1. Lingua franca (mixed media, 1997-2009).
Les archives du Tribunal pour les mineurs de Naples, après le tremblement de terre de 1980 et vingt ans de saccage. L’Antiquarium de Rome, où étaient entassés en plein air les débris des sculptures classiques qui n’avaient pas trouvé de place dans les musées. Le sonnet n. XXIV des Rime de Pétrarque (“E contra gli occhi miei s’è fatta scoglio”).
2. Positivism (mixed media,1990 2009).
Une méthode nouvelle pour soigner l’ataxie locomotrice, un échantillonage de visages humains, beaucoup de foi dans les vertus de la classification et du jugement.
3. L’Illustrazione Italiana (mixed media, 2009).
Des photographies des années 30, appartenant à une documentation sur l’Afrique coloniale. Le travail sur ces images pose la question de la peau, comme la question de l’ambivalence de notre propre regard. Il n’y a pas de manifeste : seulement, le regard posé sur ces sujets n’a pas les caractéristiques du premier qui a été posé sur eux.
4. La Buoncostume 01-04 (mixed media, 2009).
Début 2008, La Questura (Commissariat central) de Rome, au lieu de les léguer aux archives nationales, s’était débarrassée de 8000 photographies d’identification (“non utiles à des fins d’investigation”) qui furent retrouvées par un chiffonnier dans deux grands sacs poubelles et vendues à une galerie-librairie antiquaire, Il Museo del Louvre, qui en organisa l’exposition et en informa malencontreusement la presse. Le jour même du vernissage, avant l’ouverture de la galerie, les Carabinieri, alertés par la surintendance au patrimoine, firent une descente et séquestrèrent les photos et le catalogue.
Les six images que j’ai choisies et retravaillées figuraient sur un exemplaire du catalogue qui a été dérobé au moment de la perquisition. Elles viennent vraisemblablement des archives de la Police des Moeurs et doivent dater de la fin des années 60. On ne connaît pas l’identité de ces sujets, et après mon traitement on aura du mal à les reconnaître.
5. Leçons d’anthropométrie (mixed media, 2009).
Ces leçons viennent des archives départementales du Gard. Comme on sait, chaque nomade ou ambulant ou forain, isolé ou membre d’une famille, devait porter sur soi un carnet anthropométrique qui était tamponné à chaque entrée ou sortie d’une commune française. Ce carnet a été utilisé entre 1912 et 1969 : il contenait, outre les données écrites, les portraits de face et de profil de l’intéressé, ainsi que les empreintes de ses dix doigts. J’ai reproduit six photographies des années 20, d’individus d’une même famille, dont je ne connais pas le nom, sur des verres que j’ai superposés aux articles du règlement concernant ces carnets, transcrits au feutre noir sur du carton d’emballage. J’y ai superposé des formes en rouge fluo et en blanc. Cela peut faire penser au design de cette époque-là, que ça soit du constructivisme ou du Bauhaus ou…
6. Colpi proibiti (mixed media, 2009).
Mon travail photographique est une archéologie négative. L’archéologue s’affaire à mettre au jour les restes du passé, en épluchant strate après strate le temps qui les a recouverts. Ma méthode en est l’opposé : je superpose des strates de matériaux linguistiques différents sur l’image choisie, jusqu’à la brouiller. Ces strates n’ont aucune relation analogique entre elles et se soustraient, ainsi, à toute recherche de sens. Je laisse juste la place à une allusion.
Ici, aux photographies en couleur de la plus importante collection lapidaire romaine en France, j’ai superposé des images transparentes tirées du volume XXVIII (publié en 1935) de l’Enciclopedia italiana, illustrant l’article « Pugilato » (boxe) et montrant les coups de défense, ainsi que ceux qui sont défendus (qui sont aussi répertoriés, cela va de soi, pour qu’on puisse les sanctionner).
S.P. mai 2009