Sur une traduction de Pétrarque (2016)

Spuglia Sur une traduction


Une lettre sans réponse

Au conservateur du Musée-bibliothèque François Pétrarque
Fontaine de Vaucluse

Au conservateur du Musée du Petit Palais
Avignon

Depuis vingt-cinq ans, mon travail a toujours navigué entre les Scylla et Charybdis du texte littéraire et de l’image peinte. Mon récent emménagement dans le Sud de la France m’a poussé à chercher de nouveaux repères pour mes intérêts artistiques. La visite de Fontaine de Vaucluse et de son Musée-bibliothèque en particulier m’a fortement impressionné.

Je souhaiterais mettre en oeuvre le projet suivant.

Je partirais d’un seul poème de Pétrarque, probablement le sonnet XIX du Canzoniere (“Benedetto sia il giorno…”), dont je reproduirais l’original italien et plusieurs traductions successives, en français et en allemand *, en employant notamment la version d’Oskar Pastior et la traduction collective qu’on en fit à Royaumont il y a vingt ans (voir la revue Détail, n. 3/4, hiver 1991). Ces différents textes, six en tout, y compris ma propre traduction de la traduction de Pastior, seraient reproduits sur des verres au format carré (32×32). Ils seraient imprimés en police Courrier, en continu, comme un télex. Il sera intéressant de voir comment, avec la dernière traduction, le texte initial sera tout à fait méconnaissable, tout en gardant, je suppose, la trace incontournable de la poétique de Pétrarque.

Ces verres imprimés seraient superposés à des photographies, prises par moi-même, de détails des fresques de Matteo Giovannetti da Viterbo (début XIVe-1369?) à Avignon et Villeneuve-lès-Avignon. S’agissant de détails presque abstraits de peintures délavées ou endommagées au cours des siècles, j’imagine qu’il ne me sera pas difficile d’obtenir la permission de les reproduire. Le choix de ce fond (voir, ci-joint, une image qui pourrait donner une idée de ce que je compterais faire) répond à l’intention de montrer des traces, des survivances, de celle qui était l’époque de Pétrarque (Giovannetti en étant le contemporain et surement un interlocuteur, les deux ayant eu maintes opportunités de se rencontrer entre 1343 et 1353). En même temps, le fond peint et le texte se brouilleraient réciproquement, en créant un effet de distanciation du sujet par rapport à lui-même et, j’espère, un mouvement de décalage dans le regard du spectateur.

Je pourrais présenter pas moins de six pièces, avec en annexe, sur des panneaux, la reproduction des différentes traductions.

J’espère que ce projet pourra retenir votre attention.

Avec mes salutations respectueuses,
SP

Janvier 2012

* Voici les traductions « classiques » que je reproduirais : pour le français, celle de Fernard Brisset, primée par l’Académie Française en 1933, et pour l’allemand, celle de Leo Graf Lanckoronski (Universal-Bibliothek Reclam, 1956).

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Sur une traduction fascetta