Le monument enfoui
(Un mémorial pour Bernard Lazare)
La question du rétablissement d’un monument à Bernard Lazare s’est posée à plusieurs reprises, après la destruction de la stèle inaugurée en 1908 aux Jardins de la fontaine, notamment en 1984-1986 et 2000-2001.
En 1984, un échange entre le maire de Nîmes, Jean Bousquet et le ministre de la culture, Jack Lang, aboutit en 1986 à un financement de la part de l’État pour 150.000 francs (la moitié de la somme envisagée) apparemment jamais utilisés. Aujourd’hui 300.000 francs correspondraient à 86.000 euros. La somme, considérée dérisoire par tous les acteurs à l’époque, fut finalement retenue aussi par les artistes qui répondirent à l’appel de la Mairie.
Plusieurs artistes ayant été envisagés, finalement c’est le projet de Christian Boltanski, personnellement présenté par Bob Calle (directeur du Carré d’art) qui fut le plus proche d’être adopté. N’ayant finalement pas eu de réponse de la part de l’administration nîmoise, Boltanski se retira du projet, trois ans après l’avoir présenté.
En 1990-1992 la discussion se rouvre, le maire n’ayant pas approuvé le projet de Dani Karavan (dont, contrairement à celui de Boltanski, je n’ai pas retrouvé de traces aux archives). Finalement Bob Calle se dessaisit de l’affaire et Christian Liger, adjoint au maire délégué à la culture, semble faire de même.
En 2000-2001 une requête de Carole Sandrel (Les amis de Bernard Lazare), en préparation du centenaire de la mort de l’écrivain, semble remuer un peu les choses, mais apparemment sans suite.
Le projet de Boltanski, prévoyait, au lieu qu’une réalisation monumentale, une installation de pierres, accompagnées de petites plaques, sur une falaise surplombant un bassin, à la hauteur de “l’avant dernière terrasse du jardin de la Fontaine”. Ces pierres auraient dû venir de chaque lieu d’où une différente communauté serait venue à Nîmes, pour un minimum de douze et jusqu’à trente, comme un mémorial qui se construirait au fur et à mesure.
Donc, déjà en ces années-là, la question de la réfection de la stèle « à l’identique » ne se posait pas. Par ailleurs, il était documenté que la stèle, démontée pendant la seconde guerre mondiale et après un séjour dans le jardin du musée du vieux Nîmes, avait fini par être démantelée, pour fournir de matière au monument aux martyrs de la Résistance, édifié à partir de 1946 sur l’avenue Jean Jaurès.
La stèle elle-même était bien endommagée et défigurée, comme le montre une image tirée du site www.nemausensis.com (bien évidents le visage de Lazare barbouillé et le « tag » mort aux juifs).
Aujourd’hui, l’idée d’un nouveau « monument » tient toujours et encore plus la route, surtout si, comme l’avait envisagé Boltanski, il ne se résoudrait pas à une simple commémoration mais prendrait en compte les nouvelles et dramatiques questions liées aux intolérances et aux racismes actuels.
Avril 2023
PS : Ce qui précède est un compte-rendu de ma visite aux archives municipales de Nîmes, 28/03/2023, sur sollicitation du Collectif Mémoire et histoire (Dossiers 4H57 sur l’édification du monument aux martyrs de la Résistance, 92W22 et 2070 W 113 sur le rétablissement du monument à Bernard Lazare).
(D’après le site www.nemausensis.com)
À la suite, un choix de documents issus des archives municipales de Nîmes (92W22 et 2070 W 113) :