L’œuvre visuelle de Salvatore Puglia s’accompagne d’investigations sur les sources documentaires d’images, traces, sédiment, texte, bestiaire, qui oscillent entre l’ombre des paradis perdus et le purgatoire terrestre. Huit œuvres sur vingt-cinq inédites sont accrochées, issues des planches zoologiques du naturaliste français Georges Louis Leclerc de Buffon où l’artiste s’appuie sur les pétroglyphes préhistoriques. Il remonte loin dans le temps et accumule, superpose des cartes d’état-major, texte de Walter Benjamin, en extrait les animaux cousus en rouge sur support papier recouvert parfois de silicone. En artiste détective, cet ancien historien s’élève au-dessus de la fourmilière humaine afin d’en améliorer la vision, pour aborder de front toutes les données, de penser à comprendre le rapport des choses entre elles. Buffon observait la nature parfois riante ou terrible, offrant méditations ou retraites réflexives, sous la menace d’engloutissement par les antiques révolutions du globe : c’est le cas avec From Pompéi lorsque l’éruption du Vésuve en 79 avant J.-C, —torrents de boue, cendre et lave—-, a stoppé le temps et enfermé corps humains et ossements d’animaux dans une gangue, plus tard transfusée de ciment pour obtenir un moulage. « Ce fut la nuit comme dans un espace clos, toutes lumières éteintes », écrivait Pline le Jeune à son oncle.
Télescopage du temps : rappelez-vous des chiens errants à Pompéi en 2012, chiens oisifs et paisibles qui hantaient l’ancienne ville antique, symbole d’un abandon d’ordre politique?
Tout comme Buffon, avec ses miroirs plans, Salvatore Puglia utilise aussi le verre sur lequel il grave des textes, indices autobiographiques et le miroir. Il s’est arraché au joug de l’autorité instrumentalisée d’une certaine idée de l’Histoire pour parcourir l’univers, où sur ses traces, l’homme apparaît toujours en arrière fond. Avec quel plaisir on le suit à travers ses correspondances ! L’œil parvient à saisir les combinaisons proposées jusqu’à saisir d’un seul coup d’œil, le pan d’un vaste horizon. Du coup, on reconstruit nous-mêmes et à l’intérieur de soi, nos images intimes, sous forme de combine-painting mentales. Avec quelle curiosité, on observe chaque détail inscrit, réfléchissant sur le verre, par la transparence opaque de la silicone et sur des photographies… Avant d’écrire l’histoire de chaque espèce d’animaux, Buffon a porté ses recherches sur les qualités communes à toutes et il essaya de répondre à la question suivante : «Les animaux sont-ils différents de l’homme, de par leur faculté intellectuelle ? » Salvatore Puglia introduit des paradoxes à prouver ou à combattre les règles générales d’une science, et en même temps, il déroute car il n’est pas dans la séduction mais dans une mise en lumière, de la liaison entretenue par l’homme avec l’histoire, en y mêlant imaginaire et la couleur rouge, tout en multipliant les nuances, ou en reproduisant des animaux, par exemple, une élégante girafe, un éléphant, la puissante une chauve- souris. L’artiste fait mouche. Ce sont toujours des éléments de la nature qu’il juxtapose, nature physique et spirituelle, entourés par des phénomènes de l’univers, laissant au regardeur le soin de méditer. Sans lassitude. Intelligiblement.
Salvatore Puglia est représenté par la galerie Sit Down qui va exposer des travaux inédits en juillet 2015 à la galerie Huit, pendant les Rencontres d’Arles
Flair Galerie- 11 Rue de la Calade- Arles