Communication IRWIP (2005)

Communication: “Le test pseudo-isochromatique d’Ishihara et sa variante Puglia”

1.
En 1917, le professeur Shibaru Ishihara (1879-1963), médecin militaire et futur doyen de l’Université Impériale de Tokyo, qui avait été l’élève de Stock à Jena, d’Axenfeld à Fribourg-sur-Breisgau et de von Hess à Munich avant d’être contraint de regagner sa patrie suite au déclenchement de la Première Guerre Mondiale, mit au point un système de détection du daltonisme (1) qui est encore pratiqué aujourd’hui, et dont se souviennent tous ceux qui ont fait leurs trois jours en vue du service militaire.
Il s’agit de disques colorés avec des encres différentes (jusqu’à neuf), constitués de points de dimension et de tonalité variables, ce qui rend indistinct, si ce n’est pour le type de couleurs, un signe déterminé qui se cacherait au milieu de cet ensemble. Par exemple, un daltonien deutan distinguera difficilement un signe rouge sur un fond à dominante verte.
Le test dénommé “pseudo-isochromatique” d’Ishihara – dont la version complète est constituée de 38 tables – est particulièrement performant (à 98%) dans l’individuation des dyschromatopsies héréditaires de type protan et deutan.
Les tables de 1 à 25 présentent des nombres arabes. Les nombres sont les signes dont la lecture est commune aussi bien aux occidentaux qu’aux orientaux, et c’est la raison pour laquelle – vraisemblablement – ils ont été employés dans la version internationale du test: ni les lettres de l’alphabet latin, ni les pictogrammes chinois, ni les hiéroglyphes égyptiens n’auraient – en effet – été lisibles par tous.
Les tables qui vont de 26 à 38 sont conçues pour les illettrés et les enfants: y sont tracés des parcours sinueux, que le sujet examiné doit suivre avec la pointe d’un crayon ou de son propre doigt.

2.
La série de travaux que je propose ici, modestement, représente une variante culturelle du test d’Ishihara. Elle est applicable aussi bien aux illettrés qu’aux personnes alphabétisées de toute race ou couleur : il faut seulement que l’examinateur et l’examiné se mettent d’accord sur le nom à donner aux choses.

Pour mettre au point mon humble proposition, j’ai adapté un test pour les enfants malvoyants, qui est utilisé de nos jours dans les services ophtalmologiques des hôpitaux français: il s’agit du test optométrique de R. Rossano et J-B. Weiss-Inserm, qui prévoit l’identification de quelques icônes familières de notre enfance: voiture, landau, chien, poule, fleur, et ainsi de suite. (2)
Et ce n’est pas sans un soupçon de fierté que je propose l’adoption de mon test pour les déficiences chromatiques. En tant que peintre et – bien entendu – spécialiste de la perception, de la vision et – par conséquent – de la couleur, je ne pouvais pas ne pas m’adresser avec empathie à ce 8% de la population qui ne perçoit pas comme il se doit toute la palette du monde qui nous entoure, et je suis confiant dans le fait que cette simple synthèse Ishihara-Rossano-Weiss-Inserm-Puglia l’aidera à mieux se rendre compte de ce qu’il est en train de perdre.

(1). La “cécité aux couleurs “, dont l’origine est génétique et qui est deux fois plus présente chez les hommes que chez les femmes, doit son nom au chimiste anglais John Dalton (1766-1844), qui publia en 1794 la première contribution scientifique sur ce sujet. “Extraordinary facts relating to the vision of colours”.

(2).  Si la dimension des icônes est constante (environ 10 cm de hauteur pour une table de 15×29 cm), la précaution de les peindre sur un écran en plexiglas transparent et détaché du mur permet de les éclairer de manière appropriée, en produisant une multiplication de points lumineux qui augmente ad libitum le coefficient de difficulté de l’examen.