Monstrum nostrum 2025

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Monstrum nostrum.
Un portfolio. Douze estampes 14×24 sur papier offset 300 gr., un texte.
Numéroté et signé en 30 exemplaires.
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Ce qui me semble avoir radicalement changé dans le monde occidental au cours des dernières décennies – de manière de plus en plus accélérée – et qui met en minorité tous les principes des Lumières, de l’humanisme séculier et même de l’humanisme chrétien, c’est la conception de ‘’l’autre’’. C’est comme une cristallisation de l’étranger, perçu comme un bloc d’extranéité et de danger et, évidemment, considéré comme moins humain que ‘’nous’’.

Le thème de l’altérité m’a toujours intéressé, tout comme celui de l’intrus, celui qui se trouve au mauvais endroit au mauvais moment.

Depuis quelques ans, je fais des tableaux où je représente des monstres marins débarquant sur les rivages de la Méditerranée, et je me pose la question de savoir qui est le plus monstrueux, ces poissons ou ces amphibiens au visage humanisé, ou ceux qui les laissent agoniser sur les plages. Je m’interrogeais sur la part monstrueuse de l’homme occidental.

Cette série m’a occupée pendant près de trois ans et a été ma seule activité de création, en dehors de mes productions d’art appliqué (voir la page Folk Art 2003-2025 de mon site salvatorepuglia.info). Elle fait également écho aux changements politiques et sociaux que nous vivons. ‘’Mes’’ monstres sont allégoriques, certes, et ont ce côté ‘’humain’’ qui peut inspirer de la sympathie : tout en étant des parias, des ‘’aliens’’, on dirait qu’on peut parler avec eux une même langue. On se demande si on ne pourrait pas être amis.

À l’hiver 2024-2025 j’ai encore sillonné en voiture les côtes de la “Mer du milieu”, de Port Bou à Vietri sul Mare, au sud de Naples.

J’ai photographié des lieux que je connaissais déjà sous la lumière d’été. L’aspect de ces rivages est bien différent en hiver. Ils sont transformés par les tempêtes automnales, avec tous les débris et les épaves qui les couvrent et qui sont nettoyés à l’approche de la belle saison.

J’ai transcrit des textes sur les gravures imprimées à partir de l’ouvrage d’Aldrovandi, de manière hâtive, brouillonne : des passages de la Tempête de William Shakespeare, ceux de la chanson de Ariel (Full fathom five thy father lies;/ Of his bones are coral made; Those are pearls that were his eyes: Nothing of him that doth fade, But doth suffer a sea-change/ Into something rich and strange).
J’ai également transcrit la merveilleuse traduction napolitaine de la chanson, réalisée par Eduardo De Filippo peu avant sa mort et publiée par Einaudi en 1984 : Nfunn’a lu mare/ giace lu pate tujo./ L’ossa so’ addeventate de curallo,/ ll’uocchie so’/ dduje smeralde…/ E li spoglie murtale, tutte nzieme/ se songo trasfurmate:/ mò è na statula de màrmole/ prigiato, sculpito e cesellato!

Aux photographies prises entre l’Espagne et l’Italie j’ai ajouté des images de littoraux bretons, après la lecture d’un récit d’anticipation de Guy Boucher dans Histoires extraordinaires de l’île de Batz (2016) où le mythe fondateur de l’île – l’expulsion du dragon – est relié aux problèmes et conséquences du changement climatique. Je leur ai superposé des animaux fantastiques, peint à même le verre, en rouge fluorescent. On peut voir dans ce portfolio la reproduction de deux de ces travaux.