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Histoire naturelle 03 (private collection). Photos: Emilie Baliff.
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Leçons d’anatomie 03, 270×70.
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Leçons d’anatomie 07, 270×70.
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Leçons d’anatomie 08, 270×70.
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Leçons d’anatomie 09, 270×70.
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Les dimanches d’hiver, quand en général il n’y a pas d’entrainement dans le terrain militaire du Camp des garrigues, il y a une certaine tolérance, ou peu de surveillance, à l’égard des randonneurs, des chercheurs de champignons et des coureurs. Mais il a fallu attendre le mois de mars et la fin de la saison de chasse au sanglier pour pouvoir pénétrer, habillé comme un coureur et en courant, dans le terrain, pour y placer un carreau de céramique en guise de stèle commémorative.
J’ai trouvé, à l’intérieur même de l’ancien camp d’internement (dont il ne reste que des vestiges infimes) un endroit plat et assez visible à l’improbable visiteur, où la terre paraissait remuée de frais, et c’est là où j’ai placé mon humble témoignage.
Pour le contexte de cette installation, voir :
Camp Saint Nicolas, October 2016
Voir aussi : Une marche en garrigue, émission radiophonique réalisée par D. Balay pour France Culture en septembre 2017.
A limited edition of ten times five digital prints giclée on offset paper 350 gr. , on the subject matter “segregation”. Signed and numbered. Size: 34×46 cm.
30 € each. Available in Paris (shipping being too risky).
A short movie (2′ 29″) by Gilbert Carsoux during the set up of the show at Sit down gallery.filmed
Le jardin des monstres, texte de Laura Sérani, spécialiste de la photographie contemporaine.
L’attirance de Salvatore Puglia pour les arts visuels a très vite rejoint le territoire de ses études et sa fréquentation de l’Histoire en tant que chercheur pour aboutir à une recherche basée sur le recours à l’image documentaire comme support d’interventions artistiques. Son travail implique une recherche permanente de sources qui deviennent objet de lectures évolutives, dans un processus où démarches historique et artistique sont toujours structurellement liées.
En mélangeant époques, faits historiques, textes classiques, mythologie et sciences sociales, Puglia propose de nouvelles perceptions du passé et du présent. Les titres de ses travaux, Ritratto dell’artista da figliuol prodigo, Six leçons de drapé, Anabasis, L’art de la guerre, Les âmes du Purgatoire, Les préoccupations du père de famille,… donnent le ton de son oeuvre, originale, subtile et engagée.
Un pas en arrière : fin des années 1970 en Italie, lentement ou précipitamment se dessinait l’avenir de notre génération, pendant que l’espoir de transformer le monde s’estompait et le choix des chemins personnels se définissait. Comme autant de matérialisation de désirs et d’intérêts différents, cohabitaient sur la table, piles de feuilles remplies à l’Olivetti Lettera 22, pinceaux et couleurs destinés aussi bien aux abstractions à la Miro’ que Salvatore dessinait sur des cartons longs et étroits, anticipation du format panoramique affectionné plus tard , qu’aux aquarelles insipides que d’autres peignaient, tout en découvrant Tina Modotti, synthèse d’art et de politique et en apprivoisant le premier Nikkormat qui a gardé la mémoire de ces moments.
En 1980, fini l’été romain et les traversées de la ville en Lambretta, Salvatore Puglia a commencé à alterner les voyages à travers l’Europe et les séjours de plus en plus longs à Paris. Les premières années parisiennes, vécues dans une atmosphère post-bohème et denses de rencontres rue de Condé, seront celles du virage définitif vers un parcours totalement dédié à la pratique artistique, sans hésitations ni concessions, mais où l’Histoire devait rester toujours présente, dans une symbiose qui caractérisera tous ses travaux jusqu’à aujourd’hui.
Depuis 1986 Salvatore Puglia se consacre aux arts visuels et vit actuellement dans le sud de la France où la lumière rappelle celle de Rome où il a vécu jusqu’à l’âge de vingt-cinq ans.
Il y a quelque temps Puglia écrivait à propos de sa démarche:
“Après avoir pratiqué pendant quelques années le montage de documents écrits et visuels, j’ai été naturellement amené à la tentative de cerner une “photographie de l’Histoire. Me limitant à considérer la photographie dans sa plus stricte fonction reproductrice, je l’utilise comme pièce à conviction, dans des ensembles à la structure sérielle, qui ne prétendent pas reconstruire un sens mais qui tentent de questionner notre manière de regarder le passé. Les images que je montre sont le plus souvent mutilées, réduites à des fragments qui ne permettent pas d’imaginer une unité qui les prolongerait; elles sont parfois brouillées par des couches superposées de documents graphiques ou iconographiques. Si la reproduction fonctionne comme un outil de conservation, cela va nécessairement de paire avec de la perte. L’image originaire étant de toute manière perdue, il reste les infinies possibilités de la recréer dans notre imaginaire.“
L’Histoire sociale ou familiale, les histoires d’inconnus ou des siens à travers les images des archives de la police et du docteur Charcot ou celles des albums de famille, ont commencé à habiter des surfaces mutantes en donnant corps parfois à des récits aux allures de labyrinthes où les seuls liens entre les images sont des indices autobiographiques.
Encres et laques, fils et aiguilles inventent et soulignent silhouettes et contours, perforent et imprègnent toile et papier-calque, s’étalent sur cire, plomb, céramique, verre et miroirs: autant de langages pour réécrire l’Histoire. Les recherches de Puglia s’expriment à travers des supports et outils différents en jouant la stratification, en allusion à celle de la mémoire et aux traces d’un passé toujours sous-jacent dans la représentation du présent. Les voyages et les influences sont permanents entre Histoire et Histoire de l’art mais aussi entre différentes pratiques, le dessin, le collage, l’incision, le moulage. La photographie au fil du temps est devenue déterminante et prédominante, que ce soit par la réappropriation d’images préexistantes ou la réalisation de nouvelles images, mais la photographie intéresse toujours Puglia en tant qu’élément documentaire, vecteur de mémoire, témoin de l’absence.
Sans limites dans l’exploration des champs cognitifs et des langages visuels et techniques, l’ensemble de l’œuvre de Puglia est aussi complexe et multiforme que cohérente et immédiatement reconnaissable. Des constructions savantes s’accompagnent souvent d’un trait incertain donnant vie à d’étranges contrastes entre la pensée élaborée qui préside au processus créatif et le recours à ce trait souvent volontairement maladroit. Ce trait incertain, avec lequel Puglia dessine et brode des figures indéfinies qui évoquent des ombres ou les marques laissées sur les murs et les tapisseries par des objets disparus, ou avec lequel, d’une écriture tremblante, il retranscrit textes classiques, épitaphes et sonnets, est une constante dans son œuvre. Les certitudes du travail de chercheur semblent se confronter à une légitimité que Puglia ne voudrait toujours pas reconnaître au geste. De ce fragile déséquilibre naissent des œuvres d’une poésie vibrante.
Tel un spéléologue de la mémoire collective ou privée, Puglia revisite, méticuleusement et à sa façon, lieux et épisodes toujours inattendus. De ses fouilles émergent des reconstitutions intrigantes qui ouvrent d’autres perspectives d’investigation de l’Histoire et de nouvelles visions.
L’exposition Le jardin des monstres réunit des travaux récents axés autour des relations entre Histoire et nature, paysage et intervention humaine, relations variables au cours du temps. Le mot jardin, synonyme d’espace et de nature apprivoisée, contraste avec celui de monstre, figure par excellence de l’incapacité humaine à contrôler la nature et ses créatures. Le décor est planté et en avançant on peut s’attendre à toutes sortes de rencontres. Objet des récentes explorations de Puglia, des régions aujourd’hui difficilement accessibles et peu peuplées, comme la Tuscia au nord de Rome, parsemées de sites archéologiques abandonnés où les ruines recouvertes, de la Préhistoire à nos jours, gardent les traces de leurs fonctions successives : tombes étrusques, refuges de guerre ou bergeries. A tour de rôle, la végétation ou l’intervention humaine ont eu raison de l’autre. En introduisant sur ces lieux des objets étrangers et anachroniques, en forme de langues ou de feuilles en latex, aux couleurs fluorescentes, Puglia opère une nouvelle stratification de lexiques qui, tout en renvoyant à l’Histoire de l’art, trouble le rapport au temps et la vision romantique du paysage.
Dans ces images, désignées par Puglia, “Land Paintings“, on retrouve ses préoccupations d’investigation historique et ses dispositifs créatifs habituels. Mais la surprise est permanente pour ce qui concerne les lieux re-visités et la juxtaposition des éléments glissés ou cousus dans les images. Des animaux sauvages apparaissent dans une campagne domestiquée ; des traces incongrues d’un passage humain récent investissent des sites à la végétation impénétrables ou des espaces aseptisés. Une langue enduite de pigment rouge fluorescent, rend tout son pouvoir à l’Ogre de Bomarzo, un des monstres de ce parc, extravagance de la Renaissance et repaire de dragons, sphinx et demeures penchées. A partir de l’introduction in situ d’un élément qui une fois photographié donne vie à une œuvre à part entière, Puglia produit ce qu’il appelle une archéologie inversée en ajoutant de nouvelles stratifications à celles existantes.
Liée au paysage, la question du rupestre, au centre des réflexions de Puglia depuis un certain temps, est posée de façon différente par chaque pièce présente dans l’exposition, permettant de constituer une sorte du traité illustré du “rupestre“, dont ses mots introduisent bien le concept :
“Si “rupestre” est l’intervention de l’homme sur la nature, qui devient ainsi “œuvre” (les peintures, les sanctuaires, les rochers sculptés, les pierres gravées), un artefact humain peut aussi devenir rupestre, une fois qu’il est abandonné et que la nature reprend ses droits. Certainement, là où nature et Histoire se rencontrent, on est dans le rupestre. Que ce soit l’évanescence de l’Histoire face au retour de la nature, ou la défaite de la nature face à l’avancée de l’Histoire.“
A sound performance along with D. Balay and JM. Bernard, March 2010
http://synradio.fr/tag/salvatore-puglia/
Travelling Fiumicino, 18’35”.
La musique est de Rodolphe Burger, d’après le Lamento di Arianna de Claudio Monteverdi (1567-1643).
1999-2001.
Cette vidéo a été réalisée avec le soutien du département “Theory” de la Jan van Eyck Academie, Maastricht, Pays Bas, et montrée pour la première fois à l’exposition de groupe Iconografie transitorie, Lo Studio, Rome 1999.
Steles of Anamnesis, 1994-1995.
La civilisation du phoque, 1994-1995.
Ninna nanna, 1995
Les Ames du purgatoire, 1995
Anabasis 1995
Nanook Sequence 1996
Cranial Nerves, 1996
Still Lives, 1996
Boustrophedon 1997
L’art de la guerre, 1997
Iconostasis, 1997
Leçons d’anatomie, 1998
Kinderatlas, 1998
Wilderatlas, 1999
Skyggerids, 1999
1930 circa, 2002
Inventarium, 2004 (detail)
Ex voto, 1990-2006
Monte Carmelo, 2009
La Buoncostume 01, 2009
La B-C, 2009
L’Illustrazione Italiana ter, 2009
My artistic activity over the last years has focused on our common historic heritage. More specifically, I have endeavored to elaborate an iconographic program that enriches and skews our perception of “our” family portraits. To achieve this objective, I have collected archival material, scientific diagrams, administrative documents, as well as police mug shots and plates from anthropological studies. From such material, I have created new images. The work I have undertaken in recent years involving collages created from original documents mixed with painting naturally led me to attempt to develop a ‘photograph of history’.
Considering photography solely as a method of reproduction – i.e. its most restricted function — I have used it as a fragmented piece of “evidence” in large-scale articulated works, which were not intended to propose new meanings but rather to call into question our manner of regarding the past. The images I exposed were often mutilated and reduced to fragments, which prevented the viewer from imagining the whole that could be constructed from these fragments; they were sometimes rendered illegible by the superimposed layers of documents and iconographical material.
Using cut-up X-rays as screens or filters, I created a play of shadow and light, and transparency and opacity on the images. As both an abstract reproduction and a negative image of the hidden reaches of the body, the X-ray is itself a form of body writing – a recording that must be deciphered and interpreted. The transparency of the X-rayed body forces the viewer to reflect upon the impossible permeability of the photographed image. How can we pierce and destabilize its forms that are so saturated and definitive?
I have thus reproduced ‘our’ photographs on a support of sheets of transparent film. I superimposed them on completely unrelated photographs or on some of my earlier works that I have cut up and repainted. I then enlarged details to the point of rendering them abstract and hid them behind metal grating — a reference to pre-grammatical signs. I mounted them between two glass plates in metal structures that distanced them from the wall, thereby allowing any light source to transform them into shadows, which could be deformed or deformable according to the angle of the light source and the orientation of the frame.
By incorporating shadow in my work, I have reverted to the earliest form of image making, which, according to myth, was born from the contemplation of shadows. Using industrial supports typical of our period, such as transparent films, gelatinous material and florescent colors, I intended to shed the original icon of its solemnity and aura so as to present only a facsimile.
In addition, these materials allow us to ‘sublimate’ a mundane subject or to trivialise a pretentious subject. Perhaps this is a manner of getting around the question that has traditionally troubled all visual artists: the inadequacy of any given subject matter.
Reproduction functions as a conservation tool, yet this necessarily implies a loss. The original image having been at any rate lost, we, the viewers, are left with infinite possibilities to recreate it in our own imaginations.
S.t, 1982.
Spirale, 1984, 25×29.
Intus ubique, 1986.
Constellation, 1986.
Zeitgeist, 1987.
Tersan, 1987.
Orto petroso, 1988.
Rosso, 1990
Leçons de calligraphie, 1990-1992.
Stèle mobile, 1992.
Stèle mobile, 1992, détail.
Stèles mobiles, 1992.
Aschenglorie, 1990-1992 (Installation 200×600 cm).
Aschenglorie, detail 70×50 cm.
Über die Schädelnerven, 1993.
Historiettes, 1993.
As I lay dying, 1994.
Les larmes d’Eros, 1994.
Inventarium, Galerie Photo FNAC Montparnasse, February-April 2005.
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A 3’37” Slideshow edited by Johann Perrier. Music: Kat Onoma.
S.P.
Pour aborder le travail si actuel d’un artiste tel que Salvatore Puglia, certains très vieux mots, grecs ou latins, font très bien l’affaire, pour peu qu’on les prenne – ainsi qu’il nous y invite lui-même – suffisamment au sérieux. En voici trois.
“Photographie”. A l’ “écriture de/par la lumière”, où un réel rayonnant engendrerait de lui-même une image dont l’évidence glorieuse ne demanderait plus qu’à être captée, Puglia a toujours opposé une certaine méfiance, étayée sur une autre lecture du mot. Car il sait bien que la “graphie” dissimule ici un peu trop innocemment, et fait passer en contrebande, une écriture qui se donnerait pour allant de soi et comme imprégnant la fibre même du monde – une écriture, mais aussi bien (puisque c’est là ce que signifie le verbe graphein en grec), une gravure ou un dessin qui seraient donc naturels, d’où toute dimension subjective, culturelle, interprétative serait exclue. Aussi Puglia aime-t-il à rendre coup pour coup à la photographie. Tantôt, il retourne en quelque sorte l’un contre l’autre les deux termes qui la composent. Ainsi, la lumière voit souvent sa clarté voilée, grisée, éteinte ou noyée dans le grain du papier à force d’être diluée par (photo-)copie, quand elle n’est pas dénoncée ou attaquée à même son champ par des inscriptions, des incisions, des surimpressions qui lui contestent son statut privilégié de medium omniprésent et translucide. Tantôt, c’est à l’ensemble photographique que s’en prend l’artiste, soulignant, accusant, aggravant son caractère d’artefact ou de matériau, soit (par exemple) qu’il lui superpose d’autres images dissonantes, soit qu’il l’imprime sur un support transparent, restituant ainsi au regard, par-delà l’opacité fermée de la surface originale, une nouvelle profondeur à explorer. (Profondeur dont il faut souligner qu’elle n’est pas seulement perspective, mais également temporelle et personnelle. Le fond de certains travaux présentés ici est en effet constitué de fragments d’oeuvres anciennes, désormais remployées exactement selon les mêmes processus que n’importe quel autre élément constitutif. Le corpus de l’artiste n’est donc plus une archive personnelle intangible : il devient désormais une mine de matériaux susceptibles d’être recyclés. Si l’on ne peut que s’incliner devant le détachement et l’impartialité sereine avec lesquels Salvatore Puglia traite ou retraite ainsi son oeuvre passée, il n’en voudra pas à certains de ses admirateurs d’espérer qu’il ne poursuivra pas trop loin dans cette voie).
“Monument”. Le monumentum latin est d’abord un avertissement, une admonition, et le moyen dont on use pour les signifier. Pour que l’avertissement soit durable, il convient que le signe le soit : le monumentum est donc fait d’un matériau pérenne, et ses dimensions mêmes confirment qu’il est fait pour résister à l’usure du temps, et s’opposer immobile à son passage, depuis la place qui lui est solennellement assignée une fois pour toutes. Le monument, si l’on veut, est une machine (ou un piège) à mémoire, et sa présence est avant tout témoignage. Mais pour peu que cette présence soit moins comprise comme signe d’une mémoire à préserver que comme simple caractère monumental – comme affirmation emphatique d’une grandeur : qu’arrive-t-il alors ? D’une certaine façon, Puglia a effectué sur la monumentalité un travail critique analogue à celui qu’il a conduit sur la photographie. Il a disséminé, et ce à travers toute l’Europe, des sculptures fugitives, temporaires, délibérément abandonnées aux éléments ou au vandalisme. Il a aussi travaillé sur la récupération et la mise en scène mussoliniennes du passé monumental de l’Italie. Or il se trouve que le fascisme, en dévastant le tissu urbain autour des vestiges antiques au nom de leur “nécessaire solitude” de géants, les laissa du même coup à découvert et comme à nu, d’autant plus vulnérables aux bombardements. (De quoi donc témoignent désormais ces étranges silhouettes dissimulées sous des sacs de sable, qu’ont-elles à dire sur le sens de leur survie, maintenant qu’elles sont imprimées et reportées sur des substances aussi délicates et fragiles que le silicone, le rhodoïd ou l’organza ?)
“Inventaire”. En latin juridique, inventarium – terme que Salvatore Puglia a choisi pour intituler la présente exposition. Au sens strict, l’opération qui porte ce nom consiste à établir la liste descriptive et estimative des éléments d’une communauté (lorsque vient l’heure où cette communauté doit être liquidée) ou d’une succession (quand une mort impose de régler les questions d’héritage). Un inventaire n’intervient qu’après coup, une fois que tout est consommé ; relevant des traces, opérant des partages d’actifs et de passifs, il fixe un état des lieux en attendant qu’advienne peut-être une distribution nouvelle. Inventarium : un tel titre laisse donc déjà entrevoir que le travail de Puglia, minutieux, réfléchi, attentif aux moindres détails, inséparable d’une activité classificatrice ou sérielle, tient du procès-verbal. Car sa recherche, elle aussi, n’intervient qu’après coup. Après décès, serait-on presque tenté de dire, puisque cette recherche semble ne commencer que là où tout paraît avoir fini à tout jamais, sans retour possible (pour être plus exact, les figures si fréquentes de la ruine et du ravage paraissent toujours constituer chez lui des abords ou des approches de la déflagration majeure qui a troué le XXème siècle). Et par là, ce travail tient aussi du rapport – historique ou d’autopsie. Les oeuvres de Puglia paraissent à peu près toutes se détacher sur un fond discrètement endeuillé. Le sens presque douloureusement aigu de la fin révolue dont ces oeuvres témoignent, et l’attention que l’artiste porte à la scruter afin de déchiffrer sur ses vestiges le sens de ce qui s’est produit, expliquent sans doute en partie que depuis des années, l’une des nappes résurgentes de son travail s’alimente aux sources de la médecine et puise dans ses documents (gravures d’écorchés, anatomies, radiographies, planches anthropométriques reviennent régulièrement hanter la surface de ses images).
Est-ce à dire que l’art lui-même, en ces temps d’après la catastrophe, se réduit à n’être qu’une survivance, une enquête funèbre, une pratique aussi vestigiale, périssable et obsolète que les matériaux sur lesquels elle porte ? Le verbe latin dont dérive le mot inventarium inviterait d’abord à le penser : invenire, littéralement “venir (ou tomber) sur”, signifie en effet “trouver, découvrir” quelque chose de préexistant, plutôt qu'”inventer”. Ainsi, l’artiste aurait moins à produire de la pure nouveauté qu’à recueillir et interroger des données. Sans doute. Reste alors à savoir comment les choisir, où les chercher, comment les combiner ou les mettre en rapport. Et à quelle fin. Si donc Puglia ne se soucie pas trop de paraître original, c’est tout simplement au nom d’une certaine éthique, qu’il tient sans doute de sa formation d’historien. C’est en effet dans la pratique de l’investigation historique que sa vocation d’artiste s’est déterminée, au contact des documents et de leur charge d’opacité temporelle. Histoire, historia : sans doute est-ce par ce très vieux mot grec qu’il aurait fallu commencer. Il signifia d’abord quelque chose comme “enquête” ou “investigation”. Il finit par être le nom de cette pratique (de ce désir) de savoir qui amena il y a vingt-cinq siècles un certain Hérodote à voyager pendant des années pour accumuler les faits et les versions que les hommes en donnent, à les superposer, à les soumettre à examen, à les mettre en lumière, à en surprendre les discordances, et puis à en écrire un inventaire destiné à durer – tout cela pour tenter de comprendre de quoi son présent était fait.
Daniel Loayza
rendiconto
Godard arte
venerdì 17 e sabato 18 maggio 2002
Via Monserrato 29 Roma
Frammenti
1992-2002
tecniche miste in cornici di piombo
Wilderatlas
1998-2002
riporti tipografici su stoffa
Nouvelle iconographie de la Salpetrière
1999-2002
xilografie su carta kraft
Laralia
1999
xilografie su carta kraft
Iconostasis
1997-2002
riporti tipografici su lattice
Leçons d’anatomie
1997
filo da cucito su garza