Le monument enfoui (2023)


(Un mémorial pour Bernard Lazare)

Érigée par souscription publique et inaugurée à la présence du vice-président du Sénat Frédéric Desmons en octobre 1908, mutilée après la première Guerre mondiale, défigurée par un ‘’Mort aux juifs’’ à la peinture noire dans les années 40, entreposée dans un square municipal et finalement utilisée comme matériel de remblai pour le monument à la Résistance érigé en 1946 sur un lieu d’exécution nazie, la statue de Bernard Lazare à Nîmes, qui figurait en bonne place à l’entrée des jardins de la Fontaine, à proximité des monuments à Antoine Bigot, écrivain occitan, protestant et républicain et à Jean Reboul, boulanger-poète catholique et royaliste, n’a toujours pas retrouvé sa place, que ça soit une réplique à l’identique, comme geste de rétablissement symbolique face aux assauts de la droite extrême, ou un nouveau signe, qui voit dans l’œuvre de mémoire une transformation créative de l’héritage historique.
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Le monument aux Martyrs de la Résistance, boulevard Jean Jaurès à Nîmes (Photo Stéphane Mahot, 2016).
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PS : Ce qui suit est un compte-rendu de ma visite aux archives municipales de Nîmes, 28/03/2023, sur sollicitation du Collectif Mémoire et histoire (Dossiers 4H57 sur l’édification du monument aux martyrs de la Résistance, 92W22 et 2070 W 113 sur le rétablissement du monument à Bernard Lazare).

La question du rétablissement d’un monument à Bernard Lazare s’est posée à plusieurs reprises, après la destruction de la stèle inaugurée en 1908 aux Jardins de la fontaine, notamment en 1984-1986 et 2000-2001.

En 1984, un échange entre le maire de Nîmes, Jean Bousquet et le ministre de la culture, Jack Lang, aboutit en 1986 à un financement de la part de l’État pour 150.000 francs (la moitié de la somme envisagée) apparemment jamais utilisés. Aujourd’hui 300.000 francs correspondraient à 86.000 euros. La somme, considérée dérisoire par tous les acteurs à l’époque, fut finalement retenue aussi par les artistes qui répondirent à l’appel de la Mairie.

Plusieurs artistes ayant été envisagés, finalement c’est le projet de Christian Boltanski, personnellement présenté par Bob Calle (directeur du Carré d’art) qui fut le plus proche d’être adopté. N’ayant finalement pas eu de réponse de la part de l’administration nîmoise, Boltanski se retira du projet, trois ans après l’avoir présenté. Surement son projet était encore précoce et trop difficile à réaliser.

En 1990-1992 la discussion se rouvre, le maire n’ayant pas approuvé le projet de Dani Karavan (dont, contrairement à celui de Boltanski, je n’ai pas retrouvé de traces aux archives). Finalement Bob Calle se dessaisit de l’affaire et Christian Liger, adjoint au maire délégué à la culture, semble faire de même.

En 2000-2001 une requête de Carole Sandrel (Les amis de Bernard Lazare), en préparation du centenaire de la mort de l’écrivain, semble remuer un peu les choses, mais apparemment sans suite.

Le projet de Boltanski, prévoyait, au lieu qu’une réalisation monumentale, une installation de pierres, accompagnées de petites plaques, sur une falaise surplombant un bassin, à la hauteur de “l’avant dernière terrasse du jardin de la Fontaine”.  Ces pierres auraient dû venir de chaque lieu d’où une différente communauté serait venue à Nîmes, pour un minimum de douze et jusqu’à trente, comme un mémorial qui se construirait au fur et à mesure.

Ce que Boltanski ne savait surement, puisque cela l’aurait intrigué, est que la statue existait toujours : démontée pendant la seconde guerre mondiale et après un séjour dans le jardin du musée du vieux Nîmes, elle avait fini par être intégrée comme matière première du monument aux martyrs de la Résistance, édifié à partir de 1946 sur l’avenue Jean Jaurès.

La stèle elle-même était bien endommagée et défigurée, comme le montre une image tirée d’un article de Georges Mathon publié en 2003 sur son site www.nemausensis.com (bien évidents le visage de Lazare barbouillé et le « tag » mort aux juifs).

Avril 2023
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(D’après le site www.nemausensis.com)

À la suite, un choix de documents issus des archives municipales de Nîmes (92W22 et 2070 W 113) :

 

 

(Le Collectif Histoire et Mémoire s’est engagé dans la perspective de rétablir le monument à Bernard Lazare sur l’emplacement et dans les formes d’origine, impliquant les différents acteurs administratifs et associatifs, à l’occasion de l’anniversaire de sa naissance, en 2025).