Asylum. Morale d’une installation muséographique (2010)

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Pendant la Deuxième Guerre mondiale, Naples n’eut à souffrir de l’occupation nazie que pendant vingt jours, avant que la révolte populaire et l’avancée des Alliés ne poussent les troupes allemandes à quitter la ville. Il n’y eut pas le temps matériel pour organiser une persécution systématique de la population juive et « seulement » quatorze juifs napolitains, capturés dans d’autres régions d’Italie, furent assassinés dans le cadre du projet d’extermination raciale. S’occuper de la Shoah à Naples veut dire, par conséquent, faire appel à une conscience « universelle » plutôt qu’à une expérience historique partagée et reconnue.

Compte tenu de cette introduction, et de la situation particulière où je fus appelé à intervenir, mon récit vaut plus comme une expérience à raconter que comme un exemplum d’installation historiographique et muséographique.

L’expérience dont il est question eut lieu en janvier 2001 à l’Albergo dei Poveri (l’Hôtel des Pauvres) de Naples, un imposant bâtiment édifié à partir du milieu du xviiie siècle par le roi Charles III de Bourbon, sur un projet de Ferdinando Fuga et suivant le modèle d’institutions similaires, devenues courantes à l’âge baroque. Il s’agit d’une construction inachevée : trois des cinq ailes prévues furent effectivement dressées, et seuls des manchons de murs à ciel ouvert témoignent de l’église cruciforme prévue dans la cour centrale. Malgré l’interruption des travaux – trop coûteux et trop longs pour le royaume de Naples–, le « palais Fuga » reste l’un des plus grands édifices d’Europe et sa façade est d’une largeur exceptionnelle.

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Expression extrême d’une utopie autoritaire, le bâtiment aurait dû, selon le projet initial, accueillir jusqu’à huit mille personnes (tous les invalides, les mendiants, les jeunes délinquants, les orphelins, les prostituées et les zitelle du royaume), tant pour les soustraire à la vue publique que pour les transformer en main-d’œuvre à coût réduit. Il parvint néanmoins à héberger jusqu’à quatre mille marginaux à la fois, présentant ainsi les traits d’une ville dans la ville, avec son administration, ses cuisines, ses buanderies, ses manufactures et son cimetière annexe, le cimetière des « 365 fosses » où, chaque jour de l’année, l’on ouvrait une pierre tombale numérotée qui recouvrait une large fosse commune.

Au xxe siècle, le bâtiment fut progressivement vidé, mais en 1980, au moment du tremblement de terre qui fit deux mille victimes en Italie méridionale, y fonctionnaient encore le tribunal des mineurs, quelques bureaux et une maison de retraite, dans les décombres de laquelle on trouva les corps de onze personnes. À partir de cet épisode, l’Albergo dei Poveri fut presque entièrement abandonné et livré de fait au saccage et à toutes sortes d’activités, licites et illicites. Aussi l’aspect du palais, encore aujourd’hui et malgré la rénovation totale de sa façade, est-il celui d’une magnifique et labyrinthique ruine.

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Tel est le site où il fut prévu d’organiser un événement en commémoration de l’Holocauste, dans un contexte historique et politique particulier.
En janvier 2000, en effet, quarante-cinq nations avaient envoyé leurs représentants à Stockholm pour une conférence où l’on décida de commémorer tous les 27 janvier l’extermination des juifs européens (1). Dans la foulée, le parlement italien approuva en juillet de la même année une loi (no 211) qui consacre la Journée de la Mémoire comme événement institutionnel. Ces moments de reconnaissance et d’institutionnalisation se situent dans ce qui est, selon Nicole Lapierre (2), le quatrième temps de l’après-génocide, celui de l’internationalisation de la mémoire de la Shoah.
Or, les locaux de l’ancien « Hôtel des Pauvres » abritaient une association de sport, le Kodokan, active depuis trente ans déjà et très engagée dans la réinsertion sociale des jeunes du quartier. Ses animateurs eurent connaissance de cette loi et associèrent immédiatement le lieu de leur engagement à la commémoration prévue : l’Albergo ayant été pendant plus de deux siècles un lieu de réclusion et le témoin d’une souffrance dont les traces étaient encore visibles sur ses murs ébréchés et dans toute sa structure délabrée, il s’agissait d’un site « idéal » pour une telle circonstance.
« Trop idéal », pensais-je tandis que, contacté par un ami qui avait fait fonction d’agent dans la recherche d’un artiste, je visitais le palais. Je me demandais en quoi un artiste était nécessaire pour animer une « journée de la mémoire ». Peut-être était-ce parce que, face à un événement perçu comme inexplicable et en prise avec l’émotionnel, on a tendance à faire appel au fait inexplicable et émotionnel qu’est la création artistique ?
Rapprocher un lieu singulier ayant sa propre histoire et un temps de la mémoire dont la logique est différente peut donner, si l’on ne quitte pas le domaine de l’empathie, un événement hautement kitsch. Car qu’est-ce que le kitsch sinon une représentation qui, partant de l’émotion et du bon sentiment, reste liée et subordonnée à son propre sujet, sans jamais atteindre une forme autonome et libérée ? Et l’Hôtel des Pauvres n’était-il pas, dans sa magnifique et oppressante décadence, le lieu « idéal » pour une énième « kitschification » de l’extermination des juifs ?
La difficulté, pour concevoir une telle commémoration dans un tel lieu, résidait justement dans le fait que certaines analogies formelles (bien que dans une incomparabilité fondamentale des deux faits) étaient reconnaissables : l’attitude hygiéniste et paranoïaque à l’égard des identités minoritaires et marginales, une certaine « manufacturation » dans leur traitement, la pratique de la ségrégation et de l’exclusion. Il fallait éviter précisément l’amalgame des différentes persécutions et souffrances. Il fallait échapper aussi bien à la litanie commémorative qu’à la bonne volonté démonstrative.

J’avoue que j’étais peut-être plus intéressé par le lieu que par le thème de mon intervention. C’était une période où je m’occupais de sujets comme le refuge, le repaire, l’accueil, et j’avais monté six mois auparavant, aux Pays-Bas, un « parachute habitable » qui avait été la démonstration de l’impossibilité d’une hospitalité inconditionnée : je me posais la question d’un refuge qui ne soit pas, en même temps, une prison. Par ailleurs, en répondant à cet appel napolitain, je ne comptais pas « faire de l’art sur » un fait historique aussi définitif. Un tel fait devait – à mon sens – être laissé à son historicité et à l’interrogation qu’il posait sur l’histoire-même ; il n’avait pas à être traité comme un « sujet artistique ».
Toutefois, une « mise en forme » était nécessaire, qu’on l’appelle « direction artistique », « design », « installation ». Il s’agissait de donner un cadre stricto sensu à la re-présentation de la catastrophe. Comme l’on sait, le cadre est l’élément intermédiaire qui met en relation le tableau et l’espace dans lequel il est placé.

J’arrivai à Naples avec dans mes poches deux ou trois références. D’abord un article de Gianni Vattimo, « L’impossible oubli » (3). À partir du texte de Nietzsche sur « l’utilité et l’inconvénient de l’histoire », Vattimo suggère comment, en un temps comme celui-ci, qui connaît une véritable « fièvre historique », un tel excès devrait être non seulement reconnu mais extrémisé, plutôt que de se réfugier dans l’oubli grâce à la religion ou à un art vu comme œuvre « unique, instantanée, classique ». L’idée d’une création oublieuse, débitrice d’une esthétique de l’utopie, n’est plus présentable, désormais.
Le deuxième texte que j’apportais était un article récent de Régine Robin, « La mémoire saturée » (4). Robin est une chercheuse qui a travaillé de manière extensive sur la relation entre mémoire et invention : dans l’article mentionné, par exemple, elle remarque comment, à la libération des camps, certaines images photographiques étaient mises en scène. Sa position, à l’égard de la représentation de la Shoah, est qu’il faudrait établir des espaces de méditation et de réflexion plutôt que de tenter de recréer l’expérience traumatique. Ce qui bloque la transmission, dans les institutions officielles de la mémoire comme le Washington Holocaust Memorial Museum, c’est « l’excès d’images et d’explications ». Il faudrait, au contraire, ouvrir un troisième espace, un espace « spectral », qui pourrait introduire aussi bien à l’acceptation de l’héritage qu’à sa transmission (5).
Enfin, j’avais aussi emporté le texte qui contenait les mots les plus célèbres et les moins bien cités à propos de la possibilité d’un art de l’après-Holocauste : « Nach Auschwitz ein Gedicht zu schreiben ist barbarisch », « écrire un poème après Auschwitz est un acte de barbarie », disait en 1949 Theodor Wiesengrund Adorno, dans Kulturkritik und Gesellschaft (6). « À travers le principe esthétique de la stylisation […] un destin inimaginable réapparaît comme s’il avait du sens et, avec le refoulement d’une partie de l’horreur, il est transfiguré » (7), réaffirmait-il dans une émission radiophonique en 1962. Je ne m’attarderai pas sur le débat autour de ces quelques lignes (8), mais je voudrais rappeler la révision que le philosophe allemand lui-même en fit. Voici ce qu’il affirme dans l’un de ses derniers écrits :
La douleur incessante a aussi bien le droit de s’exprimer que le martyrisé de hurler. Il est peut-être faux, par conséquent, d’avoir dit qu’après Auschwitz on ne peut plus écrire de poème. Mais elle n’est pas fausse la question, moins culturelle, de savoir si après Auschwitz on peut encore vivre… (9)
Et, plus avant dans le même texte :
Après Auschwitz il n’y a pas de parole qui vienne du haut, même pas une parole théologique, qui ait un droit, à moins qu’elle ne subisse une transformation. (10)

En dessinant les lignes de l’installation napolitaine du 27 janvier 2001, j’envisageais de m’engouffrer dans le soupirail ouvert par ce simple adjectif, unverwandelt, que je viens de paraphraser de manière si prolixe. Y aurait-il eu l’espace pour une mémoire performative ?

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En arrivant à l’Albergo dei Poveri, je compris combien « l’appel » auquel j’avais répondu était né d’un malentendu linguistique, d’une traduction erronée. Il était évident qu’à Naples on disait « artiste » à l’ancienne, en désignant par là une personne de la scène, un homme de spectacle. Plusieurs discussions et maintes controverses surgirent à cause de ce malentendu. Je ne le regrette pas finalement, car j’ai compris que, si l’on veut rassembler et créer une sensibilité, il faut renoncer à une bonne partie de ses propres exigences esthétiques ou idéologiques. Il y eut un côté « événementiel » de la Journée, mais il fut limité à l’inauguration de l’exposition, et il n’y n’eut pas, comme on me l’avait proposé au début, des bandes de jeunes du quartier qui, habillés de rayures, bloquaient en gémissant la circulation sur la Piazza Carlo III, dans une performance imaginative, certes, mais qui aurait exprimé toute cette approche mimétique que je voulais éviter. On choisit de ne rien monter qui puisse favoriser une attitude de compassion ou de commotion, précisément parce qu’une telle attitude amène à se solidariser à chaque fois avec la dernière victime, en oubliant la spécificité du fait historique (d’ailleurs, les récents événements en Israël et en Palestine (11) mirent en danger la réalisation même de la Journée sur la Shoah).
On décida, pour la soirée inaugurale, de laisser le site dans l’état où nous l’avions trouvé mais de lui donner, pour quelques heures, une vie différente : en diffusant des voix enregistrées dans la rue, en montrant des tableaux vivants qui, au lieu d’insister sur la commémoration ou de chercher une vraisemblance, pourraient plutôt produire un manquement de sens, un dépaysement du visiteur. Celui-ci se trouvant alors face à une conscience de l’absence, à une reconnaissance de la perte, au sentiment de la fragilité des traces. Mais, en cherchant une approche allégorique, il fallait aussi éviter l’absolue prise de distance à laquelle peut mener l’allégorie : il fallait que l’on sente une poïésis, un travail en cours. Je m’autorisai une seule intervention personnelle : un parachute de secours en soie blanche, suspendu au plafond de l’un des très hauts couloirs de l’Hôtel des Pauvres, à moitié entortillé, qui ne pouvait plus sauver personne. Au bout de l’une des ficelles, effleurant le sol, une petite photographie datant des années trente, dénichée dans un marché aux puces de Berlin, sur laquelle posaient deux jeunes femmes inconnues.

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L’exposition permanente fut montée dans un contexte moins bruyant. Il n’y eut pas de décoration, ni de peinture des murs, ni de panneaux explicatifs. Pour ce qui était des accessoires, on utilisa ce qu’on avait trouvé sur le lieu même, les restes de ses fonctions successives. Avec les jeunes qui nous aidaient dans le montage on pénétra dans les parties condamnées de l’Albergo. En marchant sur des tapis de papiers d’archives étalés au sol on découvrit et on s’empara de ce que les maraudeurs avaient laissé de côté : des tableaux noirs, des sièges de cinéma, des bancs d’école, des étagères. On ramena ce mobilier dans les espaces de l’exposition et on y installa le matériel documentaire recueilli jusqu’alors. On nettoya sommairement les salles et on y plaça les ordinateurs, les imprimantes, les projecteurs vidéo. Les locaux restèrent comme on les avait trouvés, nus, transparents vers l’histoire.
En fin de compte on installa une collection : on avait assemblé et rendu accessibles des photocopies de documents et quelques dizaines de livres, une bonne quantité de films en VHS, les originaux des lois raciales italiennes. On avait imprimé trois brochures en distribution libre : une « sitographie » Internet, une bibliographie, un répertoire filmographique. Le résultat fut que plusieurs visiteurs furent déçus ou offensés par « l’exposition », parce qu’il n’y avait « rien à voir », tandis que d’autres, quelques autres, revinrent jour après jour pour utiliser les outils mentionnés (12).
Nous pensions que, au lieu de proposer encore une fois la berceuse consolatrice du devoir de mémoire, on devait donner une structure pour le travail d’anamnèse. Le principe de « l’exposition » permanente était un principe de relation : il n’y avait rien à voir, si les gens ne voulaient pas voir. Il y avait à utiliser le lieu et ses accessoires : on pouvait prendre un livre et le photocopier, prendre une cassette vidéo et la visionner, s’asseoir devant un ordinateur pour visiter via Internet les sites consacrés à la Shoah. On offrait des instruments de recherche et d’éducation à la place de l’adhésion émotionnelle. Le sujet de la Journée n’était pas tant le génocide des juifs en tant que tel que sa représentation en littérature, musique, cinéma, théâtre, arts plastiques, dans toutes ses différentes formes. On posait la question de la représentabilité sans proposer de solutions, mais en mettant à la disposition du visiteur tout le matériel qui avait été produit en Italie entre 1945 et 2000. Nous avions confiance dans le fait que le cadre même de « l’exposition », si transparent, pourrait être pris comme une invitation à l’interprétation. Au lieu de crier au scandale de l’histoire, il s’agissait de rendre compte de tous les dépôts, les stratifications, les résidus et les travaux que l’histoire nous avait laissés.
Le but de cette expérience napolitaine n’était pas de « préserver » la mémoire – je continue de penser que toute entreprise de préservation, dans son rapport nécessaire à la contrefaçon, est l’un des territoires du kitsch, et je considère toujours le kitsch comme une forme de mauvais art. Notre objectif n’était pas d’indiquer des modèles éthiques – disons, d’ériger un monument –, ni d’exhiber des preuves et des démonstrations – par exemple construire un musée. Ce qui avait été recueilli et placé dans les espaces de l’Albergo dei Poveri était un ensemble de documents choisis de la représentation, de produits visuels ou écrits qui avaient à voir avec le sujet spécifique de la Shoah en Italie. Au cours de ce processus de recherche et de mise à disposition, dans un cadre particulier, qui dura six mois et qui occupa une dizaine de jeunes personnes, les objets devenaient les instruments d’une potentielle transformation intellectuelle.
Ce qui était présenté, en fin de compte, c’était une « collection installée », un montage ou une mécanique de documents ; c’était une projection de l’histoire.

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NOTES :

1 C’était le Stockholm International Forum on the Holocaust. A Conference on Education, Remembrance and Research. Les actes du colloque sont consultables sur le site <www.humanrights.gov.se>.

2 Voir « Déplacés, déplacer », entretien avec Nicole Lapierre, Vacarme, no 47, 2009, p. 4‑12.

3 Gianni Vattimo, « L’impossible oubli », dans Usages de l’oubli, contributions au colloque de Royaumont (1987), Le Seuil, 1988.

4 Régine Robin, « La mémoire saturée », L’Inactuel, septembre 1998 ; repris dans le livre du même titre, Stock, 2003.

5 Je n’eus connaissance que trop tard d’une contribution qui m’aurait évité bien des problèmes de conscience, puisqu’elle balaye quantité de lieux communs sur la question : « La représentation interdite », de Jean-Luc Nancy, écrite en 1999 et publiée dans Genre humain, no 36, Jean-Luc Nancy (dir.), L’art et la mémoire des camps : Représenter exterminer. Rencontres à la maison d’Izieu, 2001, p. 13-39. Par contre, je pus assister en décembre 2000, au cours d’un colloque parisien (les actes ont été publiés depuis : Joseph Cohen, Raphael Zagury-Orly (dir.), Judéités, questions pour Jacques Derrida, Galilée, 2003), à une controverse entre Jacques Derrida et Claude Lanzmann où le premier faisait tabula rasa de l’idée d’incomparabilité de la Shoah.

6 Prismes. Critique de la culture et société (1955), Payot, 1986, p. 23.

7 « Engagement », dans Noten zur Literatur III, Francfort-sur-le-Main, 1965.

8 Mais je renvoie à John Felstiner, « Translating Paul Celan’s “Todesfuge” : Rhythm and Repetition as Metaphor », dans Saul Friedländer (éd.), Probing the Limits of Representation. Nazism and the « Final Solution », Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1992, p. 240‑258.

9 Dialectique négative, Payot, 2001, p. 348.

10 « Kein vom Hohen getöntes Wort, auch kein theologisches, hat unverwandelt nach Auschwitz ein Recht », Negative Dialektik (1966), dans Gesammelte Schriften, Francfort-sur-le-Main, 1990, vol. 6, p. 360 (p. 353 de l’édition en français). L’italique comme la traduction viennent de moi.

11 La célèbre promenade d’Ariel Sharon sur l’esplanade des Mosquées, avec le regain du conflit qui s’ensuivit.

12 L’un des buts de cet événement, entièrement financé par la municipalité de Naples à hauteur d’environ 90 000 euros, était de créer les conditions pour un centre de documentation permanent.

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Ce texte est paru dans le numéro 5 de la revue Ecrire l’histoire. On pourra y trouver les notes qui manquent ici.

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Asylum (2001)

During World War II Naples suffered for only twenty days from the Nazi occupation, before a popular uprising and the advance of the Allies pushed the German Army out of the city. There was therefore no time for the organization of a systematic persecution of the Jewish population and  “only” fourteen Neapolitan Jews died as a consequence of racial persecution, having been apprehended in other regions of Italy.
To work on the issue of Shoah in Naples means, though, to appeal to a universal, hopefully common, consciousness, rather than to recall a shared historical experience.
With regard to that, and to the peculiar surroundings in which I have been asked to work, the situation of Naples is far too particular to be taken as an example of a historiographic and museographic installation. It can be proposed, then, as a story.

The event took place in the Albergo dei poveri (or the “Poor’s Hostel”). Its construction began around 1750 on the instruction of the Bourbon king Charles III and was meant to emulate similar initiatives in Europe of that age. These buildings are of the type Foucault describes as the models both of the penitentiary and the factory. They express an authoritarian utopia that represents one of the many sides of the Enlightenment epoch. Such places were meant as a tool for the cleaning up of the nation: beggars, invalids, orphans, prostitutes, elderly or disabled people were taken out of the street and concentrated in such places, either to be just segregated from the public life or to be put to work.
The Neapolitan Albergo dei poveri was supposed to host up to eight thousand inmates (the whole of the estimated marginal layer of the population), but its conception was so megalomaniacal that it was never finished and only three of the original five wings were completed (although, this building remains one of the biggest in Europe). At the beginning of the Nineteenth Century its construction was eventually stalled, and since then it presents the aspect of a huge ruin, half inhabited and half abandoned. It housed, though, up to four thousand people before being progressively emptied. In 1980 an earthquake finally caused the death of eleven elderly residents and this de facto was the end of its use as an asylum. In the following years the palace was looted of almost all the remaining furniture and only in recent years has a project of renovation started. In the meantime social workers took possession of a wing of the Albergo, which as a whole is the property of Naples Municipality.

This then was the site of the proposed event that related to the Holocaust. There is, then, the question of the time period in which such an event could take place.
We have witnessed three phases in the historical recognition of the Shoah. The first one, extending from the end of the War to the mid-Seventies, is characterized by a relative silence about the persecution of the Jews; there have been, though, moments of debate and polemics (in particular around the Eichmann trial in Jerusalem) and the publication of some capital books (Wiesel, Levi, Hilberg). A second phase saw a wide enlargement of the knowledge of what happened, and also the revisionist phenomenon, along with a visual production that reached a large public, like the television series Holocaust (it is interesting to see how the widely accepted denominations for the extermination of the European Jews came from fiction –or documentary- films: today it is considered more correct to employ the term Shoah, that is still the title of a movie). A third phase, which we are living through today, sees the institutionalization and a sort of saturation of memory, where there are rising voices that Jews are “doing too much” (See the foreword to the new edition of Nicole Lapierre, Le silence de la mémoire, Paris 2000).

In January 2000 forty-five States sent their representatives to a conference in Stockholm, where it was decided to hold, in every country, a day of the memory. Such a day should be the 27th of January, the anniversary of the liberation of the Auschwitz camp. Among the national institutions that complied with the indications of the Stockholm conference, was the Italian Parliament. In July 2000 a law declared the institution of the Day of Memory.
The social workers of the Albergo dei poveri, active for thirty years now with hundreds of boys from the slums that surround the building, hearing on news of the law, found that theirs was the “ideal” place to celebrate such a date. The Albergo, in fact, had been for Centuries a place of suffering, and the traces of such suffering were somehow still visible on its damaged walls and its decaying architecture. A more pertinent place to remember suffering and confinement could not be found. The children themselves could be involved, playing the role of the deported Jews in a sort of mimetic performance.
As you can see, then, a place that is just itself meets a time of remembering that is not in itself necessarily a moment of kitsch. But the two things together, through a procedure that, moving from compassion, creates identification, can easily originate a highly kitschy event. The problem, for somebody called to create an event in such a place and about such a subject, was: how, recognizing some historical analogies (the hygienic and paranoiac relation to the marginal and the different, the choice of their concentration in a separated space), to avoid a mimetic, sentimental approach without limiting oneself to a mere presentation of documents that have been seen hundreds of times.
I confess that I was more interested in the place than the subject. At that moment I was making works about the concept of shelter, refuge, hospitality and, after having built –last May, in Maastricht- a “parachute” that was meant as an exercise of unconditional hosting, I was wondering how to put the question of a shelter that would not be at the same time a prison. On the other hand, I did not want to make art “on” such an extreme subject. Such an event should be left, I thought, to its historicity and not be dealt with in terms of “art”. A form of aesthetic approach to an historical event is, though, unavoidable; even if you call it “design” or “installation”, there is a problem of setting a frame, of giving a shape to the re-presentation of catastrophe.

I came to Naples, then, with a couple of references in my head. First, an article by Gianni Vattimo called “L’impossible oubli” and published in the acts of the Royaumont symposium on Usages de l’oubli, “Usages of the oblivion” (Paris 1988). Starting from an early Nietzsche text on “the utility and damage of the history”, Vattimo points out how, in a time period that sees a “historical fever” and an excess of memory, one should recognize and extremisize such an excess, instead of taking refuge in the oblivion through religion or art as a ”unique, instantaneous, classical” work. The idea of a forgetful creation is, in fact, dependant on a “aesthetic of utopia”, which cannot be proposed anymore.
The second was a recent article by Régine Robin, “La mémoire saturée” (“The saturated memory”), published in L’inactuel in September 1998. Régine Robin is a French scholar who has been working extensively on the relationship between memory and fiction; in the text I am mentioning, for example, she states how at the liberation of the camps, some photographs were staged, as was the famous one of the US marines planting a flag on the mount Suribachi in the Iwo-Jima island. Robin’s position is that in facing the representation of the Shoah one should set spaces of meditation, rather than trying to re-create a trauma. What blocks the transmission in such official institutions as the Washington Holocaust Memorial Museum, “is the excess of images and explanations”. One should rather open a third space, a “spectral” one, that could allow both the heritage and the transmission.
Finally, a third text containing perhaps the most famous lines on the possibility of art after the Holocaust, that I will, after all, quote: “Nach Auschwitz ein Gedicht zu schreiben ist barbarisch”, “After Auschwitz to write a poem is barbarian… Through the aesthetic principle of stylization… an unimaginable fate still seems as if it had some meaning; it becomes transfigured, with something of the horror removed”; this statement, already expressed in 1949 (“Kulturkritik und Gesellschaft”) was reaffirmed by T. W. Adorno in a 1962 radio broadcast, to be published in Frankfurt in 1965 (“Engagement”, Note zur Litteratur, 2). I am not going to linger on that issue (I would rather refer you to John Felstiner’s “Translating Paul Celan’s ‘Todesfuge’: Rhythm and Repetion as Metaphor” in Saul Friedlander, ed., Probing the Limits of Representation: Nazism and the “Final Solution”, Cambridge Mass. 1992, pp. 240-258), but I would like to cite a possible update of Adorno’s famous lines: in one of his last texts, the German philosopher states: «After Auschwitz… there is no word … not even a theological one, that has any right unless it underwent a transformation» (Negative Dialectics, New York 1983, p. 367). I would like to say that I took a credit from this correction, if it is one, to draw the lines of the Naples installation.

I decided that I would not build anything that would express an empathetic or emotional approach, precisely because this is the most common approach that is undertaken in dealing, in art or in educational programs, with the Shoah. And what is Kitsch, if not a form of representation that remains subordinated, forever linked, to its subject, and does not reach an autonomous form? And wasn’t the Hostel for the Poor, in its actual state of overwhelming and beautiful decadence, precisely the “ideal” place for another kitschification of the historical event of the Jewish extermination?
I decided, therefore, to leave the place in the state of abandonment in which I found it in, and to make it live again for a few hours, with sounds and short actions that, instead of just filling the space, would displace the visitor, who would find himself –if I may say so- in the presence of “absence”, faced with the recognition of loss and the fragility of the trace. An allegorical approach had to be defined, avoiding, though, the absolute distanciation that allegory can present. People should still feel that a poiesis was taking a place.
On the other hand, I thought that instead of proposing again the consolatory lullaby of the duty of memory, we should give a structure to the anamnesic work. Along with some local youngsters we entered the emptied alleys of the Albergo, where tons of archive papers, that did not appeal to the looters, laid on the floor, and found shelves and tables that we transported to the exhibition rooms and summarily repaired. We did not paint the walls but left them like they were. We just cleaned the floor and installed computers, printers, scanners, video projectors and bookshelves.
The principle of the exhibition, apart from the performances, which took place on the evening of the 27th, was a relational one. There was nothing to see, if people did not want to (most of the visitors were actually disappointed, precisely because there was, instead of a show of Holocaust art, “nothing to see”); but if people so wished, they could take and read a book, take and watch a movie, or use the computers to navigate the Internet sites devoted to the Shoah. We would offer research and educational tools instead of emotional recognition. The subject of the exhibition would not be the Jewish genocide as such, but rather the different forms of its representation in literature, music, performing arts, documentary and fiction cinema. We would set therefore the question of representability without proposing a solution, but rather present all the material that had been produced in Italy from 1945 to 2000 and leave the visitors the freedom of envisaging and utilizing this material. We were confident that the framework of the exhibition itself, whose principles seemed rather transparent, would be taken as a form of interpretation. Instead of crying to the scandal of history, we would take into account all the deposits, stratifications and works that history has presented us with.
Instead of “showing’ or “representing”, we would “project” history.

Naples 2001