtwanger, après avoir habité Sanary, lieu de rencontre d’intellectuels allemands antifascistes en exil, est interné au camp des Milles en 1939 et 1940. “Le train-fantôme” évacuant les détenus devant l’avance allemande, suscite la rumeur que “2000 boches” allaient arriver à Bayonne, ce qui provoque leur retour et leur internement au camp de Saint-Nicolas, près de Nîmes, d’où Feuchtwanger s’évade déguisé en femme. Il vit caché chez le vice-consul américain à Marseille, en attendant que Varian Fry le fasse passer en Espagne avec sa femme Marta…
(…)
Le troisième internement, dans le camp de tentes de la ferme Saint Nicolas, près de Nîmes, en zone non occupée. À quinze kilomètres, dans la montagne, les conditions de vie des deux mille internés sont moins rudes : si le camp est « ouvert », dans la mesure où les barbelés et les soldats de garde n’interdisent pas les descentes à la ville, de même que les visites de membres de la famille – Lion Feuchtwanger y a reçu la visite de sa femme évadée de Gurs pendant quatre jours –, le camp n’en reste pas moins surveillé et les évadés sont recherchés et ramenés par la gendarmerie française. Les corvées sont multiples, les latrines inexistantes, les moustiques abondent et la dysenterie menace, Lion Feuchtwanger en a été atteint et est resté quelques jours en péril de mort. Et surtout « le désespoir se faisait de plus en plus fort au milieu de cette ambiance de foire », avec des trafics en tous genres. Ce qui nous rongeait, ce n’était pas seulement le danger, on ne peut plus tangible, de la clause d’extradition, c’était aussi cette inactivité forcée, l’absurdité apparente de notre séjour dans le camp. On tournait en rond, on bavardait, on parlait toujours des mêmes choses, et l’on attendait de tomber malade ou d’être livré aux nazis » (page 256). L’obsession de ces hommes était donc d’être libérés ou, à défaut, de récupérer leurs papiers et de gagner Marseille.
L’évasion et le sauvetage. C’est dans ces conditions qu’avec l’aide de sa femme et du consulat américain de Marseille, Lion Feuchtwanger s’évade, habillé en dame anglaise. Revenus et cachés à Marseille, Lion et Marta Feuchtwanger empruntent la voie de terre, en traversant à pied les Pyrénées, puis ils gagnent Barcelone et prennent le train pour Lisbonne. Lion s’embarque pour les États-Unis sur l’Excalibur et débarque à New York le 5 octobre 1940, Marta le rejoint 15 jours plus tard, ils sont sauvés.

Note février 2023 : pour la précision, ce fut le vice-consul américain à Marseille, Myles Standish, qui attenda Lion Feuchtwanger en voiture diplomatique aux alentours du Camp Saint Nicolas, le dimanche 21 juillet 1940, et le ramena à Marseille, où l’écrivain fut hébergé par l’autre vice-consul, Hiram Bingham IV, avant que l’on organise, peut-être avec l’aide de Varian Fry (arrivé à Marseille le 14 août), sa fuite vers les États Unis :
Bingham worked with Fry on notable cases, including the emigration of Marc Chagall, political theorist Hannah Arendt, novelist Lion Feuchtwanger, and many other distinguished refugees. In the case of Feuchtwanger, Bingham went so far as to help spirit the novelist out of an internment camp and sheltered him in his own house while plans were made to help the refugee walk over the Pyrenees (https://en.wikipedia.org/wiki/Hiram_Bingham_IV).

Il faut aussi citer le rôle de Nanette Lekisch, épouse d’un médecin de Mainz interné aussi aux Milles et à Saint Nicolas, surnommée par la suite “l’ange de Nîmes”, qui guida Standish le jour de l’évasion de Feuchtwanger (voir le seul ouvrage qui à ma connaissance lui est consacré : https://www.hentrichhentrich.de/buch-moppi-und-peter.html).

Feuchtwanger, avec les autres 2000 allemands et autrichiens et apatrides (déchus par Hitler de la nationalité allemande) était arrivé au Mas Saint Nicolas le 27 juillet 1940, au bout du périple qu’il décrit dans le Diable en France et d’une longue marche dans la garrigue. Il sera bientôt au courant de l’article 19 de l’armistice qui venait d’être signé le 22 juin :
Article 19.
Tous les prisonniers de guerre et prisonniers civils allemands, y compris les prévenus et condamnés qui ont été arrêtés et condamnés pour des actes commis en faveur du Reich allemand, doivent être remis sans délai aux troupes allemandes. Le Gouvernement français est tenu de livrer sur demande tous les ressortissants allemands désignés par le Gouvernement du Reich et qui se trouvent en France, de même que dans les possessions françaises, les colonies, les territoires sous protectorat et sous mandat.

Il faut penser que la plupart des Krieghetzer avaient choisi de quitter le camp des Milles et s’étaient retrouvés à Saint Nicolas, alors que les allemands non-opposants n’avaient pas pris le fameux train de Bayonne :

(D’après Jacques Grandjonc L’émigration allemande (1933-1945) et les camps d’internement (1939-1944) dans le sudest de la France, Amiras-Repères-Revue occitane, 1984, n° 8, p. 5-17).
.
Pour aller vite, je me borne à suggérer une très bonne bibliographie sur l’internement en France entre 1939 et 1945 :
https://criminocorpus.org/fr/outils/bibliographie/consultation/themes/14621/
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La remarquable recherche de l’Association philatélique du Pays d’Aix :
(http://appa.aix.free.fr/camp/pages/camp02.html) qui a été publié dans :
Guy Marchot, Lettres des internés du camp des Milles (1939-1942), préfaces d’Yvon Romero et Alain Chouraqui, L’Association Philatélique du Pays d’Aix, B.P 266, 13608 Aix-en -Provence cedex 1.

21 juin (1940)
2010 internés arrivent à arracher à l’état-major de Marseille la décision qu’un train les emmène à Bayonne. On leur restitue documents et argent déposés lors de leur arrivée au camp.
Dans la nuit, suicide au camp de l’écrivain Walter Hasenclever.

22 juin
Signature de la convention d’armistice qui entre en vigueur le 25 juin.
Le “train fantôme” part en direction de Bayonne via Arles, Sète, Tarbes, Lourdes, Pau. A Bayonne il rebroussera chemin vers Nîmes.

lettre Milles

Enveloppe + 2 lettres 24.6.40 :
. cachet à date “Les Milles Bouches-du-Rhône 18 30 . 24-6-40”
. cachet “Service de garde des étrangers – Le Vaguemestre”
. manuscrit “F. M.” (Franchise militaire)
. manuscrit : l’adresse de l’expéditeur : Médecin Capitaine P… Camp des Milles prés Aix en Provence B, du Rh.”

A l’intérieur on trouve deux lettres du Médecin Capitaine, dont une fait allusion au “train fantôme”.

Le “train fantôme” arrive à Nîmes. Les détenus sont dirigés vers un camp de toile improvisé à Saint-Nicolas.

(…)

1er août
La commission de contrôle dirigée par Ernst Kundt inspecte le camp des Milles.

4 août
La commission Kundt inspecte le camp improvisé de Saint-Nicolas et en demande la fermeture dans les meilleurs délais.

(…)

23 octobre
Environ 300 internés du camp des Milles et de Saint-Nicolas sont transférés à Gurs.

 .

Aux Archives départementales du Gard
(Cabinet du Préfet 1940-1945, 1W 273), signalements d’évadés du Camp Saint Nicolas :

 

Aussi (avril 2023), deux cartes du cadastre napoléonien (1811 et 1970) où l’on montre le chemin parcouru par Feuchtwanger le jour de son évasion du camp, comparées au images actuelles issues de Google maps.
Le chemin rural n. 23 du Plateau Saint Nicolas, qui était l’ancienne route de Nîmes à Uzès et où la voiture du consulat américain a recueilli Feuchtwanger le dimanche après midi 21 juillet 1940, a été remplacé entre la dernière guerre et 1970 par la route nationale n. 579 d’Aubenas au Grau du Roi (devenue la départementale 979 en 2006-2007).


(Archives départementales du Gard, Cadastre Sainte Anastasie 1053W28-26)


J’ai marqué le site ou probablement Feuchtwanger, au retour de l’auberge de La chaumière, a rencontré Nanette Lekish qui  l’attendait, entre le camp et la bifurcation pour la ”baignade” de Font verte (remerciements à Jean Minier pour la communication de la carte d’État major).

L’arrivée au camp, ainsi que la vie qu’on y menait et enfin les vicissitudes de son évasion  sont bien racontés par l’écrivain allemand dans Der Teufel in Frankreich. Erlebnisse, Berlin 2000 (1982). Traduction française : Le diable en France, Paris 1985 (Livre de Poche 2012). Je réproduit ici la page de son journal relatant la journée du 21 juillet.

L’auberge La chaumière, à proximité du Pont Saint Nicolas, démolie en 2013-2014 :

 

 

 

Nîmes January-May 2023



Quatre écrivains dans la garrigue

Ceci n’est pas à proprement parler un travail artistique, bien que je me considère avant tout comme un artiste visuel. Il se situe entre recherche historique, critique littéraire et création.

L’inspiration pour cette série d’images sur le territoire des écrivains me vient de la lecture d’un texte littéraire, Le Dépaysement. Voyages en France de Jean-Christophe Bailly.

Le chapitre sur Nîmes, « Castellum aquae », débute par la définition que Francis Ponge faisait de lui-même : poeta neamusensis. Or, pour un écrivain d’origine nîmoise, ayant passé toute sa vie ailleurs, cette affirmation ne peut tenir qu’à une très grande force symbolique de l’image de cette ville.

Il est évident qu’elle vient de l’héritage de la romanité, de son autorité historique, mais il y a peut-être autre chose. La langue latine, ses dérivations méridionales, l’occitan et le provençal, le fait de se considérer dépositaire et interprète de ce legs.

Jean Paulhan, issu d’une famille cévenole, lié à Ponge par d’étroits rapports de parenté ainsi que par une forte relation intellectuelle, se voulait descendant d’un Paulianus, consul à Nemausus au début de l’ère chrétienne. Les lettres et les dessins envoyés à ses parents depuis le ‘’masé’’ du grand-père sont les documents que j’ai voulu accompagner par l’image.

J’ai donc commencé à parcourir les lieux que ces écrivains avaient sans doute parcourus, à la recherche de vestiges à photographier.

Des dessins de Norah Borges, peintre et sœur de l’écrivain argentin Jorge Luis Borges, m’ont amené aux jardins de la Fontaine et à la relecture de Fictions. L’une des nouvelles de ce recueil, Pierre Menard, auteur du Quichotte, porte en exergue la date Nîmes 1939, alors que, certainement, l’auteur argentin se trouvait à Buenos Aires à ce moment-là. D’ailleurs, toute son œuvre, à l’instar de la nouvelle en question, est un tissu d’embûches dans des méandres historiques et littéraires. Ce qui est avéré, est qu’il avait séjourné dans le Midi et à Nîmes à plusieurs reprises.

J’ai justement utilisé sa technique pour mon propre travail, en plaçant des légendes sous des images de lieux qui ne leur correspondaient pas, ou en brouillant les reproductions de textes et les fonds visuels que je leur avais associés.

Une peinture d’Henry Gowa, La marche de Saint Nicolas, m’a amené sur l’ancienne route départementale entre Nîmes et Uzès. J’ai utilisé le journal de l’écrivain allemand Lion Feuchtwanger, l’auteur du Juif Süss, interné pendant l’été 1940 dans le Camp Saint Nicolas, pour accompagner mes photos de ce qui reste de ce camp et des traces de mémoire, dérisoires peut-être, que j’y ai laissées.

Enfin, les cartes d’état-major qui constituent l’arrière-plan de ces tableaux ne correspondent pas au Camp des garrigues, l’épisode ‘’vichyste’’ (avec son article 17 de l’armistice) n’étant pas unique en Europe. Elles décrivent ici des lieux situés dans les alentours de Rome, ville dont je suis originaire et dont je ne peux pas refuser l’héritage.

Quatre écrivains dans la garrigue (2022)

Ceci n’est pas à proprement parler un travail artistique*, bien que je me considère avant tout comme un artiste visuel. Il se situe entre recherche historique, critique littéraire et création.

L’inspiration pour cette série d’images sur le territoire des écrivains me vient de la lecture d’un texte littéraire, Le Dépaysement. Voyages en France de Jean-Christophe Bailly.

Le chapitre sur Nîmes, « Castellum aquae », débute par la définition que Francis Ponge faisait de lui-même : poeta neamusensis. Or, pour un écrivain d’origine nîmoise, ayant passé toute sa vie ailleurs, cette affirmation ne peut tenir qu’à une très grande force symbolique de l’image de cette ville.
Il est évident qu’elle vient de l’héritage de la romanité, de son autorité historique, mais il y a peut-être autre chose. La langue latine, ses dérivations méridionales, l’occitan et le provençal, le fait de se considérer dépositaire et interprète de ce legs.

Jean Paulhan, descendant d’une famille cévenole, lié à Ponge par d’étroits rapports de parenté ainsi que par une forte relation intellectuelle, se voulait descendant d’un Paulianus, consul à Nemausus au début de l’ère chrétienne. Les lettres et les dessins envoyés à ses parents depuis le “masé” du grand-père sont les documents que j’ai voulu accompagner par l’image.

J’ai donc commencé à parcourir les lieux que ces écrivains avaient sans doute parcourus, à la recherche de vestiges à photographier.

Des dessins de Norah Borges, peintre et sœur de l’écrivain argentin Jorge Luis Borges, m’ont amené aux jardins de la Fontaine et à la relecture de Fictions. L’une des nouvelles de ce recueil, Pierre Menard, auteur du Quichotte, porte en exergue la date Nîmes 1939, alors que, certainement, l’auteur argentin se trouvait à Buenos Aires à ce moment-là. D’ailleurs, toute son œuvre, à l’instar de la nouvelle en question, est un tissu d’embûches dans des méandres historiques et littéraires. Ce qui est avéré, est qu’il avait séjourné dans le Midi et à Nîmes à plusieurs reprises.

J’ai justement utilisé sa technique pour mon propre travail, en plaçant des légendes sous des images de lieux qui ne leur correspondaient pas, ou en brouillant les reproductions de textes et les fonds visuels que je leur avais associés.

Une peinture d’Henry Gowa, La marche de Saint Nicolas, m’a amené sur l’ancienne route départementale entre Nîmes et Uzès. J’ai utilisé le journal de l’écrivain allemand Lion Feuchtwanger, l’auteur du Juif Süss, interné pendant l’été 1940 dans le Camp Saint Nicolas, pour accompagner mes photos de ce qui reste de ce camp et des traces de mémoire, dérisoires peut-être, que j’y ai laissées.
Enfin, les cartes d’état-major qui constituent l’arrière-plan de ces tableaux ne correspondent pas au Camp des garrigues, l’épisode ‘’vichyste’’ (avec son article 19 de l’armistice) n’étant pas unique en Europe. Elles décrivent ici des lieux situés dans les alentours de Rome, ville dont je suis originaire et dont je ne peux pas refuser l’héritage.

 

 Francis Ponge

 Pierre Menard

 Jean Paulhan

Lion Feuchtwanger

Ces séries sont ponctuées par d’autres images retravaillées, peut-être plus personnelles, de la garrigue gardoise :


Nella garriga 08, 2017, 45×60.
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Nella garriga 09, 2017, 45×60.
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Nella garriga 06, 2017, 45×60.
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From the Road 01 (Camp de César), 2018, 32×50.
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From the Road 02 (Nages), 2018, 32×50.
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Zoology 03 (Pont du Gard), 2019, 31×50.
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Garriga 14, 2017, 32×32.

 

*Parce-que, dans son résultat, l’intention est encore bien présente et elle n’amène pas vraiment à une perte de soi : à une partielle redécouverte de soi-même, peut-être.

 

Con il cuore fermo (2022)

Ce travail s’inspire d’un autre documentaire de Gianfranco Mingozzi, moins connu que La Taranta : Con il cuore fermo, Sicilia (1965). Il n’est pas moins magistral que celui sur Galatina. Ce film connut des vicissitudes difficiles : conçu comme un long-métrage autour du personnage de Danilo Dolci (La violenza), il fut interrompu en plein tournage à cause du retrait de la maison de production. Mingozzi, avec son propre argent et l’aide technique d’un producteur indépendant, en fit un moyen-métrage qui jouit de l’admirable commentaire de Leonardo Sciascia (voir : Sciascia per Con il cuore fermo).
“Le détroit de Messine n’est donc pas seulement la ligne de partage entre le continent et une île, mais la ligne qui coupe les espoirs et les désirs de l’absence, la soumission, la misère, tous les problèmes d’un monde qu’il faut regarder d’un œil clair et d’un cœur ferme, publiquement, avec le courage de les affronter et de les résoudre.” (Leonardo Sciascia, in La terra dell’uomo, Lecce 2008, p. 83).

Les deux premières minutes du documentaire :
Gianfranco Mingozzi Con il cuore fermo, Sicilia – Sequenza iniziale.mov

Je n’ai utilisé de ce film que quelques captures d’écran, issues de la première séquence, où une voix off énumère les statistiques sur l’émigration de la Sicile vers l’Europe du Nord et où l’on montre les adieux des familles sur le quai de la gare maritime de Messine.
J’ai creusé le titre, respectant la police et le format originaux, au Bic sur des cartes topographiques. À travers les mots du titre, le fond du tableau, en rouge fluorescent. Les trois images arrêtées sont transférées sur verre et constituent le premier plan de chaque pièce.
J’ai utilisé sans doute les séquences les plus anodines du film, mais c’étaient les seules où je pouvais me sentir autorisé à intervenir. D’autres, outre celles des meurtres mafieux dont le montage est impressionnant, sont trop fortes pour ne permettre autre chose que de regarder : les corps luisants de sueur des travailleurs dans les mines de soufre ; la fuite des enfants du cortile Cascino devant la caméra, dans la dernière séquence.

 


Capture d’écran : http://www.gianfranco-mingozzi.it/D.%20Documentari.html
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Ainsi, le détroit de Messine…


mais sépare l’espoir du désir sans confiance,

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Le DVD dont j’ai extrait les arrêts sur image est inclus dans le livre publié par les éditions Kurumuny de Lecce en 2008 : Gianfranco Mingozzi, La terra dell’uomo. Storie e immagini su Danilo Dolci e la Sicilia.

Les liens vers mes travaux précédents inspirés des documentaires de Mingozzi : Galatina remix, Galatina 1961.

Un extrait de Con il cuore fermo, Sicilia (5 minutes) :

 

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Feuchtwanger (2022)

“Les dimanches d’hiver, quand en général il n’y a pas d’entrainement dans le terrain militaire du Camp des garrigues, il y a une certaine tolérance, ou peu de surveillance, à l’égard des randonneurs, des chercheurs de champignons et des coureurs. Mais il a fallu attendre le mois de mars et la fin de la saison de chasse au sanglier pour pouvoir pénétrer, habillé comme un coureur et en courant, dans le terrain, pour y placer un carreau de céramique en guise de stèle commémorative.
J’ai trouvé, à l’intérieur même de l’ancien camp d’internement (dont il ne reste que des vestiges infimes) un endroit plat et assez visible à l’improbable visiteur, où la terre paraissait remuée de frais, et c’est là où, en mars 2018,  j’ai placé mon humble témoignage.”

Pour l’historique de ce geste,  un petit rappel :
“Comme on le sait, une stèle est la statue d’un lieu. Elle le constitue en point de repère de la mémoire historique, comme une épingle sur une carte d’état-major. […] Dans le terrain militaire des Garrigues (près du Mas de Massillan) existait déjà un camp, ouvert depuis janvier 1940 pour environ 200 « étrangers hostiles » (surtout allemands et autrichiens), et qui hébergeait déjà autant de républicains espagnols. Quelques kilomètres plus au nord, le long de la route départementale qui relie Nîmes à Uzès (dont le trajet a changé depuis) et à proximité d’une ferme désaffectée, existait un grand terrain plat. C’est là où arrivèrent, le 27 juin 1940, au bout de cinq jours d’un tragi-comique périple en train et après une marche à pieds de quinze kilomètres, environ 2000 détenus provenant du camp des Milles.”  (Camp Saint Nicolas, October 2016. Voir aussi : Une marche en garrigue, émission réalisée par D. Balay pour France Culture en septembre 2017).

En novembre 2022, le caractère exagérément confidentiel de cette intervention artistique, qui n’a connu qu’un seul acteur et témoin, me pousse à relire et réinterpréter les images que j’avais prises au moment de l’apposition de ma “stèle”.

Je vais imprimer sur film transparent et superposer ces photographies à des cartes d’état-majeur, des cartes de l’Istituto Geografico Militare italien dont je dispose grâce à la prévenance d’un ami fils de diplomate. On est bien là dans un terrain militaire, comme Feuchtwanger et les autres réfugiés allemands étaient en 1940. Par ailleurs, ces cartes italiennes remontent à la même époque. Je compte aussi imprimer sur papier calque des extraits du texte de l’écrivain allemand où il décrit sa marche dans la garrigue et son arrivée au Camp Saint Nicolas, et les superposer aux cartes IGM. Il me faudra encore un élément de couleur, propre à rehausser ou parfois à brouiller certaines parties des deux premières couches sémantiques. Je pense transférer, sur verre et en premier plan, les dates de la marche et de l’internement au Camp saint Nicolas, que je retrouve dans le journal de L.F. Comme un cachet de cire rouge et dans la langue originale, bien sûr.
En bon critique de moi-même, je me permets de rappeler que cette technique de travail par stratigraphie n’est pas sans faire écho à une pratique du “retour sur les lieux” : octobre 2016, septembre 2017, mars 2018, novembre 2022.

(Le livre de Feuchtwanger : Der Teufel in Frankreich. Erlebnisse, Berlin 2000 (1982). Traduction française : Le diable en France, Paris 1985 (Livre de Poche 2012). Première édition : Mexico 1942, sous le titre Unholdes Frankreich.

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Feuchtwanger 01, 2022, 30×40.
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Feuchtwanger 02, 2022, 30×40.
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Feuchtwanger 03, 2022, 30×40.
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Feuchtwanger 04, 2022, 30×40.
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Feuchtwanger 05, 2022, 30×40.
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Feuchtwanger 06, 2022, 30×40.

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Polyandrion (2022)

 

Je présente ici une réédition de la première d’une série d’estampes inspirées par le Songe de Poliphile (Francesco Colonna, Hypnerotomachia Poliphili, Venezia, Aldo Manuzio, 1499) : From Cythera series C, 2018. Dans cette œuvre romanesque, les protagonistes Poliphile et Polia se retrouvent parmi les ruines du Polyandrion qui, d’après les exégètes modernes, pourrait se traduire par “le cimetière des morts d’amour”.

Le mot Polyandrion vient du grec ancien ; il désigne les sépultures collectives, notamment de guerriers morts au combat :
article ancient world magazine
article wikipedia
Je m’y intéresse aussi parce que j’ai repris récemment un travail sur les Étrusques et leurs pratiques funéraires : sp nemoz

Voir aussi, parmi les nombreux articles sur les canopes :
article enciclopedia treccani
article camminare nella storia

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Pour les représentations du Polyandrion dans le Poliphile, voir :
article persee
article cairn
article utpictura

 

PS :
Une photographie prise dans les mêmes circonstances que celle utilisée en fond de ce From Cythera C 01, mais avec un cadrage  différent, a servi pour une couverture de la revue La cause du désir (numéro 104, mars 2020). Le lieu representé est le “Temple de Diane” des Jardins de la Fontaine à Nîmes.

 

 

 

Der Reichstagssturm (2022)

A thesis on contemporary history.

I vuoti lasciati da un T-Rex dipinto di rosso fluorescente.
Gli Hostile Hopi che resistevano all’imperialismo americano, all’inizio del ventesimo secolo.
Un puzzle le cui tessere sono andate disperse. Un esperimento sull’andatura dei gibboni.
La presa del Reichstag da parte dell’Armata Rossa, in un ciclo pittorico celebrativo del Karlshorst Museum di Potsdam.

Les vides laissés par un T-Rex peint en rouge fluo.
Les Hostile Hopi qui résistent à l’impérialisme américain au début du 20e siècle.
Un puzzle dont les pièces ont été dispersées. Une expérience sur la démarche des gibbons.
La prise du Reichstag par l’Armée rouge, dans un cycle de peintures commémoratives au Karlshorst Museum de Potsdam.

The gaps left by a T-Rex painted in fluorescent red.
The Hostile Hopi resisting American imperialism, early 20th century.
A puzzle whose pieces have been scattered. An experiment on the gait of gibbons.
The taking of the Reichstag by the Red Army, in a commemorative painting cycle at the Karlshorst Museum in Potsdam.


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Der Reichstagssturm 01, 2022, 22,5×30.
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Der Reichstagssturm 02, 2022, 22,5×30.

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Bello! Opere nuove? C’è spiegone?
SC

Ah no, òpiri d’arti sunnu!
Lo spiegone è che la Storia è complessa e confusa.
Comunque il tirannosauro a pezzi è l’impero sovietico, o forse anche il puzzle.
Il tentativo di rimettere insieme i pezzi si urta alla resistenza degli Hopi, oppure a quelle dei gibboni, che non vogliono stare al gioco.
E la visione della storia è imbrogliata da ogni elemento successivo, come un’archeologia all’incontrario.
E alla fine non ci si capisce niente ma forse c’è un bell’effetto pirotecnico.
SP

Ruins in the Forest. Series A (2016-2017)


RnF A 01, 2016, 30×40.
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RnF A 02, 2016, 30×40.
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RnF A 03, 2016, 30×40.
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RnF A 04, 2016, 30×40.
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RnF A 05, 2016, 30×40.
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RnF A 06, 2016, 30×40.
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RnF A 07, 2016, 30×40.
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RnF A 08, 2016, 30×40.
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RnF A 09, 2016, 30×40.
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RnF A 10, 2016, 30×40.
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Spuglia lettre 1

Spuglia lettre 2

 

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NEMOZ, livre d’artiste. (2022)


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NEMOZ est le nom, prélatin et même préceltique, * du site où surgit la ville de Nîmes, anciennement Nemausus. Étant romain de naissance, et ayant l’opportunité de séjourner régulièrement dans la “Rome française”, je m’y sens comme “chez moi”, et j’ai souhaité apporter mon humble contribution à une iconographie de la capitale du Gard.

Ainsi qu’un nom pré-romain, qui résonne bien à mes oreilles, ** j’ai choisi pour mes illustrations des sources pré-romaines : des productions plastiques des Étrusques, le peuple qui a tout appris aux Romains, sauf l’art de la guerre.

J’ai utilisé comme support un guide de Nîmes et du Gard de 1935, peut-être un objet de collection en soi. J’y ai apposé, à l’encre rouge Lumen 26, des “reprises” d’images qui me tiennent à cœur : des photographies de canopes (urnes funéraires grossièrement anthropomorphiques). Ces vases viennent surtout de la ville de Chiusi (Toscane méridionale), bien qu’on en trouve aussi un peu plus au nord (Arezzo). Ils datent du VIIe-VIe siècle av. J.-C. ***

Quelqu’un remarquera peut-être que mes citations de l’imagerie tuscanique présentent des profils pas très « philologiques », un peu trop proéminents, à l’instar d’un célèbre personnage littéraire, lui aussi issu des terres d’Étrurie. C’est une petite boutade que je me suis autorisé.

 

* Certains citent, toutefois, un mot celte nemoz (forêt), d’autres un nemeton, qui “désigne le temple utilisé par les Gaulois à l’époque de leur indépendance” (https://fr.wikipedia.org/wiki/Religion_gauloise).

** Le latin nemo (ne hemo, “pas-homme”) pourrait donner en français personne, si ce n’est que personne vient du latin persona, qui à son tour vient de l’étrusque phersu : masque.

*** Les canopes qui ont servis de modèle à mes fictions sont exposés actuellement au Musée de la Romanité de Nîmes (Étrusques, une civilisation de la Méditerranée, du 15 avril au 23 octobre 2022).
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Dimensions des images : 24×34 cm.
Travail achevé le 17 mai 2022.
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Documents annexes :


SP, Phersu, 1986, 60x25x30, égaré (exposé à Masques d’artistes, La Malmaison, Cannes 1987).
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Le personnage de Phersu, tombe des Augures, nécropole de Monterozzi, Tarquinia, VIe siècle av. J.-C.

 

 

 

Oiseaux de Carême (Birds of Lent) 2022


Au moment où je peins ces poissons en prise de bec avec eux-mêmes, ces grotesques ichtyologiques sur fond de planches ornithologiques allemandes, on est en pleine période de Carême (la période liturgique qui débute quarante jours avant la Résurrection).

Je reprends, deux ans après, des dessins de Carême  exécutés  pendant le printemps 2020, période où, comme on le sait, on était dans la pénitence  et l’on ne pouvait consommer de viande (mais du poisson, ça oui).

Oiseaux de Carême : le juste titre me vient d’un vers de Thomas Lago (“envoie tes oiseaux de malheur…”) pour une chanson des Kat Onoma de l’année 1987 je crois (Cupid). En italien cela donnerait : uccelli di malaugurio, uccelli di Quaresima, qui résonne avec Quarantena.

Des oiseaux de proie (Raubvögel), ainsi que des oiseaux aquatiques, issus d’un recueil zoologique déniché par mon amie Margaret dans un marché aux puces du Starnbergersee, dans les années 90, et réduit par moi à l’état d’arête à force d’en arracher les pages.

Un dessin à la main libre et à la mémoire courte, à l’acrylique rouge, en une maladroite imitation du peintre oriental, ivre de jeûne et d’abstinence.

 


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Birds of Lent 01, 2022, 33×42.
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Birds of Lent 02, 2022, 33×42.
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Birds of Lent 03, 2022, 33×42.
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Birds of Lent 04, 2022, 33×42.

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Birds of Lent 05, 2022, 33×42.

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Birds of Lent 06, 2022, 33×42.

 

 

Paulhan

“Jusqu’à l’âge de douze ans, Jean Paulhan vit heureux dans la région nîmoise ou cévenole : il va passer le dimanche au mazet, herboriser dans le bois des Espeisses, explorer la garrigue, regarder les parties de boule, se promener au jardin de la Fontaine, écouter les ‘sornettes’ de son grand-père…”, Claire Paulhan, Introduction à Jean Paulhan, La vie est pleine de choses redoutables. Textes autobiographiques, Paris 1989, p. 9.

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Paulhan 01, “passer le dimanche au mazet”.
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Paulhan 02, “herboriser dans le bois des Espeisses”.
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Paulhan 03, “explorer la garrigue”.
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Paulhan 04, “regarder les parties de boule”.
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Paulhan 05, “se promener au jardin de la Fontaine”.
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Paulhan 06, “écouter les ‘sornettes’ de son grand-père”.

Le format de chaque pièce de la série, achevée à la fin de février 2022, est 24×36.
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Voir aussi:

Christian Liger, Histoire d’une famille nîmoise : les Paulhan, Paris 1984 (d’où j’ai tiré les dessins et manuscrits de J. P. utilisés en trame de mes images).

Jean Paulhan-Francis Ponge, Correspondance 1923-1968, vol. I et II, Paris 1986.

Frédéric Badré, Paulhan le juste, Paris 1996.
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Quant à la méthode employée pour ce travail, je me suis inspiré de celle de Pierre Menard *, illustrée dans ce même site. Aucune des images utilisées pour accompagner les écrits de jeunesse de Paulhan n’est “originale” : ces photographies légendées proviennent toutes de mes archives personnelles et ont été prises dans différents lieux du Gard au cours des dix dernières années. Elles pourraient facilement être interchangeables.
Dessins autographes, images d’aujourd’hui : il manquait un élément textuel à relier et rehausser ces deux couches. Je l’ai trouvé, je crois, dans le poncif de l’épigraphie nîmoise, la dédicace augustéenne de la Maison carrée. Par ailleurs, Paulhan ne se considérait-il pas le descendant d’un “certain consul romain Paulianus qui est resté célèbre”? **

* “la technique de l’anachronisme délibéré et des attributions erronées” (Jorge Luis Borges, “Pierre Menard, auteur du Quichotte”, Fictions (1939).
** Jean Paulhan, Entretiens à la radio avec Robert Mallet, Paris 2002 (enregistrés en 1952).

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(D’après : http://www.nemausensis.com/Nimes/MaisonCarree.htm)
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Un supplément : Paulhan 00, 2023, 24×36.

 

 

 

Menard

« Pierre Menard, autor del Quijote », le premier récit « fantastique » de Jorge Luis Borges, publié en mai 1939 dans la revue argentine Sur, porte en bas la date fictive « Nîmes 1939 ». À cette date Borges résidait à Buenos Aires. Il avait pourtant séjourné dans la ville occitane à l’été 1918, à l’âge de dix-neuf ans, et en avril 1919 (peut-être aussi en 1923, mais je ne suis ni bibliophile ni biographe et je n’ai pas cherché à en savoir plus). Dans l’œuvre de Borges les références à Nîmes sont plutôt elliptiques (voir le poème « Por los viales de Nîmes », antérieur à 1925) mais dans cette nouvelle l’auteur montre une connaissance plus que touristique de la ville ; en témoignent les noms mêmes qu’il mentionne : Menard (ou Ménard), Reboul, tant du côté protestant que catholique.  Par ailleurs sa sœur Norah, artiste peintre, à laquelle il était très lié et avec qui il voyageait, était à ce que l’on dit très impressionnée par la beauté de la “Rome française” et  en avait représentés quelques lieux remarquables (voir le dessin  Jardin à Nîmes, ici reproduit en bas de page (AA. VV. Federico Garcia Lorca (1898-1938) Museo Nacional de Arte Reina Sofia, Madrid 1998, p. 186).

Quant à ma séquence de lieux notables, j’ai apposé à chaque image une des six lettres du nom MENARD, en Bodoni 72 .
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Voir  aussi:
Eamon McCarthy, Norah Borges: A Smaller, More Perfect World, University of Wales Press, 2020.

Eamon McCarthy, “El jardín de los Borges que se bifurcan: The Image of the Garden in the Early Work of Jorge Luis and Norah Borges”, Romance Studies, vol. 27, 2009.

Michel Lafon, Une vie de Pierre Ménard, Paris 2008.

René Ventura, La vrai vie de Pierre Ménard ami de Borges, Nîmes 2009.

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Menard 01, “… y entre los cipresos infaustos…”, 28×42, 2022.
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Menard 02, “… las ninfas de los rios…”,
28×42, 2022.
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Menard 03, “… un simbolista de Nîmes…”, 28×42, 2022.
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Menard 04, “Ah, bear in mind this garden was enchanted!”, 28×42, 2022.
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Menard 05, “… Le Jardín du Centaure de Madame Henri Bachelier...”, 28×42, 2022.
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Menard 06, “Nîmes, 1939”, 28×42, 2022.
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* Remerciements à Eric Decrette de la bibliothèque du Carré d’art et Jean-Louis Meunier de l’Académie de Nîmes.

 

 

 

Ponge

“Je puis me plaire à considérer Rome, ou Nîmes, comme le squelette épars, ici le tibia, là le crâne d’une ancienne ville vivante, d’un ancien vivant…”,
Francis Ponge, Le parti pris des choses, Paris 1942, p. 75.

2 janvier 2022. En ce début d’année, je débute aussi un nouveau travail. Avant-hier, 30 décembre, j’ai achevé la série Histoire des monstres,  d’après les gravures de Ulisse Aldrovandi et hier, dernier jour de l’année 2021, profitant d’une lumière de brume assez exceptionnelle dans cette partie de la France, je suis monté à bicyclette au Cimetière Protestant et j’en ai photographié les pourtours, sans y pénétrer.

Au retour à la maison j’ai repris le livre de Jean-Christophe Bailly sur ses voyages en France (Le dépaysement, Paris 2011) et je l’ai ouvert au chapitre 23. Castellum acquae : ” Nemausensis poeta, c’est ainsi que Francis Ponge aimait à s’annoncer…”

Depuis longtemps, depuis que je sais que Francis Ponge est enterré dans ce cimetière d’une insoutenable beauté, à quelques centaines de mètres de chez moi, que je pense aller visiter sa tombe, mais je ne l’ai jamais vraiment fait. Son patronyme ne figure pas parmi ceux des personnalités illustres, sur la carte accrochée à l’entre monumentale, et en flânant dans les allées mousseuses, en compagnie d’un chat errant ou de l’autre, je n’ai jamais posé les yeux sur son nom, ni ai-je voulu interroger les gardiens à son sujet.

Hier aussi, au lieu que rentrer, maintenant que je connaissais le sujet de mon travail nouveau, je suis resté aux abords des deux secteurs du cimetière, séparés par un cadereau canalisé et bétonné pour éviter les inondations. J’ai pris quelques photos de l’intérieur par les bouches d’évacuation des eaux, ayant la tête à la hauteur du terrain et des tombes.

PS : les scans utilisés en fond à mes photographies viennent de l’édition de 1979 de Francis Ponge, Le parti pris des choses, Paris 1942.
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Ponge 01, 24×42, 2022.
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Ponge 02, 24×42, 2022.
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Ponge 03, 24×42, 2022.
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Ponge 04, 24×42, 2022.
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Ponge 05, 24×42, 2022.
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Ponge 06, 24×42, 2022.
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2 January 2022. At the beginning of this year, I embarked upon a new project. The day before yesterday, 30 December, I completed the series Histoire des monstres, based on engravings by Ulisse Aldrovandi, and yesterday, the last day of 2021, taking advantage of foggy conditions that are quite unusual in this part of France, I cycled to the Protestant Cemetery located a few hundred meters from my home and photographed its perimeter, without entering it.

Upon returning home, I picked up Jean-Christophe Bailly’s book on his travels in France (Le dépaysement, Paris 2011) and turned to chapter 23, entitled Castellum acquae: “Nemausensis poeta, as Francis Ponge liked to refer to himself…”

For a long time, ever since I learned that Francis Ponge was buried in this unbearably beautiful cemetery, I had been thinking of visiting his grave, but somehow I never managed to do so. His name does not appear among the illustrious figures on the map posted at the monumental entrance, and while strolling through the mossy paths, in the company of a stray cat, I never found his name, nor did I want to ask the cemetery’s caretaker.

Yesterday, having decided on the subject of my new project, I returned but rather than entering the cemetery, I remained at the edge of its two divisions, separated by a concrete-paved ditch dug below the street level to avoid flooding. Looking through the ditch’s drainage holes situated at the ground level, I took some pictures of the cemetery’s interior and the tombs from this unusual viewpoint.

 

Notes :

Mais je ne suis pas loin de Nîmes. N’y puis-je rien y faire à ta place ? Au splendide jardin de la route d’Alès (1) (qui m’est si cher), n’aurez-vous pas à venir ? Ne puis-je rien préparer ?
Francis Ponge, Lettre à Jean Paulhan, 22 mars 1944, in  Correspondance 1923-1946, Paris 1986, p. 309.
La note (1) de l’éditeur récite : Il s’agît du cimetière protestant de Nîmes, où se trouve le monument funéraire de la famille Ponge-Fabre.

 

 

 

 

 

Anabasis. Mario Rigoni Stern landscapes. (2015-2021)

Mario Rigoni Stern (1921-2008) had two ‘anabasis experiences’ in his lifetime. The first one involved the retreat of the Italian Expeditionary Corps in Russia, in January 1943. Rigoni was one of the 60,000 ‘Alpini’ elite military corps that Mussolini sent to occupy the Soviet Union, and among the fortunate 20,000 that returned home safely. His second “anabasis” experience occurred two years later, during his escape from a German military concentration camp in April 1945. For ten days, Rigoni wandered through the Styria and Carinthia forests in Austria surviving on berries, bird eggs and snails before encountering an outpost of Italian partisans at an Alpine pass.

I regard Mario Rigoni Stern as one of my spiritual fathers along with Nuto Revelli (1919-2004) and Vittorio Foa (1910-2008). Among the three, it is Rigoni Stern who explored in greatest depth the relationship between humans and their natural environment. The theme of the forest, as a locus of nature, is central to Rigoni’s oeuvre. The pre-Alpine forest, which was completely destroyed by Austrian and Italian bombs between 1915 and 1918 and subsequently replanted, is an example of the blending of the artificial with the natural. By the time Stern’s work Uomini, boschi e api (Men, Woods and Bees,) was published in 1980, the Asiago plateau forest had reverted to a nature state.

The forest is a mirror of the world “as it should be”, a world where “siamo tutti compaesani”, (we all belong to the same village). In this ecosystem, we can all live together, humans and various animal species, once the carrying capacity of the environment is under control. But according to the writer, the ‘good’ forest is not the one that grows freely and spontaneously. Rather it is the one tamed by human labor, where humankind plays the role of the caring gardener.

At the beginning of his book Forests. The Shadows of Civilization, (Stanford 1992), Robert Pogue Harrison quotes the Italian philosopher Giambattista Vico: “This was the order of human institutions: first the forests, after that the huts, then the villages, next the cities, and finally the academies…” (The New science, 1725). But Vico’s text continues as follows: “it is the nature of peoples to be first crude, afterward severe, then benign, later on delicate, eventually dissipate”.

Rigoni Stern considers Vico’s reflection, and assumes that the city (the last stage of human progress before academies, according to Vico) has become a place of “spiritual solitude”, where “barbarity dwells in the very heart of the humans” and states that the woods have become a “place of salvation” (Introduction to Boschi d’Italia, Rome 1993).

As I wandered around Rigoni’s homeland, I recorded some images of forests, which, upon closer inspection, reveal traces of the war: the collapsed trenches and the craters left by bombs. There I encountered a theme related to my Rupestrian series: these sites have also been reclaimed by nature, even if here the traces left behind are the result of humankind’s diabolical engineering rather than its creativity.

The works that bears the title Anabasis come from the superposition of these images and archive images: the Alpini retreating in the Russian snow, the trenches and the woodland of the Asiago plateau after an artillery battle.

 


Anabasis 03, 40×60, 2015.
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Anabasis 06 A and B, 30×30 each, 2015.
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Anabasis 09 B, 40×60, 2018.
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Anabasis 08 B, 40×60, 2020.
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Anabasis 05 B, 40×60, 2021 (2015).

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Rigoni Stern connut deux anabases, une grande et une petite. La première fut la retraite de Russie, en janvier 1943 ; Rigoni était l’un des 60.000 chasseurs alpins italiens partis pour occuper l’Union Soviétique, aux côtés des allemands, et il fut l’un des 20.000 qui en revinrent. La deuxième fut sa fuite solitaire du Stalag, en avril 1945 ; pendant une dizaine de jours il erra dans les forêts de Carinthie et de Styrie, se nourrissant de baies, d’œufs d’oiseaux et d’escargots, jusqu’au moment où il rencontra, sur la route des Alpes, un poste avancé de partisans italiens.

Mario Rigoni Stern (1921-2008), avec Nuto Revelli (1919-2004) et Vittorio Foa (1910-2008) est l’un de mes pères. Et, parmi mes pères, c’est celui qui a le plus investi la thématique du rapport de l’homme à la nature.

Le haut-plateau d’Asiago est le lieu des origines et des retours de Rigoni ; la forêt qui le couvre, cette même forêt annihilée par les bombes autrichiennes et italiennes entre 1915 et 1918 et ensuite « reconstruite » (exemple du naturel qui devient artificiel, pour redevenir naturel) est un sujet central dans son œuvre littéraire.

Le bois est, d’après Rigoni, « lieu de salut » (introduction à Boschi d’Italia, Rome 1993), tandis que la ville est devenue le lieu de la « solitude spirituelle », où « la barbarie se cache jusque dans le cœur des hommes ». L’écrivain de l’Altopiano reprend ici les arguments de Giambattista Vico (Principi di scienza nuova, 1725), tout en leur donnant une inflexion plus humaniste et, somme toute, réconciliante. Si l’homme veut survivre « avec » la nature, il doit être capable d’en prélever sa part, sans en entacher le capital.

Comme on le sait, Rigoni était un chasseur passionné ; on se demande si, finalement, ses raisonnements ne couvraient pas son désir de s’adonner à la chasse au coq de bruyère. Cela dit, le coq de bruyère n’est aucunement en danger et la forêt se porte bien en Europe, vu sa progression aux dépens des pâturages et des terres cultivables.

Aussi éloigné d’un sentiment de domination inspiré de la civilisation des Lumières que d’une approche nostalgique à la Sturm und Drang (1), Rigoni exprime plutôt un sobre panthéisme humaniste ; la « bonne » forêt n’est pas, d’après lui, celle qui pousse de manière spontanée et sauvage ; c’est celle qui est administrée et ordonnée par l’homme, en sage jardinier.

En errant, en touriste, sur l’Altopiano, j’ai enregistré quelques images de sites naturels où restent visibles les traces de la guerre : les tranchées écroulées, les cratères ouverts par les obus. Je retrouve, dans ces images, le motif de mon travail sur le rupestre : peut-on parler de sites « rupestres » même si ce n’est pas la créativité de l’homme qui a laissé ses empreintes, mais plutôt sa diabolique ingénierie ?

Les travaux qui ont pour titre Anabasis naissent de la superposition de ces photographies et d’images d’archives : la retraite des Alpini dans la neige de Russie et leur lutte pour s’ouvrir un passage ; les abris des fantassins et les bois de l’Altopiano éventrés par les batailles d’artillerie.

 

(1) Sur la confrontation-opposition entre ces deux courants de pensée voir Robert Pogue Harrison, Forêts : Essai sur l’imaginaire occidental, Paris 1994.

Nouvelle iconographie (2020)

Les travaux que je montre ici sont à prendre comme une interprétation et transformation de la tentative positiviste de définir, non seulement des “types” humains, mais de cerner les identités grâce aux différentes caractéristiques d’un visage. J’ai notamment utilisé les illustrations de La nouvelle iconographie de la Salpêtrière, revue publiée entre 1888 et 1916 à Paris par le professeur Charcot et le photographe Albert Londe.


(2000, Maastricht)
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1992

Je m’intéressais, au début des années ’90, à l’iconographie médicale et anthropologique de la fin du XIXème siècle ; je suivais les traces de l’obsession scientiste qui visait à définir des «types», qu’ils soient raciaux, sociaux, psychiatriques ou criminels.
En travaillant sur les collections photographiques de l’époque, je m’étais borné à utiliser les images des aliénés telles qu’elles avaient été présentées par leurs docteurs, c’est à dire, anonymes et hors contexte. En les soumettant à une transformation, je me proposais de re-présenter une individualité que la prise photographique leur avait soustraite.  Je travaillais, il y a trente ans, par abandons successifs d’originalité, par reproductions répétées qui auraient amené, voulais-je, à l’icône, au «monogramme» du sujet en question: partant de la photographie, passant par la photocopie, brouillant l’image sous des couches d’écriture différentes, multipliant l’image par des projections, mettant l’image en mouvement par le biais de cadres mobiles, qu’on pouvait toucher ad libitum. Ce fut la série Über die Schädelnerven (1993), dont le titre -en une sorte de parodie d’un autre regard scientifique- répète celui de la dissertation de Georg Büchner sur les nerfs du crâne des poissons. 
Je n’avais pas considéré la possibilité de sauver ces figures-là de leur anonymat; je pensais qu’à travers leur manque d’identité même je serais parvenu à les toucher. Je pensais aussi qu’en traversant et en transperçant leur image, j’aurais pu trouver la face sacrifiée de ces personnes. Ne pas respecter les versions données par les interprètes (les fondateurs de la neurologie, les inventeurs de l’identification judiciaire), était une tâche qui me rapprochait des méthodes –tant méprisées par moi- des historiens, que je voyais presque toujours enfermés dans de rassurantes entreprises de «reconstruction».  Toutefois, aux soucis d’objectivité et de démonstration j’opposais une pratique performative que l’historiographie peut rarement se permettre.


(2002, Rome)
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2002

Dix ans après, je me dis qu’accepter le caractère anonyme de mes sujets signifie ne pas assumer sa propre responsabilité d’individu qui fait face à d’autres individus. Je décide, en juin 2002, de partir à la recherche de ces gens. Et il s’agit là, à proprement parler, de «types». Non seulement ils avaient étés privés de leur propre figure pour servir de dépotoir de signes propres à définir des ensembles, des «groupes» de cas, mais il sont doublement aliénés : ils ont étés sauvés de l’oubli pour revenir à nous simplement en tant que sujets d’un certain regard posé sur eux. En fin des comptes ils ont été déjà «typographiés». Mes reproductions à moi représentent leur troisième mort.

Pour une raison quelconque, de format ou de circonstance, six photographies étaient restées en marge de celles que j’avais recueillies dans mes recherches iconographiques des années 90. Je les avais retrouvées en défaisant mes cartons, l’été 1999, à l’arrivée à Dalsåsen, dans la province de Sogn og Fjordane, en Norvège, où j’étais censé passer trois mois dans une résidence d’artiste.
 Après pas moins de trois semaines d’inactivité et de désorientation, un jour, feuilletant paresseusement mes papiers, j’ai eu l’idée de reproduire ces photographies sur bois et en faire des xylographies. Ne m’étais-je pas toujours intéressé aux formes de divulgation des images, dans leur rapport avec l’art populaire d’un côté et avec le kitsch de l’autre ? La gravure sur bois n‘étais-t-elle pas la première forme de reproduction mécanique de l’image ? N’étais-je pas entouré de bois feuillu de toutes sortes, à perte de vue et sans pitié ? Ne devais-je, enfin, faire avec ce que j’avais sous les mains et sous les yeux ? Et cette énième, première, technique artistique, juste un bout de fer appliqué sur un bout de bois, n’aurait-t-elle pas permis d’extraire le «monogramme» de l’image que j’avais vainement recherché en la torturant avec des transparences, des projections et des radiographies? 
Je remis la main sur ces anonymes «administrés» de la division des maladies mentales de la Salpêtrière. Reprendre le portrait photographié, l’agrandir à la photocopieuse, transférer l’image sur la plaque de bois de peuplier avec du tri-chlore éthylène, graver la plaque, encrer, poser la feuille de papier japonais, presser et frotter. En voici le résultat.
 Revenu «en Europe» je n’ai pas eu, pendant trois ans, l’occasion de revoir et encore moins celle de montrer ces gravures. Plusieurs déménagements, fuites, prises et reprises, installations et désinstallations ont fait que mes travaux et mes archives ont été dispersés entre plusieurs caves, greniers, granges, garages, cabinets et, finalement, ateliers, dans plus d’un pays. Je me souviens d’avoir offert à mon ami Rodolphe les matrices de ces six types. Cela se passait en Alsace, où il m’avait invité à un festival, en 2001 ; je lui en étais reconnaissant et je voulais le signifier.

Quelques mois plus tard, je revis ces plaques dans son studio parisien. Ce fut comme une découverte, ces types m’étaient vraiment inconnus. Je fis en toute hâte des nouvelles gravures -puisque je ne savais plus où se trouvaient les norvégiennes- en utilisant du papier kraft et des couleurs acryliques achetés au magasin d’à côté.
 Et voilà que, rentré de Lisbonne, en aménageant rue Hégésippe Moreau à Paris, je redécouvre, en récupérant des affaires chez mon amie Ariane, les xylographies de 1999, que je vous présente ici.
 L’histoire peut alors redémarrer. Voyons.
 Je décide de retrouver ces noms, ces histoires. Je vais boucler la boucle et unifier, vingt ans après mon départ d’Italie, ma méthode d’historien et ma pratique d’artiste.
 18 juin. Je retourne à la bibliothèque de l’École de Médecine, où j’avais trouvé ces images, il y a dix ans. Je déclare que je suis un chercheur universitaire, il serait trop compliqué d’expliquer tout ça. Je feuillète la collection de la Revue Photographique des Hôpitaux de Paris (parue entre 1869 et 1872) ; j’y trouve une belle «Étude photographique sur la rétine des sujets assassinés», avec description de l’énucléation de l’œil de son orbite et du traitement en laboratoire de la rétine, afin d’y trouver l’image impressionné de l’assassin, mais je n’y trouve pas mes images.
 20 juin. On m’a conseillé d’aller directement à la Salpêtrière. Là il y aurait, m’a-t-on dit, les archives du professeur Charcot. Mais je n’y trouve que la collection de l’Iconographie photographique de la Salpêtrière (1877-1880) ; il y a beaucoup de représentations de toutes sortes de maladies, là-dedans, mais pas les miennes.
 21 juin. Je retourne à la bibliothèque de Médecine. Je me fais apporter toute la Nouvelle iconographie de la Salpêtrière (1888-1918) et je repère, assez éparpillées, les photographies que j’ai utilisées à l’époque pour Über die Schädelnerven (c’est curieux, je n’ai aucun souvenir de toutes ces recherches, je ne sais même pas si c’est moi qui ai vécu tout cela). Il y a là des cas cliniques de toutes sortes, des hémiplégies hystériques, des ataxies statiques, des acromégalies et des scléroses en série, mais pas mes six anonymes. Et bien que j’examine tous ces visages et que je commence à avoir de l’expérience, je n’arrive pas à déterminer de quelle affection peuvent être atteints mes inconnus.
 24 juin. On m’a conseillé d’aller aux Archives historiques de l’Assistance publique, rue des Minimes. J’y passe toute la journée, secondé par un employé passablement jovial et désœuvré. On sort tous les registres des entrées des aliénés, toutes les observations médicales déposés chez eux. Aucune trace de «mes» six.
 25 juin. On ne peut se rendre que sur rendez-vous à la photothèque de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, rue des Fossés Saint Marcel. J’ai pris rendez-vous; une employée passablement catatonique me remet plusieurs documents versés par les services du feu docteur Charcot. Rien à faire. Je ne sais plus où aller. Les anonymes sont destinés à rester tels. Mais elles me viennent d’où, ces six images ?
 29 juin. J’ai décidé de montrer ces visages gravés, sans noms et hors contexte. Je les accompagnerai de mon nom et de ma petite histoire. Cela devrait passer.

2010

En démontant un vieux travail j’ai l’idée de reproduire ces images sur miroir. Ainsi, on ne pourra s’empêcher de se voir soi-même, tout en contemplant le sujet de Charcot. Des coulées de peinture rouge fluorescente auront la fonction de mettre en relief, au hasard, certains traits du visage montré.


(2010, Nîmes)
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2020

Un ami proche, Nicola, me reparle de la Salpêtrière et des changements intervenus dans ce lieu depuis les années 90 du siècle passé. En même temps ma galeriste, Françoise Bornstein, me propose de reprendre, pour un salon à Paris, des travaux d’il y a dix ans autour des identifications criminelles et judiciaires, ce que je fais. Mais je garde un œil sur celui qui était mon leitmotiv artistique en ce moment-là : la question de la pose, du regard, et de leur interprétation. Je reprends quelques-uns des « sujets »  de Londe. Cela donne un nouveau travail, fusion à l’aide de miroir des photographies de la police romaine des années 70 et de celles des pathologistes parisiens du début XXe siècle ; cela donne ma dernière série : La Buoncostume-Salpêtrière.

 

La Buoncostume-Salpêtrière (2020)

La Buoncostume-Salpêtrière
2020
34×34, technique mixte.

Le sujet des Inconnus de la Salpêtrière me suit maintenant depuis plus de vingt ans. Dans les années 90 du siècle dernier, je fréquentais beaucoup les archives et les bibliothèques des Écoles de médecine ou des Hôpitaux de Paris, à la recherche de sujets de traitement psychiatrique aussi bien que de regard photographique. Dans le fonds Charcot de la Salpêtrière j’avais trouvé six images d’aliénés, probablement prises par Albert Londe au début du XX siècle, sur lesquelles j’ai travaillé en les reproduisant en xylographie, en 1999, au cours d’un séjour en Norvège.

Á mon retour en France, je n’ai pas été capable de retrouver ces sources de travail, auxquelles je voulais donner un nom. Depuis, fasciné peut-être par les regards de ces « sujets », je n’ai pas cessé de reprendre ces six petites photocopies qui m’étaient restées (voir l’article de mon site Nouvelle iconographie).

Il y a dix ans, dans des circonstances hasardeuses, je suis tombé sur des photographies d’identification de la police italienne, issues probablement de la section des moeurs (La Buoncostume) de la Préfecture de Rome. Ces images, à en juger par les vêtements et l’appareil de ces sujets, datent de la fin des années 60 du XX siècle. Elles aussi m’ont suivi longtemps, comme un défilé statuaire dont le caractère anonyme même me captivait. Et, étant donné que ce qui me captivait était peut-être le trait noir qui leur censurait les yeux,  j’ai voulu placer derrière, comme une ombre, d’autres images qui ne sont que du regard.

En cette fin 2020, j’ai l’idée soudaine de reprendre les deux séries d’images et de les reproduire en miroir et avec un miroir. Le troisième élément de ce jeu est ma propre image devant ces images.

Puis-je, insistant tellement sur ces pauvres photographies, creuser là-dedans, un peu plus, la question de la pose et du portrait ?

 

 

 

 

 

Images trouvées, images adoptées (2019)

1990 Potsdamerplatz_1990 thomas grenz

            Les touristes et les voyageurs qui auraient flâné dans Berlin, après la chute du mur (novembre 1989) auraient pu tomber sur un gigantesque marché aux puces, dans le quartier de Potsdamerplatz devenu un immense terrain vague après les bombardements de la deuxième guerre mondiale. On aurait dit que tous les habitants de l’Allemagne de l’Est s’y retrouvaient pour brader leurs quelques biens et surtout leur propre histoire. On pouvait acheter pour presque rien des enseignes soviétiques, des vieilles machines à coudre et des vieux vélos, mais surtout beaucoup de documents en papier et de photos de famille. C’est là que le cours de mon travail artistique a changé : j’ai commencé à travailler directement sur les images et les documents trouvés.

Illustration 1, Über die Schädelnerven, 1993, détail
01 1993 Über die Schädelnerven détail
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(1990-1993, Aschenglorie, Vanitas, Über die Schädelnerven)

            Ma première grande installation, Aschenglorie, est composée de pièces rassemblées sur la Potsdamerplatz, tandis que les suivantes (Über die Schädelnerven, Vanitas) utilisaient plus intentionnellement des images d’archives de psychiatres ou, tout simplement, de médecins. J’ai utilisé des plaques de rayons X au cours de ces années. La radiographie était pour moi à la fois une forme d’écriture du corps et un écran négatif translucide à travers lequel deviner et éventuellement déchiffrer l’image.

            À cette époque, la question de la traduction entre texte et image m’intéressait beaucoup. J’ai toujours été marqué par de petites phrases, des citations découvertes au fil des lectures. Une nouvelle de l’écrivain romantique Adelbert von Chamisso, m’a suivi pendant de nombreuses années: l’histoire de Peter Schlemihl, qui vend son ombre au diable en échange de tout ce qu’il peut désirer, mais ne peut finalement pas exister sans cette chose immatérielle. Et aussi une note de Sören Kierkegaard sur une «mélancolie réflexive » : “C’est ce chagrin réfléchi que j’ai l’intention d’évoquer et, autant que possible, d’illustrer par quelques exemples. Je les appelle des tracés d’ombres, pour rappeler par ce nom que je les emprunte au coté sombre de la vie et parce que, comme des tracés d’ombres, ils ne sont pas spontanément visibles”.

1992 Aschenglorie
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(1999, Laralia)

            Les dictionnaires latins nous disent que, chez les Romains, les Lares étaient les esprits des ancêtres, dont les simulacres, faits de bois peint ou de cire moulée, étaient rassemblés et vénérés dans une partie spéciale de la maison, appelée Laralia.

Ces images étaient montrées en procession avant d’être brûlées. Pline l’ancien en parle dans la section de son Histoire naturelle consacrée à la peinture (Book, XXXV, 6-7): en critiquant l’art moderne en vogue en son temps, il souligne la valeur morale de ces portraits, qui servaient non seulement à commémorer les morts, mais aussi à accompagner les vivants.

            Au cours d’un séjour en Norvège, il y a vingt ans, j’ai choisi, un peu au hasard, dix images parmi les nombreuses photos de famille recueillies, à l’appel de la commune de Dale, dans les archives de la Fjaler Folkbibliotek.

            Je leur ai fait subir un processus de transformation : elles ont été d’abord déformées, pour esquisser leur anamorphose ; ensuite agrandies à une taille plus ou moins naturelle ; finalement, reproduites dans des étroites planches de bois. Les silhouettes ainsi obtenues ont été découpées, peintes en noir et brûlées, en une brève et parodique cérémonie, sur le sommet de la colline de Dalsåsen.

            Par ailleurs, les « négatifs » des silhouettes, les planches de pin de trois mètres ont été dressés sur le plateau de Øvstestølen, dans les hauteurs de Dale. Peintes en rouge à l’oxyde de fer, ces stèles ont le dos tourné à l’ouest, de manière à ce que, à un moment donné, à la fin du jour, leur ombre touche sa photographie originale, placée sous une pierre.

            Il s’agit d’un monument mobile (ce qui est évidemment une contradiction en soi, le monument étant la statue d’un lieu). Durant la journée, à la lumière du soleil, les ombres au sol changent de forme, se chevauchent et, par moments, retrouvent l’apparence de l’image originale.

            La saisie instantanée de l’image photographique documente un état « unique » d’un sujet et sert à sa reconnaissance par les proches, les descendants et la mémoire collective. Dans l’installation Laralia le sujet est soumis à des reproductions multiples, qui le distancient progressivement de son point de départ.

            L’étape finale de ce processus – la gravure sur bois – se place à l’opposé de la prise de vue photographique, en termes de temps et d’énergie nécessaires à son exécution : la lenteur même peut être considérée comme une manière moins tyrannique et plus « solidaire » d’enregistrer l’image.

            Il faut dire enfin que ces stèles en bois local, soustraites par l’action de la nature et du temps à leur fonction commémorative, devraient à l’heure actuelle former le sous-bois de leur forêt originaire.

Illustration 2, Laralia, installation, 1999
02 Laralia installation

Illustration 3, Laralia, atelier, 1999
03 Laralia atelier
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(1999-2002, La nouvelle iconographie)

            En 2002, au cours de flâneries sans but à travers l’Europe, j’eu l’idée de reprendre un travail vieux de dix ans, quand j’allais dans les bibliothèques parisiennes à la recherche de sujets de l’imagerie positiviste. Je m’intéressais, en effet, en ce début des années ’90, à l’iconographie médicale et anthropologique de la fin du XIXème siècle; je suivais les traces de l’obsession scientiste qui visait à définir des «types», qu’ils soient raciaux, sociaux, psychiatriques ou criminels.

            En travaillant sur les collections photographiques de l’époque, je m’étais borné à utiliser les images des aliénés telles qu’elles avaient été présentées par leurs médecins, c’est à dire, anonymes et hors contexte. En les soumettant à une transformation, je me proposais de re-présenter une individualité que la prise photographique leur avait soustraite. Je travaillais, dix ans auparavant, par abandons successifs de l’original, par reproductions répétées afin de conduire à l’icône, au «monogramme» du sujet en question: partant de la photographie, je passais par la photocopie, brouillais l’image sous des couches d’écriture différentes, la multipliais par des projections, et la mettais en mouvement par le biais de cadres mobiles, qu’on pouvait toucher ad libitum. Ce fut la série Über die Schädelnerven (1993).

            Je n’avais pas considéré alors la possibilité de sauver ces figures-là de leur anonymat; je pensais qu’à travers leur perte d’identité même je parviendrai à les toucher. Je pensais aussi qu’en traversant et en transperçant leur image, je pourrais restituer leur face sacrifiée. Ne pas respecter les versions données par les interprètes (les fondateurs de la neurologie, les inventeurs de l’identification judiciaire), était une tâche qui me rapprochait des méthodes – par moi-même abandonnées – des historiens, que je voyais presque toujours enfermés dans de rassurantes entreprises de «reconstruction».             Aux soucis d’objectivité et de démonstration j’opposais une pratique performative que l’historiographie peut rarement se permettre.

            Dix ans après, je me disais qu’accepter le caractère anonyme de mes sujets c’était ne pas assumer ma propre responsabilité d’individu qui fait face à d’autres individus. Je décidais de partir à la recherche de ces personnes réduites à des « types ». Non seulement elles avaient étés privées de leur propre figure pour devenir amas de signes servant à définir des ensembles, des « groupes » de cas, mais elles étaient doublement aliénées : elles n’avaient été sauvées de l’oubli que pour revenir à nous en tant que sujets d’un certain regard posé sur elles.

            Pour une raison quelconque, de format ou de circonstance, six photographies étaient restées en marge de celles que j’avais recueillies dans mes recherches iconographiques du début des années 1990. Je les avais retrouvées en défaisant mes cartons, l’été 1999, à l’arrivée à Dalsåsen en Norvège.

            Après pas moins de trois semaines d’inactivité et de désorientation, un jour, feuilletant paresseusement mes papiers, j’eus l’idée de reproduire ces photographies sur bois et d’en faire des xylographies. Ne m’étais-je pas toujours intéressé aux formes de divulgation des images, dans leur rapport avec l’art populaire d’un côté et avec le kitsch de l’autre? La gravure sur bois n‘était-elle pas la première forme de reproduction mécanique de l’image? N’étais-je pas entouré de bois de toutes sortes, à perte de vue implacablement? Ne devais-je, enfin, faire avec ce que j’avais sous la main et sous les yeux? Et cette énième, première, technique artistique – juste un bout de fer appliqué sur un bout de bois – ne pourrait-elle pas permettre d’extraire le «monogramme» de l’image que j’avais vainement recherché en la torturant avec des transparences, des projections et des radiographies?

            Je remis la main sur ces anonymes «administrés» de la division des maladies mentales de la Salpetrière. Reprendre le portrait photographié, l’agrandir à la photocopieuse, transférer l’image sur la plaque de bois de peuplier avec du trichloréthylène, graver la plaque, encrer, poser la feuille de papier japonais, presser et frotter.

            De retour à Paris, je suis retourné dans tous les lieux où j’avais cherché et trouvé des images de signalisation et d’identification : le fond Charcot à la Salpetrière, la bibliothèque de l’Ecole de médecine, les Archives historiques de l’Assistance publique, la photothèque de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris.

            Mais, malgré toutes mes recherches, je n’ai pas retrouvé les clichés originaux de ces portraits. Ces sujets resteront anonymes à jamais.

2002 Nouvelle iconographie 02
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(2003, Le souci du père de famille)

            Le titre de cette série vient, comme vous l’avez deviné, du récit de Kafka Die Sorge des Hausvaters, où le personnage est une créature changeante et mobile, faite de rebuts et de poussière, un ensemble « dépourvu de signification » demeurant dans les recoins les plus obscurs de la maison. Il se peut que j’identifie inconsciemment Odradek avec la bête qui vit chez nous, la bête de l’identification et du jugement, la même qui, de nos jours, s’exprime avec des slogans comme : “ici on est chez nous!”.

            Les sources de ce travail, opposées, sont choisies seulement pour leur concomitance chronologique : d’un coté les portraits « d’hommes du siècle » de August Sander. De l’autre coté, les clichés anthropométriques de l’université d’Uppsala en Suède, de Georges Montandon en France, de Giuseppe Genna en Italie, tous datant des années 30.

            Vous savez surement que, vers la fin des années 30, Sander fît clandestinement de nombreux portraits, auxquels il donna le titre Victime de persécution, et prit aussi des photographies de prisonniers politiques, parmi lesquels son propre fils aîné. J’ai repris, entre autres, quelques uns de ces clichés.

            Mais pourquoi ai-je mis côte à côte, pour ce travail, les images de Sander avec d’autres qui viennent plutôt du côté « bestial » de l’histoire de la photographie ?

            Dans ces mêmes années où Sander complétait son atlas Antilitzt der Zeit, véritable « anatomie sociale » de son temps, de nombreux scientifiques réalisaient des corpus photographiques monumentaux, fondés sur les archétypes et les mythes de l’intégrité et de la pureté. C’est l’époque où le professeur Montandon quittait la France pour aller, sur l’île d’Hokkaido au Nord du Japon, étudier une minorité caucasienne  avant de publier La civilisation Aïnou en 1937.

            Cet homme de science, une fois rentré dans le Paris occupé par les nazis, fit paraître en 1940 une utile brochure de divulgation : Comment reconnaître et expliquer le Juif ? Puis, à l’automne 1941, il monta l’exposition « grand public » Le Juif et la France.

            De l’autre coté des Alpes, le professeur Genna, directeur de l’Institut d’anthropologie de l’université de Rome, se rendit en Palestine, où vivait celle que l’on considérait comme la seule communauté Sémite qui ne se serait pas mélangée à d’autres depuis les temps bibliques : les Samaritains. Outre les usuelles mensurations du corps, il prit en photo les visages (de face, de profil et de trois-quarts) des trois cents habitants du village qu’il étudiait. En 1938, avec 180 scientifiques, il signa le Manifesto per la Razza qui ouvrit la voie à la législation antisémite italienne.

            Je ne connais pas le mythe particulier qui guida les scientifiques suédois de l’université de Uppsala dans leur quête d’une identité Nordique, Baltique ou Laponne, mais en 1936 le très germanophile chef de l’Institut pour la biologie raciale, Herman Lundborg, fut remplacé (il était allé peut-être trop loin dans sa vision de l’anthropologie physique).

            C’est peut-être en contradiction avec la lourdeur de ce sujet, que j’ai choisi de reproduire tous ces documents, bien étirés comme des ombres du soir, sur un support léger comme l’est la soie, qui se soulève à la moindre brise. J’en ai fait une série d’étendards à montrer en plein air, si possible à la lumière artificielle. Je souhaite que cette installation fragile rappelle l’immanence du passé et notre responsabilité face à celui-ci : hic est historia.
2003 The cares a
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(2009, Identifications)

            En janvier 2008 un éboueur qui travaillait à proximité du commissariat central de Police, à Rome, trouva deux gros sacs poubelle pleins de photographies : ils contenaient huit-mille images (d’identification, de filature, de pièces à conviction) qui, n’étant plus utiles aux fins des enquêtes en cours, avaient été jetées pour faire de la place, alors qu’elles auraient du être déposées aux archives nationales.

            Les images retrouvées furent achetées par une librairie-galerie antiquaire, Il Museo del Louvre, qui en prépara une exposition et communiqua l’information aux journaux. Mais le jour même de l’inauguration les Carabinieri, mandatés par la Surintendance au patrimoine culturel et accompagnés de deux archivistes, vinrent à la galerie saisir tout le matériel accroché, ainsi que les catalogues de l’exposition. Un assistant du galeriste en empocha un et c’est d’après cet unique exemplaire sauvé que j’ai tiré – et “repris” – six images : elles viennent probablement de la Police des Moeurs et peuvent dater, à en juger par l’allure et les vêtements des sujets, de la fin des années 60.

            En intervenant sur ces images, j’ai voulu reprendre l’idée de défilé, mettant l’une à la suite de l’autre ces représentations qui ont une certaine élégance plastique. Avec des moyens chimiques j’y ai superposé des textes, extraits d’un syllabaire pour les écoles populaires. Il n’y a aucune relation entre les différents éléments de ce travail, si ce n’est celle que j’ai imposé et si ce n’est, peut-être, le fait que ces textes dictent des règles linguistiques.

2009 03 La Buoncostume suite b
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(2009, La Buoncostume suite et La Buoncostume/Wallflowers)

            J’ai l’habitude de travailler par séries, pour présenter beaucoup de variantes à la solution d’un problème formel que j’ai posé moi-même.

Dans la série La Buoncostume j’ai affronté la question de la pose et de la frontalité, qui concernent toujours ce type d’images (je voudrais pointer ici une différence : si l’identité est une qualité ou, mieux, l’ensemble des qualités et des relations qui définissent un individu, l’identification est un processus, c’est à dire l’ensemble des actes qui servent à reconnaître un individu parmi d’autres).

            On peut percevoir, dans quelques unes de ces photographies, la grille métrique servant d’arrière-plan aux portraits ; cela m’a fait penser aux demoiselles qui, dans les fêtes de village, “font tapisserie”, dans l’attente d’être invitées à danser. En anglais on les appelle Wallflowers, fleurs murales, terme que l’on emploie aussi pour désigner une personne timide.

            Dans cette série, comme dans d’autres, l’arrière-plan, le passage de couleur, les incisions à la surface de l’image ont pour fonction de la rendre perméable à d’autres possibilités de lecture.

2009 04 La Buoncostume:Wallflowers
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(2010, Leçons d’anthropométrie)

            Cette série est née d’une recherche dans les archives départementales du Gard (Sud de France). Chaque personne sans domicile fixe, notamment les nomades et les ambulants, devait porter sur soi un carnet anthropométrique, rédigé suivant les normes dictées par Alphonse Bertillon (l’inventeur du portrait robot), et qui devait être tamponné à chaque entrée et sortie d’une commune. Ce carnet, dont le but évident était celui de contrôler la population gitane, a été en vigueur de 1912 à 1969 : il contenait, outre les données personnelles, les photos de face et de profil du porteur, ainsi que les empreintes de ses dix doigts.

            J’ai reproduit six photos de membres d’une même famille (photos prises au début des années 20) sur des verres que j’ai superposés aux articles du règlement des Carnets ; ces articles sont transcrits avec un feutre noir sur des cartons d’emballage découpés, comme ceux qu’utilisent les nomades pour faire la quête.

            Il y a aussi des couleurs, du rouge fluo et du blanc, en aplat sur les cartons : ils donnent des formes géométriques qui pourraient faire penser au constructivisme russe ou au Bauhaus, dans tous les cas à une époque qui est celle où les photos étaient prises.

Pour confondre ce processus d’identification, j’ai superposé la photo frontale d’une personne à celle d’un parent, ou bien à la photo de profil de la même personne.

2010 Leçons d'anthropométrie c
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(2011, Phantombilder)

            Cet exemple de la difficile relation avec la charge de vérité d’une image est le plus paradoxal. Je pense aux Portraits robots de la police allemande (et, peut-être, d’autres polices) que l’on peut trouver facilement sur Internet et sur lesquels j’ai opéré un léger déplacement.

            Du point de vue technique ces images sont des photographies, c’est à dire des reproductions photographiques. Et, en même temps, elles ne reproduisent rien. Elles ne sont que de la mémoire reconstituée artificiellement. Ce qu’elles représentent n’existe pas ; pourtant on est en présence d’une image aussi “crédible” que celle d’une « vraie » photographie.

            Il s’agit de montages photographiques : qu’ils soient numériques ou pas ne change rien à mon propos. Plusieurs morceaux de réalité ne constituent pas nécessairement une autre réalité. Ils créent, toutefois, une sorte d’icône d’un visage, qui apparaît étrangement lisse à notre regard, et duquel se dégage quelque chose de doublement inquiétant : à l’activité mortifère, fixatrice du passé, qui est celle de la photographie, s’ajoute une sorte de cadavérisation de l’image. Cela nous vient exactement de l’effet plastique, de masque mortuaire, dont faisait déjà mention Alfred Döblin en introduisant, en 1929, le livre de August Sander Antlitz der Zeit, Le visage du temps (pour être précis, Döblin compare le nivellement imposé par la mort à celui créé par les conventions sociales, mais il est intéressant de voir que, en se penchant sur le travail de Sander, il ait pensé au célèbre masque en cire, très reproduit en ces années-là, de L’inconnue de la Seine).

            On ne saurait ne pas évoquer un autre portrait que Sander fit de son fils, mort en prison en 1944, en cire cette fois-ci. Ce portrait photographique et ce portrait sculptural sont finalement la même chose. Seul la technique de reproduction change.

            Pour en revenir aux Phantombilder allemands d’aujourd’hui, ce qui manque à leurs sujets est l’asymétrie qui est le propre de chaque individu, et qui reflète tous les accidents et les irrégularités d’une “vraie” vie : en un mot, son histoire. Il en reste, de ces images, un logo, une icône, qu’aucun ne pourra vraiment reconnaître mais qui servira à décrire un individu donné.

            Il s’agit effectivement d’images-fantômes. Cet effet est accentué par le noir et blanc, qui fonctionne comme un « filtre », suivant Jean-Christophe Bailly : « puisque avec le filtre du noir et blanc vient toujours dans l’image un glissement plus ou moins erratique vers le fantomal ».

            Comment ai-je “traité” ces images documentaires? En les reproduisant sur verre je les ai rendues transparentes ; leur caractère fantomatique en a été ainsi accentué, par l’effet d’ombre portée. Ensuite je les ai placées dans des simples cadres en bois, pour leur donner la familiarité d’un portrait de famille ; dans le même but je les ai superposées à des échantillons de papiers peints des plus communs. En ce sens, j’ai essayé de traduire l’idée d’inquiétante familiarité chez Freud.

2011 Phantombilder 08
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(2019, Installation Millenovecento)

            Trente ans après ma découverte de Potsdamerplatz et le début de mon travail à partir d’images trouvées, j’historise moi-même, en tant qu’homme du siècle passé, et travaille sur mes propres archives et ma propre biographie.

            Il s’agit de la reprise d’un travail semblable à celui de mes Ex voto de 2004-2006. Cette fois-ci il y a toujours un élément photographique (que ce soit une photo trouvée ou bien prise par moi-même). Parfois l’image est reproduite sur verre et superposée à des documents en papier, parfois c’est la photo papier qui est en arrière-plan. Parfois ce sont de bons tirages argentiques, parfois des photocopies, parfois des journaux découpés. À chaque fois, il y a ce passage de rouge fluo qui crée un déplacement dans la vision et qui représente jusqu’à aujourd’hui ma signature. Cela donnera l’installation à base photographique Millenovecento, que je devrais pouvoir montrer au début de l’année prochaine, dans des funérailles que j’espère festives. Il s’agira vraiment d’une historisation, puisque l’usine UCIC d’Asti a fait faillite récemment, les vingt-quatre de ses vingt-six ouvriers qui n’ont pas accepté d’être délocalisés en Vénétie sont au chômage, et ni moi ni mes amis arrivons à trouver, dans un fond de magasin, ce Lumen Rosso 26 qui est irremplaçable pour moi.

Illustration 4, Millenovecento, installation, 2019
04 Millenovecento installation
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2019 Z Lumen

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Steintal (2018)

Ban de la Roche n’est pas Cythère, et le pasteur Oberlin n’est pas la déesse Aphrodite. Tout accueil a une limite. Face à ses comportements imprévisibles et dangereux pour lui-même, Jakob Michael Reinhold Lenz dût être raccompagné à Strasbourg, sous l’escorte de “trois accompagnateurs et deux conducteurs”.
On dit que la fontaine dans laquelle il plongea plusieurs fois, à Waldersbach, a été déplacée. Surement elle devait se trouver juste au-dessous du bâtiment de l’école, où Oberlin avait logé l’écrivain allemand, en janvier 1778. Mais elle est bien là, devant l’entrée du musée (et non pas à Cythère).

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2018 Steintal 01 20x30

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Herr L. Oberlin
J. F. Oberlin, Herr L., Archives municipales de Strasbourg, Fonds Oberlin.

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Herr L. traduction bd

J. F. Oberlin, Herr L., traduction Pierre Gallissaires, 2003

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Baedeker Roya (2018)

Un Baedeker, le guide touristique par excellence, de la Riviera. Des images de la gare de frontière italienne de San Dalmazzo di Tenda, aujourd’hui Saint Dalmas de Tende, pompeusement inaugurée en plein fascisme, en 1928, et cédée aux français en 1947 avec le reste de la haute vallée de la Roya.

Sur les plans de cadastre découpés qui servent de fond aux photographies sur verre, des mots tronqués en plusieurs langues et des gribouillis inspirés des gravures rupestres du Mont Bégo (la vallée des Merveilles).

Après avoir brièvement servi de colonie estivale pour les enfants de cheminots, l’ancienne gare est aujourd’hui à l’abandon.

Notre modeste proposition : qu’elle soit transformée en caserne pour les 500 gendarmes et policiers qui sont aujourd’hui installés dans la vallée, dans un pénible travail de recherche et poursuite des migrants qui quittent Vintimille marchant de nuit le long de la voie ferrée, à la recherche d’abri et d’hospitalité.

 

2018 Baedeker Roya 01 20x30

2018 Baedeker Roya 02 20x30

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Baedeker Roya, technique mixte, 6 pièces 20×30, 2018

From Cythera series C (2018)

Six woodcuts from the Hypnerotomachia Poliphili (Venice, 1499) are superimposed on photographs of actual places. Although these places are situated in a classical archaeological universe, they cannot be found on the Greek island of Cythera. Instead, they constitute my own  Cythera.

Spuglia FCC 01
FCC 01. The Ruins of Polyandrion.

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Spuglia FCC 02
FCC 02. The Triumph of Semele.

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FCC 03. The Bath of Venus.

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FCC 04. The Garden of Cythera.

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FCC 05. The Encounter with the Wolf.

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FCC 06. The Three Doors of queen Telosia.

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         Comme maints auteurs avant moi, je n’ai jamais mis les pieds dans l’île de Cythère, qui reste éminemment un lieu de l’imaginaire.

            Gérard de Nerval, qui a restitué à l’île grecque un statut de lieu réel, la décrit dans ses Voyages en Orient avec une précision due simplement au plagiat d’autres récits de voyage (Castellan, Stéphanopoli). Et la célèbre image du gibet à trois branches sur le rocher, reprise de manière si réaliste par Charles Baudelaire, est probablement une pure invention littéraire.

            J’ai à mon tour repris certaines gravures de la Hypnerotomachia Poliphili (Venise 1499), connue en français comme Le songe de Poliphile, que Nerval a utilisé comme un guide. L’essentiel de l’histoire de Poliphile et de son amoureuse Polia se passe dans Cythère, l’île de Aphrodite. Les images sont indispensables à la compréhension du texte et en sont presque le prétexte. Il s’agît de xylographies d’auteur anonyme, de milieu vénitien. Elles ont eu une énorme influence dans les siècles successifs et notamment au XVIIIe, auprès d’architectes, peintres, concepteurs de jardins.

            En reprenant à mon compte ces planches j’ai d’abord songé à me rendre sur les lieux, en un défi posthume à Nerval. Finalement, je me suis décidé à commettre un faux historique.

            Les xylographies de l’Hypnerotomachia sont superposées à des photographies de lieux réels, qu’elles sont censées décrire. Mais ces lieux, tout en se situant dans l’univers archéologique classique, ne se trouvent pas sur l’île grecque de Kythira. Ils sont ma propre Cythère.

            Il se trouve que j’habite une ville de l’ancienne Provence romaine, et que pas loin de chez moi se trouvent des jardins bâtis au XVIIIe siècle autour d’une source sacrée et de bâtiments rituels païens.

            C’est là où, en quinze minutes et dans 200 mètres carrés, j’ai repéré et photographié mes avatars du songe de Poliphile.

              (Mars 2019)

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